Karine Léger, responsable de la communication et ingénieur à Airparif. Airparif a développé le projet d’un site Internet européen, www.airqualitynow.eu, présentant des indices de la qualité de l’air dans les grandes villes européennes.
Comment est né ce projet de site web ?
Ce projet, « CITEAIR – Common Information To European AIR » a été élaboré par 6 partenaires principaux, parmi lesquels on trouve Rotterdam, Leicester, Prague ou encore AirParif. L’objectif est d’apporter plus d’informations sur la qualité de l’air européen mais surtout de mettre a disposition du grand public des données qui soient comparables entre les villes.
Auparavant, si vous souhaitiez connaître la qualité de l’air de plusieurs villes européennes vous deviez au préalable identifier l’organisme qui gérait la qualité de l’air. Cela peut être l’Etat, ou comme en France, une organisation indépendante, cela peut aussi être la municipalité mais dans ce cas, il faut identifier le service, la voirie ? l’environnement ? Il peut également s’agir d’un département du ministère, ou d’un réseau national qui se superpose à un réseau municipal.
Ensuite une fois le bon interlocuteur et le bon site identifiés, les indices de qualité de l’air pouvaient s’avérer très différents d’une ville à l’autre ou d’un pays à l’autre. Ils sont le plus souvent établis en fonction des directives européennes, en particulier en fonction des normes d’information et d’alerte, mais comme en Angleterre, ils peuvent également être établis en fonction de normes sanitaires. Les couleurs, des classes, des interprétations qui ne sont pas les mêmes en fonction du pays d’origine.
Enfin, si vous arriviez à surmonter tous ces obstacles, vous étiez confronté à des langages d’analyse professionnelle complètement différents.
Jusqu’à présent, c’était donc le parcours du combattant pour le public. En revanche, pour les spécialistes il existe déjà des choses au niveau de l’Agence européenne. Des sites donnent des informations assez pointues de la concentration de l’air en certains polluants mais ces sites ne sont pas à destination au grand public. C’est à partir de ce constat que l’on a bâti la plate-forme Internet et notre indice de la qualité de l’air.
Quels types d’informations délivrez-vous ?
Contrairement à de nombreux indices dont l’indice ATMO, nous offrons deux informations qui sont complémentaires. Tout d’abord une information sur la pollution ambiante mais également une information sur la pollution à proximité du trafic. La plupart des indices ne prennent en compte que la pollution ambiante. A ma connaissance, il n’y a que Bruxelles qui s’est doté d’un indice à la fois de fond et de proximité.
Ensuite, pour s’adapter à la diversité des réseaux et des matériels utilisés pour surveiller la qualité de l’air, nous disposons de plusieurs indices. Tout d’abord un indice horaire est mis à jour toutes les heures pour le jour même, et permet de voir l’évolution de la pollution du trafic notamment aux heures de pointe.
Par ailleurs, certaines villes ne disposent pas des équipements nécessaires pour donner les informations en temps réel ou, pour des problèmes de validation , elles ne souhaitent pas donner cette pollution en temps réel, même si elles le devraient au regard des directives européennes. Pour ces villes, on a alors un indice journalier pour la veille, « quel était l’indice de la qualité de l’air hier ? »
Enfin, pour prendre en compte les villes des nouveaux Etats membres de l’Union, qui peuvent rencontrer des problèmes de mise à jour des données ou d’équipements pour les mesures, nous avons bâti un indice annuel, intéressant car il établit une distance par rapport à la réglementation. Si cet indice est inférieur ou égal à 1 c’est que vous respectez en moyenne la réglementation, s’il est plus supérieur à 1, c’est que la ville a un problème avec au moins un polluant. A la différence des indices journaliers et horaires, l’indice annuel permet de voir une évolution sur le long terme et de repérer des aspects météorologiques particulier comme l’année 2003, année de canicule.
Quels polluants retenez-vous pour vos calculs ?
Les polluants retenus pour le calcul des indices utilisés sont les polluants les plus problématiques.
Ainsi, pour l’indice de pollution lié au trafic, les niveaux de dioxyde d’azote et de particules sont obligatoirement communiqués par les villes pour calculer cet indice, et pour les villes qui mesurent le monoxyde de carbone, elles peuvent également transmettre les données de ce polluant complémentaire mais facultatif pour le calcul de leur indice.
