Dans le cadre du procès de l’hormone de croissance, le tribunal correctionnel de Paris s’est intéressé hier aux prélèvements d’hypophyses. Ces prélèvements réalisés sans précaution et sans contrôle sont à l’origine de ce scandale sanitaire.
Jusqu’en 1988, les hormones injectées à des enfants souffrant d’un retard de croissance étaient fabriquées à partir de l’hypophyse, une glande crânienne prélevée sur des cadavres. Plus de 100 enfants sont décédés de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) après avoir été traités avec des glandes infectées et trois patients souffrent aujourd’hui de cette maladie incurable.
Pourtant en 1980, le professeur Luc Montagnier qui travaillait alors à l’Institut Pasteur, a rédigé une note dans laquelle il demandait qu' »une attention particulière soit portée au danger de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, un virus extrêmement résistant« . Il conseillait également d’écarter certains donneurs d’hypophyse « à risque« , notamment ceux atteints d’infections virales aiguës, d’encéphalopathie ou de troubles neuro-psychiatriques.
Pas de contrôle
Parmi les prévenus jugés pour « tromperie aggravée, homicides et blessures involontaires« , Elisabeth Mugnier, pédiatre de 59 ans, qui venait de terminer ses études quand France Hypophyse, l’association qui se chargeait de la collecte des hypophyses, lui a confié la collecte auprès des hôpitaux. « On ne m’a jamais demandé de contrôler quoi que ce soit« , s’est-elle défendue.
« J’avais 30 ans, j’étais un jeune médecin. Je pensais que s’il y avait quelque chose à faire, on me l’aurait dit« , a-t-elle ajouté. Selon l’AFP, elle se rendait dans les hôpitaux pour collecter dans un grand bocal des hypophyses congelées, rémunérant les garçons de laboratoires avec des pourboires au noir.
« Aucun protocole de prélèvement »
Françoise Lalande, auteur en 1992 d’un rapport sur France Hypophyse pour l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), se souvient de son enquête à l’hôpital parisien de la Salpêtrière : « je suis allée chercher le registre (des donneurs) mais à mon immense surprise, il n’y avait rien du tout… le garçon m’a dit qu’il remplissait les flacons en vrac… A part (lui), personne n’était au courant« .
L’enquête a montré que ces prélèvements d’hypophyse étaient le plus souvent réalisés par de simples garçons d’amphithéâtre qui ne tenaient pas compte des antécédents médicaux des cadavres.
« Ni moi, ni mes collègues ne cherchaient à connaître les causes des décès« , a déclaré un garçon d’amphitéâtre. « Aucun protocole de prélèvement ne nous a été clairement expliqué, soit par un médecin, soit par France Hypophyse« , a ajouté l’un de ses collègues des Hospices civils de Lyon.
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