Par Jean-Marc Requin, ancien journaliste au Figaro magazine, directeur adjoint de l’agence parisienne de communication « Les 100 ciels ».
D’après les chiffres du Syndicat des Energies Renouvelables (SER), l’adoption des énergies renouvelables en France suit une courbe identique à celles de l’Allemagne et de l’Espagne. Mais avec 8 ans de retard sur la première et 5 ans sur la seconde ! Ce « retard » français n’est pas sans rappeler celui qui a touché les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) voilà une dizaine d’années. Comparés aux Etats-Unis, à l’Angleterre ou l’Allemagne, tous les indicateurs étaient alors dans le rouge : le nombre de PC dans les foyers, le nombre d’abonnés à Internet, l’adoption des réseaux par les PME, etc.
Mais à regarder de plus près, on s’aperçoit que les similitudes entre ces deux marchés ne s’arrêtent pas là. Il existe d’autres points communs, en matière de communication, entre la révolution des nouvelles technologies et celle des énergies renouvelables. D’un point de vue global, ces deux activités font l’objet d’une forte pression sociétale. Alors que pour les NTIC, au milieu des années 90, le discours ambiant distillait l’idée que l’on ne pouvait pas rester au bord des autoroutes de l’information, pour les énergies renouvelables, il s’agit désormais de « sauver la planète ». Ainsi, sous des formes différentes, pour ces deux technologies, l’idée est véhiculée que les adopter, c’est être moderne, être concerné. Et que ne pas les adopter, c’est oeuvrer contre le « bien-être » collectif.
Cette pression sociétale exercée par les associations, les syndicats professionnels, les acteurs du marché, les médias et plus récemment par les hommes politiques, si elle a le mérite d’attirer l’attention sur des enjeux de société, véhicule également un sentiment culpabilisateur. Elle est essentiellement efficace sur un public déjà concerné, les « early adopters », à l’affût de la modernité, toujours prêt à bondir sur la nouveauté. Pour les autres, il est nécessaire de substituer la culpabilité par de l’envie.
On n’arrête pas le progrès, on l’accompagne…
Autre point commun, les NTIC comme les énergies renouvelables reposent sur une forte technologie. Qui plus est, en perpétuelle évolution. Il existe donc une tentation naturelle à vouloir porter tout ou majorité de la communication autour de cette dimension technologique. Longtemps le MHz (Mega Hertz), à travers la vitesse des processeurs, a été le principal argument de vente des ordinateurs. Une communication qui s’est rapidement muée en course effrénée, incontrôlable, rendant obsolète tout PC en moins de trois mois ! Face à l’incompréhension du grand public, les constructeurs ont compris qu’il fallait sortir d’une communication technique, menant à une impasse, pour s’exprimer sur la valeur d’usage. Autrement dit, ce n’est pas ce qu’il y a dans l’ordinateur qui importe, mais ce qu’il me permet de faire.
Le danger pour le secteur des énergies renouvelables serait de suivre aveuglément la même voie, en substituant le MW (Mega Watt) au MHz. Pour l’énergie solaire, par exemple, il s’agit de ne pas donner l’impression que les panneaux commercialisés dans une année seront deux ou dix fois plus performants que ceux actuellement en vente. Car pourquoi acheter aujourd’hui ? Une communication trop portée vers le progrès technique est certes valorisante pour l’industrie, mais également génératrice d’un sentiment d’obsolescence et peut agir, au final, comme un frein à l’achat. Cela ne signifie pas que toute communication sur le progrès technique est à bannir, non, mais elle doit servir la communication sur la valeur d’usage et non la vampiriser.
Les médias, des prescripteurs à privilégier
La communication trop fortement axée sur le progrès technique a également tendance à favoriser une perception centrée sur les coûts. Dans l’inconscient collectif, tout ce qui est nouveau est perçu comme coûtant cher, et la progression rapide est associée à un fort taux de renouvellement des produits. En résumé, cela évoque le fait d’acheter cher et souvent. Rien de très incitatif.
Pour en revenir à la comparaison avec les ordinateurs, l’idée initialement répandue qu’un ordinateur coûte cher a été balayée par un seul argument : la valeur d’usage. Certes l’ordinateur a un prix, mais il me donne accès à l’internet, à la photo ou la vidéo numériques, aux jeux, et bien d’autres choses encore qui justifient son prix. D’un centre de coût, l’ordinateur se mue alors en centre de profit !
Aujourd’hui, les énergies renouvelables sont à un point d’inflexion entre deux mondes. Celui des connaisseurs, des techniciens, des « early adopters » et celui de monsieur tout le monde, le particulier qui veut s’équiper d’un chauffe-eau solaire comme le PDG d’une PME qui étudie sa facture énergétique. Et c’est lorsqu’il s’agit de dépasser cette première sphère des connaisseurs, lorsqu’il ne suffit plus de « dire » pour être compris, que les réelles problématiques de communication apparaissent.
A ce stade, la communication vers les médias est essentielle. Véritable caisse de résonance, les articles de presse ou reportages radio et télévisés, vont permettre de toucher un large public et de marquer les esprits. Comme ils l’ont fait pour les NTIC. Et comme à l’accoutumée, les premiers à s’exprimer seront ceux qui pourront convaincre les plus efficacement leurs publics cibles : grandes entreprises, collectivités territoriales ou consommateurs finaux. La visibilité et la notoriété apportée par les médias est également un excellent moyen d’être identifié par les investisseurs ou les futurs collaborateurs, deux piliers du développement des entreprises du secteur des énergies renouvelables. Il faut donc agir vite.
Aujourd’hui, les entreprises du secteur des énergies renouvelables ont le savoir-faire pour « sauver notre planète », reste à le faire savoir…
Ancien journaliste au Figaro magazine, Jean-Marc Requin est directeur adjoint de l’agence parisienne « Les 100 ciels », conseil en communication et relations presse, créée en 1995 par France Dequilbec.
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