D’après une étude présentée lors d’un congrès international sur les maladies respiratoires à Stockholm, l’usage de certains pesticides par les agriculteurs peut provoquer de l’asthme.
On savait que les agriculteurs étaient exposés à de nombreuses substances susceptibles d’affecter leur système respiratoire, des pollens aux poils d’animaux, en passant par les acariens des cultures, diverses poussières, ou encore les spores des moisissures. On devrait ajouter désormais certains pesticides, à la lumière de l’étude qu’a présentée à Stockholm Jane Hoppin, du service d’épidémiologie au National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) des Instituts Nationaux de la Santé américains.
C’est la première fois qu’une étude à grande échelle démontre que l’exposition des agriculteurs aux insecticides, fongicides et herbicides, peut contribuer à la prévalence d’asthme indépendamment des autres facteurs de risque.
Plus de 15 pesticides suspects
Le travail présenté au congrès de l’ERS a été entrepris auprès de 20 183 hommes, agriculteurs dans l’Iowa ou en Caroline du Nord (Etats-Unis). Il s’est inscrit dans le cadre de l’Agricultural Health Study, une vaste étude prospective américaine conduite conjointement par le National Cancer Institute, le National Institute of Environmental Health Sciences, la US Environmental Protection Agency et le National Institute for Occupational Safety and Health.
L’étude a consisté à analyser la prévalence à l’âge adulte d’un asthme tant allergique que non-allergique, en fonction de l’exposition individuelle à 48 pesticides différents. Et les résultats présentés à Stockholm sont assez inquiétants, dans la mesure où le risque d’asthme s’est révélé associé à l’utilisation de 16 pesticides différents !
« L’asthme est lié à des produits chimiques spécifiques« , précise Jane Hoppin, « car nous n’avons mis en évidence de lien ni avec des classes particulières de pesticides, ni avec tel ou tel mode d’utilisation. En outre, nous montrons qu’il suffit d’une seule exposition importante à des pesticides au cours de la vie pour que le risque d’asthme chez un agriculteur soit multiplié par deux« , a ajouté la chercheuse américaine.
Les femmes aussi ?
Cette association reste statistiquement significative même après ajustement avec l’âge, le tabagisme, l’indice de masse corporelle ou encore l’Etat dans lequel résidait l’agriculteur.
Une autre analyse en cours sur des femmes agricultrices permettra de déterminer si ces résultats sont également indépendants du sexe. Quoique, pour Jane Hoppin, « il n’y a pas de raison de penser que les femmes répondent différemment à une exposition professionnelle« , a-t-elle précisé au congrès.
Les pesticides exposent toutefois à un risque différent suivant l’asthme considéré, asthme allergique (ou atopique) ou asthme non allergique.
Ainsi, parmi les 452 agriculteurs étant devenus asthmatiques après l’âge de 20 ans, 129 souffraient d’un asthme allergique et les 323 autres d’un asthme non allergique.
« Nous nous attendions à cette plus forte prévalence d’asthme non allergique -a expliqué la scientifique américaine- car les agriculteurs ont généralement grandi en milieu rural, ce qui devrait être associé à un risque d’allergie relativement faible« .
Le captane, un fongicide courant dangereux
Douze pesticides peuvent être incriminés, de façon statistiquement significative, dans une hausse du risque d’asthme allergique, et quatre dans celle d’un asthme non allergique.
En ce qui concerne le premier groupe, les chercheurs du NIEHS ont reconnu à Stockholm que près de la moitié d’entre eux n’étaient plus commercialisés aux Etats-Unis. Il s’agit du 2,4,5-TP, du chlordane, de l’heptachlore, du mélange 80/20 de tétrachlorure de carbone et de disulfide de carbone, et du dibromure d’éthylène.
Cela veut dire que sept produits sont encore sur le marché: l’EPTC, le paraquat, le lindane, le parathion (quoique utilisé peu fréquemment), de même que le coumaphos, le diazinon et le captane, tous trois d’usage courant.
C’est avec le coumaphos que l’on a constaté l’association la plus forte, a révélé Jane Hoppin à Stockholm. Son risque relatif d’entraîner un asthme est en effet le plus élevé, à 2,3. Cela suggère que la prévalence d’asthme allergique est plus que doublée.
Quant aux pesticides dont l’usage est associé à une prévalence accrue d’asthme non allergique, il s’agit du DDT désormais interdit, du phorate rarement utilisé, et de deux préparations courantes, le malathion et l’herbicide communément appelé huile de pétrole.
Tous étaient associés à une augmentation de prévalence de l’asthme de 30 à 40%.
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