Pascal Férey, vice-président de la FNSEA, président de la commission environnement, s’exprime à quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture.
Quelle est votre réaction après l’activation de la clause de sauvegarde, qui vient d’être publiée au journal officiel ?
Le gouvernement a pris ses responsabilités et la-dessus je ne ferai pas de commentaire. En revanche, ce qui nous fâche, c’est quand il annonce que cette décision a été établie sur des faits scientifiques. Aujourd’hui, le gouvernement a fait un choix politique appuyé sur une pseudo-validation scientifique. Donc, si je ne conteste pas le fond du rapport, je conteste cependant la présentation puisque qu’on y retrouve des mots qui selon moi ne veulent rien dire, notamment lorsque ces rédacteurs évoquent des « doutes sérieux ». Mais, heureusement qu’en France, le ridicule ne tue plus !
Le gouvernement a donc pris ses responsabilités, nos associations spécialisées prennent les leurs en attaquant la décision d’activer la clause de sauvegarde devant le Conseil d’Etat.
Vous continuez donc le combat désormais sur le plan juridique ?
Tout à fait, un recours a été déposé par ORAMA (l’union qui fédère les 3 associations spécialisées de la FNSEA, NDLR) devant le Conseil d’Etat.
Quel est l’état d’esprit de vos membres après cette décision ?
Beaucoup d’incompréhensions et une bonne dose de colère. S’il est vrai que l’on tend à nous faire apparaître comme des pro-OGM, je souhaite tout de même que l’on corrige un peu le tir. Jusqu’à ce jour, la FNSEA ne s’était pas clairement prononcée pour ou contre.
Nous avons toujours dit qu’il fallait des avis scientifiques largement éclairés qui permettent aux politiques de décider. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de démontrer la dangerosité sérieuse des produits mis sur le marché, et nous prônons donc la liberté de choisir de produire avec ou sans OGM.
En revanche, la position d’un certain nombre de ministères ou d’ONG d’interdire la production des OGM tout en acceptant leur consommation est incompréhensible. Personne ne dit rien sur la consommation. Et, cette hypocrisie malsaine ne me convient pas du tout.
Par ailleurs, l’importation d’OGM concerne des millions de tonnes tous les ans. Cette hypocrisie révolte donc les agriculteurs de la FNSEA et crée une certaine incompréhension.
Quelles conséquences sur l’agriculture française ?
22.000 hectares de maïs OGM plantés en plus ou en moins ne changeront pas la face de la production française de maïs. Même si certains pensent que si le MON 810 était autorisé, il faudrait plutôt considérer une base de 100.000 hectares.
Les amendements pris par les sénateurs vont-ils dans le bon sens ?
Oui, le sénateur Bizet ou même le sénateur Le Grand qui présidait le comité de préfiguration sont des personnes qui connaissent très bien le sujet. Des amendements de bon sens ont été apportés, cela est indéniable, notamment ceux concernant la coexistence ou le délit de fauchage. Idem pour celui traitant de la tenue du registre, qui est un vrai sujet.
La transparence doit exister et de ce fait il ne nous apparaît pas choquant qu’un agriculteur qui plante du maïs OGM doive le déclarer à l’administration. Mais, pour cela il faut au préalable que le délit de fauchage soit instauré. Il n’est pas normal qu’un agriculteur qui omettrait de déclarer sa parcelle OGM soit soumis à de la prison et à des contraintes financières alors que par ailleurs, au nom de la désobéissance civile, des personnes puissent faire ce qu’elles veulent en toute impunité.
Au sein de la FNSEA, le débat sur les OGM est-il réglé ?
Les discussions sont toujours très animées sur le sujet.
Personnellement, ma conception est la suivante : tout agriculteur décide chez lui de faire ce qu’il veut, dans les limites fixées par la réglementation ou la loi. En revanche, il n’a pas à imposer les contraintes qu’il supporte à ses voisins. Un agriculteur OGM ne doit pas imposer à son voisin une dissémination le contraignant à faire lui aussi de l’OGM. Et réciproquement, ce n’est pas parce que je ne veux pas produire d’OGM que je dois interdire à mon voisin d’en faire.
Cela suppose donc une connaissance réciproque des distances à respecter, et s’il y avait dissémination accidentelle, il apparaît normal qu’il y ait réparation du préjudice économique. Mais, que l’on ne vienne pas me parler de réparation pour choc psychologique !
Il serait dommage que les producteurs bio poussent trop loin. On pourrait même considérer que ces producteurs bio déclarent eux-aussi leurs parcelles afin que l’on sache à quelle distance elles se trouvent d’une éventuelles parcelle OGM. De même, lorsqu’un agriculteur déclare une parcelle OGM, encore faut-il que son voisin ne déclare pas par la suite une parcelle bio afin de lui nuire.
Nous ne souhaitons pas rentrer dans un système administré qui révulse le monde agricole, revenons donc aux fondamentaux de la liberté d’entreprise et du respect de ses voisins avec l’aide de la loi et des réglementations.
