Par R�my Prud’homme, Professeur �m�rite � l’Universit� de Paris XII, il a fait ses �tudes � HEC, � la Facult� de Droit et des Sciences Economiques de l’Universit� de Paris, � l’Universit� Harvard, ainsi qu’� l’Institut d’Etudes Politique de Paris. Tour � tour directeur-adjoint de l’environnement � l’OCDE, et consultant pour la plupart des grandes organisations internationales, notamment la Banque Mondiale, R�my Prud’homme remet en cause la g�n�ralisation des lampes � basse consommation, tant sur le plan �conomique qu’environnemental.
Les chercheurs et les industriels ont invent� les ampoules � basse consommation, qui �clairent autant que les ampoules classiques � filament tout en consommant cinq fois moins d’�lectricit�, et en durant cinq fois plus longtemps. Remplacer les ampoules classiques par des ampoules � basse consommation, c’est donc apparemment faire des �conomies, r�duire la consommation d’�lectricit�, diminuer les rejets de CO2, sauver la plan�te. Les consommateurs n’�tant pas assez sensibles � ces arguments, la Loi dite du Grenelle de l’Environnement les oblige � s’�quiper en interdisant purement et simplement les lampes � filament. On doit pourtant se poser deux questions : cette mesure est-elle bonne pour le consommateur ? ; r�duit-elle bien les rejets de CO2 ?
Le point crucial, facile � v�rifier en approchant la main d’une ampoule allum�e, est qu’une lampe qui �claire produit aussi de la chaleur. En fait, elle produit surtout de la chaleur : l’essentiel (95%) des kilowatt-heures consomm�s par une ampoule classique allum�e produit des calories, le reste produit de la lumi�re. Une ampoule est comme un radiateur �lectrique : un fil dans lequel passe du courant, une r�sistance.
En rempla�ant une lampe classique par une lampe � basse consommation, vous consommez certes cinq fois moins d’�lectricit�, mais vous rejetez �galement bien moins de calories dans votre pi�ce. En r�alit�, vous rejetez 13 fois moins de calories, parce que les lampes � basse consommation utilisent surtout l’�nergie qu’elles consomment pour produire de la lumi�re, pas de la chaleur. Cela n’a pas d’importance l’�t�, bien au contraire. Mais l’hiver, lorsque vous vous chauffez, tous les physiciens consult�s disent qu’il va falloir chauffer davantage pour garder constante la temp�rature de la pi�ce, compenser les calories perdues par des calories nouvelles ? ce qu’un thermostat parfait ferait automatiquement.
Factures de chauffage en hausse
Les factures d’�clairage vont donc diminuer, et les factures de chauffage augmenter. En faisant l’hypoth�se prudente que les deux-tiers de l’�clairage ont lieu l’hiver, et avec les prix de l’�nergie d’ao�t 2008, on calcule que le changement va au total permettre une �conomie d’environ 110 millions d’euros par an. Il y a 700 millions d’ampoules en France. Si ce sont des lampes � filament, on les remplace en moyenne tous les six ou sept ans. Si ce sont des lampes � basse consommation, tous les cinquante ans.
A 2 euros l’ampoule, on r�alise donc gr�ce aux lampes � basse consommation une autre �conomie de 1,4 milliard tous les six ou sept ans. Mais ces deux gains ont un co�t: 7 milliards, l’achat maintenant de 700 millions d’ampoules � 10 euros. Un calcul simple, avec un taux d’actualisation mod�r� de 4%, montre que le bilan est n�gatif pour les consommateurs. Ils y perdent environ 2 milliards. Ils perdront bien davantage si la prochaine g�n�ration d’ampoules, les LED, rend bient�t obsol�tes ces ampoules � basse consommation qu’on leur impose � grands frais aujourd’hui.
Le changement oblig� est-il au moins une bonne affaire pour l’environnement ? Certains s’inqui�tent des radiations nocives que pourraient �mettre les ampoules � basse consommation durant leur vie, et du mercure qu’elles pourraient rejeter apr�s leur mort. Faisons fi du principe de pr�caution et n�gligeons ces dangers mal �tablis pour nous concentrer sur les rejets de CO2.
Pouvoir d’achat amput� de 7 milliards
Vont-ils diminuer du fait du changement de lampes ? H�las, non. Pour le chauffage compensatoire, les Fran�ais vont faire appel � l’�lectricit� pour environ un tiers, au fioul et au gaz pour les deux-tiers. Le changement de lampes implique 3 milliards de kWh d’�lectricit� en moins, et 2 milliards de kWh de fioul et de gaz br�l�s en plus. Malheureusement, le kWh de fioul et de gaz rejette quatre ou cinq fois plus de CO2 que le kWh �lectrique fran�ais principalement nucl�aire et hydraulique. Un calcul simple montre que le changement de lampes entra�ne un doublement des rejets annuels de CO2, qui passent de 3 millions de tonnes avec les ampoules � filament � plus de 6 millions de tonnes avec les lampes � basse consommation.
Amputer le pouvoir d’achat de 7 milliards d’euros aujourd’hui pour doubler les rejets de CO2 ! Finalement, les lampes � basse consommation sont ce que les Anglais appellent une id�e � moiti� cuite. Comme les biocarburants. Comme les �oliennes. Comme le bonus-malus automobile. Comme beaucoup des mesures du Grenelle de l’Environnement dict�es par la passion plus que par la r�flexion.
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