En ce qui concerne l’indice de pollution globale, les données de dioxyde d’azote, de particules et d’ozone doivent obligatoirement être fournies. Quant aux données de monoxyde de carbone et de dioxyde de soufre, elles sont facultatives. Dans la grande majorité des villes ces polluants ne sont pas problématiques. Le SO2 peut néanmoins présenter des niveaux plus élevés dans des villes très industrielles ou dans les nouveaux états membres.
Qui développe le projet ?
La première version du site a été développée par des Italiens à Rome. Il a ensuite été transmis en août à Airparif car nous disposons de plus de moyens et de compétences, notamment en terme de design, afin de pouvoir gérer le site. Nous sommes donc chargés de faire connaître le site et de l’intégration des nouvelles villes. Nous sommes également à l’origine de la définition de cet indice européen, en collaboration avec le bureau de Rotterdam.
Et au niveau du financement ?
C’est un projet européen, il bénéficie donc du financement de la Commission européenne.
Quelle a été votre démarche pour mettre en place vos indices ?
La démarche a tout d’abord été celle d’une présentation scientifique à la fois à nos homologues dans d’autres pays européens et à des spécialistes de la pollution dans des colloques, afin de voir comment ils réagissaient et quelles questions revenaient le plus souvent.
Un polluant offrait beaucoup d’interrogations, il s’agit des particules. Nous sommes donc partis d’une définition de l’indice, puis nous avons regardé comment cela fonctionnait pendant un an. La difficulté de la mise en place réside dans le fait qu’il y a une double problématique d’information et de santé publique. Il fallait que l’indice retenu soit en lien avec les normes en vigueur, mais en plus, il devait varier relativement souvent de façon à être intéressant pour les personnes qui le consulte.
Ensuite, au bout d’un an, nous avons réaliser un audit, plus particulièrement sur les particules. Certains pays souhaitaient que l’on soit encore plus strict dans ce domaine, d’autres auraient préféré au contraire plus de souplesse. Un expert européen de Berlin a lui-même réalisé un nouvel audit de nos données, les a comparées à la base de données de l’Agence européenne et nous lui avons demandé de nous soumettre un réajustement de la grille pour les particules.
Avez-vous déjà une idée d’un palmarès des villes européennes les moins polluées ?
Un palmarès pourrait être réalisable grâce à l’indice annuel mais nous ne disposons pas encore du recul suffisant. Cependant, il apparaît clairement que des villes comme Paris ou Rome connaissent des problèmes de pollution, notamment en ce qui concerne la pollution à proximité du trafic.
Vous disposez actuellement de 22 villes référencées, quelle est votre ambition future ?
Etendre notre action à l’ensemble des villes européennes. Pour se faire, il y a eu une présentation de notre projet devant le Parlement européen au mois de juin dernier. Nous avons également fait une présentation de ce projet en Pologne afin de motiver des villes de l’est et du nord. Et au mois d’octobre, nous avons prévu une présentation à Madrid afin de pouvoir compter sur plus de villes du sud de l’Europe, en particulier en Espagne et au Portugal.
Et en terme de communication ?
La nouvelle version du site est sortie en juin à l’occasion de la présentation au Parlement européen. Il nous apparaissait difficile de communiquer auparavant sur un outil qui était difficilement accessible au grand public. La version précédente était trop technique. On a donc tenté d’apporter des informations plus pédagogiques.
Chaque ville a désormais la possibilité de se présenter avec un format vraiment comparable : quel est son environnement, quels sont ces principaux problèmes et les plans mis en place pour tenter d’y remédier… On fait toujours le lien avec l’agence locale chargée d’étudier la qualité de l’air et les services locaux. On ne cherche pas à se substituer aux organismes locaux mais à mettre en place un comparatif au niveau européen.
La possibilité est également offerte aux villes intéressées de nous rejoindre. Elles peuvent très facilement envoyer leurs données de façon automatiser sur une zone FTP et le calcul de leur indice se fait automatiquement sur le site Internet.
> Pour en savoir + : www.airqualitynow.eu
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