Dans le cadre d’une stratégie globale de lutte contre l’épidémie de Chikungunya à la Réunion, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) a été saisie en 2006 de 3 études portant sur l’évaluation comparée des produits de lutte antivectorielle adulticides, l’évaluation comparée des produits de lutte antivectorielle larvicides ainsi que sur l’évaluation des risques liés à l’utilisation des produits insecticides d’imprégnation des moustiquaires et des vêtements.
En effet, en l’absence de vaccin et de traitement étiologique, comme c’est le cas pour le Chikungunya, le principal moyen de protection ayant un impact avéré sur la santé publique est la destruction des moustiques, adultes ou larves avec des produits insecticides, et des gîtes larvaires par des aménagements de l’environnement, dans le cadre d’opérations coordonnées de démoustication. Ces opérations doivent être complétées par des mesures de protection individuelle.
Evaluation comparée des produits de lutte antivectorielle adulticides
Dès les premiers signes de l’épidémie, des opérations de lutte antivectorielle ont été engagées contre la forme adulte des moustiques initialement avec des insecticides à base de fénitrothion puis rapidement de deltaméthrine. L’étude de l’Afsset a donc porté sur ces 2 substances ainsi que sur l’identification et l’évaluation comparée de substituts potentiels. Les substituts identifiés comprenaient le naled et le pyrèthre. Pour ces 2 substances, leur efficacité, leurs propriétés physicochimiques, toxicologiques et écotoxicologiques, leur comportement dans l’environnement ainsi que les risques pour l’homme et l’environnement ont été étudiés.
Au vu de cette étude, la deltaméthrine présente globalement moins de risques pour l’homme et l’environnement que le fénitrothion, ce qui justifie qu’elle l’ait remplacé dans les programmes de lutte. Le pyrèthre se révèle être un substitut prometteur par le faible nombre de cas de résistances et ses risques acceptables pour l’homme et l’environnement. Le naled en revanche est susceptible de présenter des risques importants pour l’homme. L’Afsset préconise donc, en attente de l’évaluation complète du naled dans le cadre de la directive européenne 98/8 Biocides, de préférer les produits à base de deltaméthrine. Le pyrèthre doit faire l’objet de tests sur le terrain afin de vérifier son efficacité dans les conditions habituelles de lutte antivectorielle.
Evaluation comparée des produits de lutte antivectorielle larvicides
Dès les premiers signes de l’épidémie, des opérations de lutte antivectorielle ont été engagées contre les larves de moustiques initialement avec des insecticides à base de téméphos puis rapidement, de Bti, toxines produites par la bactérie Bacillus thuringiensis israelensis. L’étude de l’Afsset a donc porté sur ces 2 substances ainsi que sur l’identification et l’évaluation comparée de substituts potentiels. Les substituts identifiés comprenaient le pyriproxyfène et le spinosad. Les mêmes critères d’étude que pour les substances adulticides ont été utilisés.
Au vu de cette étude, le Bti présente une spécificité d’action importante et peu de risques pour l’homme et l’environnement. Bien que leurs risques soient plus importants que pour le Bti, le pyriproxyfène et le spinosad constituent des alternatives intéressantes car ils permettraient de compléter la gamme de substances disponibles et ainsi de mieux gérer le développement éventuel de résistances et d’adapter les traitements aux spécificités des zones à traiter.
L’Afsset préconise donc de maintenir le Bti comme substance active larvicide de référence, en utilisant des formulations ne contenant pas de spores viables. S’il est nécessaire d’alterner les traitements, notamment pour prévenir le développement de résistances, les produits à base de pyroproxyfène ou de spinosad peuvent être utilisés au cas par cas, en fonction des zones à traiter.
Evaluation des risques liés à l’utilisation de produits insecticides d’imprégnation des moustiquaires
Cette évaluation a porté sur les 2 principales substances utilisées pour l’imprégnation des moustiquaires et des vêtements, la perméthrine et la deltaméthrine. Au vu du travail effectué par les experts, l’Afsset recommande l’utilisation de moustiquaires pré-imprégnées industriellement avec de la deltaméthrine ou de la perméthrine aux doses recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) plutôt que les imprégnations manuelles moins homogènes et moins stables.
L’Afsset préconise l’emploi systématique en contexte épidémique de ces moustiquaires pour toutes les populations sensibles (malades, enfants, femmes enceintes…). Les vêtements imprégnés de perméthrine aux doses recommandées par l’OMS permettent de compléter la protection des personnes mobiles. L’Afsset préconise également la mise en place d’indicateurs de suivi pour évaluer le bénéfice de l’utilisation des moustiquaires en matière de réduction de la transmission de la maladie.
Recommandations générales pour la lutte antivectorielle
L’Afsset insiste sur les limites méthodologiques des études réalisées dues au manque de données exploitables disponibles aujourd’hui, et au contexte d’urgence. L’Afsset recommande donc également l’amélioration des connaissances, notamment sur le développement de résistances à ces diverses substances ainsi que sur l’exposition des opérateurs qui appliquent les produits. L’Afsset préconise également la mise en ?uvre de protocoles adaptés pour l’utilisation de ces substances d’une part pour les applicateurs professionnels, d’autre part pour la population générale.
Si le risque d’une reprise épidémique de Chikungunya dans les îles de l’Océan Indien semble pour le moment écarté, il faut toutefois rappeler que le moustique vecteur Aedes Albopictus est toujours présent et qu’une part importante de la population n’est pas immunisée. D’autre part, de nombreuses autres pathologies graves sont transmises par des moustiques (paludisme, fièvre jaune, dengue) et les études faites ici peuvent servir de base à de nombreux autres cas de lutte antivectorielle dans un contexte épidémique. Néanmoins la situation à la Réunion ne peut être directement transposée. Toute autre situation épidémique devrait faire l’objet d’évaluations complémentaires.
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