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« L’impact international du Grenelle est beaucoup plus important que l’on pourrait le penser »

brice_lalonde.JPGBrice Lalonde, co-fondateur avec Jean-Louis Borloo de Génération Ecologie, ancien ministre de l’Environnement, maire de Saint-Briac, il vient d’être nommé Ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique.

Quelle est votre mission en tant qu’Ambassadeur ?

La communauté internationale cherche à s’organiser afin de lutter contre le changement climatique ou en tous les cas pour s’y adapter. Devant la multiplicité des enceintes, des négociations, et du caractère de plus en plus pressant de la menace climatique, le gouvernement français a considéré qu’il fallait s’organiser et faire entendre sa voix de façon beaucoup plus nette dans ces négociations.

Mon travail consiste à porter la voix de la France, et de la France au sein de l’Europe, et d’autre part, pour une partie moindre, contribuer à définir les positions françaises avec les services concernés, discuter avec les parlementaires, les ONG…

Le récent Sommet de Bali auquel vous avez participé aux côtés de Jean-Louis Borloo n’est-il pas une déception avec cet accord à minima, sans objectif chiffré ?

La discussion qui a maintenant lieu tous les ans, est ouverte aux parties qui ont ratifié le protocole de Kyoto mais également à celles qui ne l’ont pas ratifié, mais qui ont néanmoins signé la convention cadre qui est celle de Rio de Janeiro en 1992. Cette convention les oblige à prendre des mesures contre l’effet de serre. En revanche, le protocole de Kyoto les obligerait à prendre des engagements chiffrés.

La difficulté que nous rencontrons alors, ne concerne pas seulement les Etats-Unis, qui sont assez isolés sur ce point. Elle concerne également d’autres pays en voie de développement qui, même s’ils sont signataires du protocole de Kyoto, n’ont des engagements que dans une seconde phase, phase dans laquelle nous entrons.

Quand vous souhaitez établir des objectifs chiffrés, vous ne vous heurtez pas seulement aux Etats-Unis, mais aussi à la Chine, l’Inde… qui s’inquiètent de l’impact d’objectifs chiffrés sur leur développement. Il parait cependant vraisemblable que la prochaine administration américaine prenne des positions différentes.

En revanche, dans le cas d’un accord global, comme à Bali où tout le monde est embarqué, il devient alors très difficile d’aboutir à un objectif chiffré sachant que vous avez une énorme coalition de pays qui sont très inquiets à l’idée d’avoir des objectifs chiffrés à s’imposer eux-mêmes. Cette inquiétude va jusqu’à s’opposer, ou en tout cas être réticent à l’idée de fixer un impératif ou un objectif désirable à l’ensemble de la planète, alors même que le quatrième rapport des scientifiques suggère une fourchette.

On va donc probablement commencer par fixer un objectif désirable pour la planète parce que l’on est bien obligé de le faire. Et, à ce moment, lorsque l’on aura fixé cet objectif évoqué à Heiligendamm sous la pression d’Angela Merkel, à savoir une réduction de l’ordre de 50% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, les choses deviendront à la fois plus simples mais aussi plus difficiles car il s’agira alors de voir comment chacun peut y parvenir.

La seconde partie de la difficulté de l’objectif chiffré est qu’il commence à y avoir une croissance avant la réduction. Ce phénomène s’appelle le pic, et personne ne sait quel est le pic que l’on s’autorise.

A Bali, on s’est donc tout de même mis d’accord pour dire que l’on allait négocier… Le mandat de Bali est relativement précis et autorise la négociation.

Quel est le poids de la France sur la scène internationale en matière environnementale ?

A Bali, la France avait une position assez forte avec le succès du Grenelle. L’impact du Grenelle est beaucoup plus important que l’on pourrait le penser en France. Je me souviens avoir vu le « Jakarta news » qui parlait du Grenelle français dans ses premières pages.

On attendait donc la France et les positions françaises et sur ce point, on a guère été déçu puisque c’est la France, juste avant l’Allemagne, qui a signifié aux Etats-Unis qu’elle ne se rendrait pas à ses réunions s’ils ne faisaient aucun effort. Cet avertissement sur cette position a été utile car il nous a permis d’avancer.

Par ailleurs, beaucoup de diplomates présents avaient étudié dans le détail le discours du président Nicolas Sarkozy, et cela m’avait frappé. Une partie des diplomates les plus militants considéraient qu’après le départ de Tony Blair et le relatif échec de Heiligendamm, la France et Nicolas Sarkozy pouvait représenter le nouveau leader pour les affaires du climat.

La difficulté reste que la France partage sa position avec l’Europe puisque lors de la signature de Kyoto, les pays européens s’étaient mis d’accord de l’appliquer au sein de la bulle européenne. On a l’obligation de soutenir et renforcer la position européenne, et en même temps on cherche à avoir une position française pilote, leader.

Et avec la prochaine présidence européenne ?

Le poids de la France sera certainement amplifié pendant la présidence française, et pendant la réunion de Postdam de l’an prochain qui sera le rapport d’étape avant Copenhague.

A-t-on des raisons de rester optimiste sur le climat ?

Oui, dans la mesure où la prise de conscience de la menace ne cesse de s’accroître et le caractère sérieux de la menace ne fait plus de doute.

Cependant, il y a un sentiment de panique qui commence à voir le jour. Il faut donc faire très attention entre le relatif scepticisme de certains pays septentrionaux qui peuvent se dire que s’il fait plus chaud, ce n’est pas si mal, et l’angoisse réelle et presque panique de certains états insulaires.

Aujourd’hui, la montée du niveau de la mer se fera inexorablement entre 0,4 m et 1,4 m, et cela est très concret. En France, par exemple, toutes les cabines de plage devront être remontées.

Cependant, pour nous, la menace la plus grave est l’accélération des phénomènes et leur conjonction avec d’autres phénomènes qui les aggravent. La biodiversité s’atténue ou s’appauvrit et on connaît tous les jours des problèmes d’invasion d’espèces nouvelles, des nouveaux microbes.

D’un point de vue plus personnel, comment avez-vous vécu le fait de vous retrouver à la même table que Jean-Louis Borloo ?

C’était une grande joie. J’estime qu’il a été « magique », son Grenelle a été une réussite extraordinaire. C’est quelqu’un qui a une fibre sociale très importante et dans l’écologie, cela manquait. De plus, il a un énorme respect pour ses interlocuteurs.

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