Qu’est-ce qui peut bien préoccuper EDF, premier exploitant mondial de centrales nucléaires avec 58 réacteurs ? La sécurité ? Non. Aujourd’hui, son principal problème c’est la pénurie de main d’oeuvre qui menace le nucléaire.
En novembre dernier, lors du Congrès mondial de l’énergie de Rome, les 28 pays membres de l’Agence nucléaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont prévenu que « si aucune mesure n’est prise, le secteur nucléaire risque d’être confronté à une pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, tant pour assurer le contrôle et le fonctionnement des centrales existantes que pour en construire de nouvelles ».
Aujourd’hui, « le problème du vieillissement de la main-d’oeuvre donne des insomnies aux dirigeants. Les « baby-boomers » commencent à partir à la retraite, particulièrement dans le secteur de l’énergie et des « utilities » (services collectifs) », a indiqué Eric Schmitt, expert chez Capgemini.
10.000 embauches prévues chez EDF
Alors que les salariés qualifiés partent à la retraite, les écoles d’ingénieurs et les universités ont réduit les formations spécialisées dans le nucléaire après que l’accident de la centrale américaine de Three Mile Island survenu en 1979 et la catastrophe de Tchernobyl de 1986 aient terni l’image de l’atome.
« Le renouvellement des compétences est un enjeu majeur », a déclaré Pierre Gadonneix, PDG d’EDF. Comme l’a précisé le quotidien « Le Monde » paru mardi, « d’ici 2015, 40 % des équipes EDF d’ingénierie et de production devront être renouvelées », et essentiellement dans la filière nucléaire qui emploie 25.000 salariés et assure 80 % de la production. L’électricien français prévoit d’embaucher 1.000 personnes par an durant la prochaine décennie, dont 50% d’ingénieurs.
Pour attirer les candidats, EDF doit avoir l’image d’un groupe qui se préoccupe de l’environnement « et dont l’activité permet d’éviter des rejets massifs de gaz à effet de serre ». Le groupe public français doit également inciter universités et grandes écoles à attirer les futurs ingénieurs dans le nucléaire. Dès le mois prochain, EDF doit lancer une « Fondation européenne pour les énergies de demain » qui sera chargée de financer des formations dans les énergies « propres » dont le nucléaire.
Un problème mondial
Ce problème de main d’?uvre ne concerne pas que la France. Selon Capgemini, la moitié des écoles formant ingénieurs et opérateurs ont arrêté les formations spécialisées dans l’atome ces 25 dernières années. Aux Etats-Unis, selon le département du travail, d’ici 2012, un tiers des salariés exerçant dans le nucléaire pourront partir à la retraite. 26.000 personnes devront donc être embauchées dans les dix prochaines années pour remplacer ces départs massifs.
Dans les pays qui, comme l’Italie, ont renoncé à l’atome, ou dans ceux qui, comme l’Allemagne, la Belgique ou l’Espagne, ont programmé sa disparition, la situation risque d’être problématique si un jour ils décident de relancer le nucléaire civil.
Dans les pays qui veulent se doter de centrales, comme certains pays arabes, « les spécialistes considèrent qu’il faudra, d’ici dix ans, plus de 30.000 ingénieurs et techniciens supplémentaires dans cette filière », a indiqué au quotidien Pierre Laffitte, sénateur des Alpes-Maritimes et président de la Fondation Sophia Antipolis (technopole sur les nouvelles technologies).
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