Débat sur les agrocarburants au Royaume-Uni

biocarburants.jpgLa Royal Society a publié le 14 janvier un rapport sur les agrocarburants (Sustainable biofuels : prospects and challenges, agrocarbuants durables : prespectives et défis). Ce rapport, rédigé par le professeur John Pickett du BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences Research Council, le conseil de recherche pour la biologie et les biotechnologies), met en garde sur les conséquences que pourraient avoir les directives du UK’s Renewable Transport Fuel Obligation (RTFO) qui doivent rentrer en vigueur en avril 2008.

Le RTFO a pour rôle de mettre en oeuvre au Royaume-Uni les recommandations de l’Union Européenne en matière d’agrocarburants. L’objectif est d’atteindre, d’ici 2010, 5% d’agrocarburants dans les transports. Pour 2020, l’objectif est placé à 10%. Cependant, le RTFO ne donne aucune consigne sur le type de carburant à utiliser. Dans son rapport, la Royal Society met en avant les conséquences néfastes que pourrait avoir une telle lacune. Elle émet également plusieurs recommandations sur la politique à mettre en place pour promouvoir une utilisation raisonnée et durable des biocarburants.

Tout d’abord, le rapport montre qu’une promotion des agrocarburants ne s’accompagne pas nécessairement d’une diminution des émissions des gaz à effet de serre. En effet, les industriels ne sont pas nécessairement encouragés par le RTFO à investir dans les technologies avec le meilleur bilan carbone. Le risque serait alors de développer des filières inefficaces contre le réchauffement climatique avec l’utilisation de procédés économiquement rentables mais forts consommateurs en énergie fossile. Pour remédier à cela, la Royal Society réclame que les décisions politiques pour le développement des biocarburants soient liées à des objectifs de diminution des émissions des gaz à effet de serre. Il faut donc que l’intérêt de chaque agrocarburant soit considéré séparément afin de contribuer au développement des filières qui respectent le plus l’environnement.

Un rapport avait déjà été publié en septembre dernier par la Royal Society of Chemistry. Cette étude, basée sur des travaux menés à l’Université d’Edimbourg par le prix Nobel de Chimie Paul Crutzen, montre qu’en produisant des biocarburants, on émettrait bien plus de protoxyde d’azote (N2O) que ce que l’on avait initialement estimé. Sachant que le protoxyde d’azote est un gaz qui contribue fortement au réchauffement climatique, la viabilité des agrocarburants pour combattre ce phénomène est donc remise en cause. Dans le cas des agrogazoles, majoritairement utilisés en Europe, l’étude montre même que leur utilisation à la place des combustibles fossiles amplifierait le réchauffement climatique. Seul le bioéthanol produit à partir de la canne à sucre permettrait de réduire l’effet de réchauffement.

Deuxièmement, la Royal Society souligne dans son rapport que les agrocarburants ne peuvent pas être à eux seuls une solution durable aux problèmes des transports. Leur développement doit faire partie d’un ensemble de mesures pour la promotion des technologies faiblement émettrices en dioxyde de carbone.

Le rapport met également en garde contre les problèmes sociaux, économiques et environnementaux qui pourraient résulter d’une utilisation massive des terres agricoles pour la production des biocarburants : la déforestation risque encore d’être amplifiée, l’utilisation massive d’engrais serait une source de pollution majeure des nappes phréatiques et la compétition entre les cultures énergétiques et l’agriculture traditionnelle pourrait conduire à des catastrophes alimentaires dans certains pays du Sud. La Royal Society recommande donc de mettre en place des critères de certification pour la production des biocarburants ainsi que l’établissement de mécanismes pour faciliter le transfert technologique. Elle souhaite également une consultation publique sur ce sujet.

Pour atteindre simultanément tous ces objectifs, la Royal Society souligne l’importance de la mise en place d’une politique permettant de coordonner les décisions dans le domaine des biocarburants. Elle recommande également que la durée du RTFO soit prolongée à 20 ans car un investissement à long terme est absolument nécessaire.

La commission parlementaire d’audit sur l’environnement présidée par M. Tim Yeo, ancien ministre conservateur, reprend et amplifie ces arguments dans son avis paru le 21 janvier. La commission recommande d’attendre la mise au point des agrocarburants de seconde génération.

BE Royaume-Uni numéro 83 (15/02/2008) – Ambassade de France au Royaume-Uni / ADIT
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/53071.htm

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