Autre sujet, la réforme de la PAC. La position de Michel Barnier vous satisfait-elle ?
Que le ministre de l’Agriculture n’attende pas le coup de gong fatidique pour regarder quels sont les choix stratégiques à faire est selon moi une bonne chose. Que Michel Barnier souhaite consulter toutes les composantes de l’agriculture via les Chambres d’agriculture est une bonne initiative. En revanche, il doit tenir compte des disparités régionales. Il faut donc qu’il soit très prudent sur l’analyse de fond.
Quand vous êtes en Auvergne, en Bretagne, en Berry ou en Beauce, il est évident que le positionnement politique d’une place à une autre est très différent. C’est un exercice difficile pour la FNSEA sachant que plutôt que de rentrer dans le détail, il faut que l’on affirme des principes généraux comme le revenu, les solidarités et les territoires.
On ne peut pas voir les revenus de certains producteurs sombrer alors que dans le même temps d’autres voient une croissance de leurs revenus à deux chiffres voire à trois. Cela n’est pas acceptable. Il s’agit également de préparer les agriculteurs et les agriculteurs français en particulier à l’après 2013. Nous ne pouvons pas admettre des aides sans production.
S’agissant des territoires, si la politique de l’herbe est une politique qui au niveau environnemental est reconnue par tous, il faut également que ce soit une politique qui permette d’assurer le revenu des agriculteurs. Il y a donc un débat de fond entre premier et deuxième pilier de la PAC et je regrette infiniment que le débat du deuxième pilier (concernant le soutien au développement rural, NDLR) ait été complètement masqué et encore à ce jour, des agriculteurs ne souhaitent pas forcément y adhérer du fait de la complexité de cette adhésion.
Le plan de développement rural hexagonal, PDRH, a été une absurdité de négociation à Bruxelles ; il fallait verdir ce qui était déjà vert ! C’est une boite à malice montée par des Parisiens et défendue par des Bruxellois. Pour moi, le second pilier avait d’autres vertus.
Aujourd’hui, nous continuons de débattre sur le fond car nous ne pourrons pas admettre plus longtemps les écarts de revenus entre l’élevage en général, hormis le hors-sol, et les autres productions.
Quel avenir pour l’agriculture française ?
Nous sommes à un virage. Nous avons la responsabilité et le devoir, aux vues des connaissances actuelles, de pouvoir impulser de nouvelles méthodes de production. Mais encore faut-il que l’on nous en laisse le temps. Cela n’est pas notre faute si l’INRA ou les centres de recherche publics ont délaissé les fondamentaux de l’agriculture, l’agronomie, la recherche sur la sélection variétale…
Jusqu’à présent, on avait recours aux médicaments : un puceron, un médicament, une maladie de la feuille, un médicament… C’était la facilité. Maintenant, ce type de réponse, la société n’en veut plus, les agriculteurs non plus. Nous avons une responsabilité vis à vis de nos enfants de revenir aux principes fondamentaux à savoir être productifs tout en étant économes des ressources.
La recherche doit donc revenir au premier plan. De plus, la France ne peut pas faire de l’excès de zèle seule, il faut au moins une politique européenne. De ce fait, si on interdit l’utilisation de certaines molécules en France ou en Europe, on ne peut pas accepter l’importation de produits provenant des pays tiers qui ont subi ces traitements, auquel cas on entre alors dans un système de distorsion de concurrence inacceptable.
… et l’agriculture bio ?
Il faudrait se poser la question de savoir pourquoi l’agriculture bio n’a pas marché à un moment donné. C’est tout simplement parce qu’il n’y avait pas de débouchés. Le Grenelle pourrait en créer, on nous parle d’une croissance de 10% certes, mais 10% de 0.2%… cela ne veut rien dire. Il faut également se méfier, car agriculture biologique ne veut pas automatiquement dire agriculture vertueuse. Ce n’est pas parce que c’est naturel que c’est bon et sain.
Notre agriculture aujourd’hui est condamnée à évoluer, pourquoi ? Nous avons plusieurs limites. La première est une contrainte des énergies fossiles et minérales, l’azote, la potasse, les phosphates…
Deuxièmement, nous savons que le tout pesticide ne fonctionne pas, phénomène de résistance, phénomène de perte irréversible de biodiversité. Il faut donc revenir à des méthodes vertueuses et la recherche doit nous aider. On ne peut pas se dispenser de se poser la question de savoir si les OGM ne peuvent pas être une réponse. Les manipulations et la génomique ne sont-elles pas une deuxième réponse ? Il ne faut perdre de vue le défi agricole qui est de nourrir 9 milliards de personnes en 2050.
Cette décision sur les OGM va-t-elle ternir vos relations avec les ministres Borloo et Barnier ?
Nos relations avec Jean-Louis Borloo et Michel Barnier sont bonnes, d’abord parce que nous sommes républicains et respectons le choix du président et d’autre part nous ne nous privons pas de leur dire les choses quand nous estimons nécessaire de le faire. Par ailleurs, d’un point de vue personnel, je pense que Jean-Louis Borloo est une bête politique redoutable.
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