Jean-Louis Bal, directeur des énergies renouvelables à l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe).
La filière éolienne française a atteint 2.455 MW en 2007. L’objectif du Grenelle de l’Environnement de 25.000 MW en 2020 est-il réaliste ?
Il semble qu’il s’agit là d’un objectif réaliste puisque c’est à peu près la puissance développée en Allemagne aujourd’hui. Cependant, pour atteindre cet objectif, il faudrait que le rythme actuel du marché augmente un peu. L’année dernière, 880 MW ont été installés. Il faudrait dépasser les 1.200 ou 1.300 MW installés chaque année.
Pensez-vous que les opérateurs investiront davantage ?
Aujourd’hui, le problème n’est pas l’investissement mais la délivrance de nouveaux permis de construire. Il faut fluidifier les procédures pour instruire les demandes de permis de construire.
Existe-t-il des régions « idéales » pour les éoliennes ?
Les régions idéales n’existent pas vraiment. Il existent beaucoup de critères pour définir une région idéale dont celui du vent. Cependant, les régions les plus ventées ne sont pas nécessairement les plus faciles du point de vue de l’acceptation sociale. Le Languedoc-Roussillon est la région où le vent souffle le plus en France, mais c’est aussi celle où il y a parmi les plus beaux paysages.
D’autres régions moins ventées disposent cependant de plus d’espaces disponibles et ont moins de problèmes paysagers, comme la région Centre où l’éolien se développe le plus.
L’éolien rencontre de plus en plus d’opposants…
Je ne sais pas s’il y a plus d’opposants qu’avant mais je pense surtout qu’on les entend plus. Depuis 2001, l’Ademe fait régulièrement des enquêtes d’opinion qui montrent que l’éolien est toujours bien accepté par la plupart des Français, y compris chez les riverains des parcs éoliens.
Mais c’est vrai qu’il y a des organisations d’opposants à l’éolien, minoritaires et très bien organisées qui se font entendre. C’est un problème qui ne peut pas être traité à la légère.
Comment expliquer cette levée de boucliers sur le terrain, simple manque d’information ?
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème d’information. Il faut évidemment améliorer la concertation et l’enquête publique autour des projets éoliens de façon à ne pas être critiquable. Mais convaincre les opposants, je pense que ce n’est pas possible. Cela fait suffisamment longtemps que j’essaye pour le savoir. Ce sont des gens qui ont une idée préconçue sur l’éolien pour des tas de raisons. Nous ne les convaincrons jamais. Par contre, il faut être en mesure de répondre de la façon la plus rationnelle à leur argumentation, notamment sur les questions de CO2 évités par l’éolien, sur les questions du coût du développement de l’éolien.
Et le problème du bruit…
La question du bruit n’est pas fondamentale dans la mesure où beaucoup de précautions sont déjà prises. C’est vrai qu’il faut être à l’abri de tout reproche. S’il y a des parcs éoliens qui font du bruit, il faut que les opérateurs de ces parcs résolvent le problème, sinon, il faut arrêter ces parcs. C’est quelque chose qui est du pouvoir du préfet.
Il existe des réglementations, elles doivent être appliquées et respectées. Cette réglementation fixe notamment un niveau de bruit supplémentaire maximum qui est de 5 dB pendant la journée et de 3 dB pendant la nuit. Elle ne fixe pas en revanche de distance minimale à respecter entre une installation et les habitations.
Des sénateurs proposent qu’il y ait une consultation obligatoire des riverains avant la réalisation d’un projet éolien. Qu’en pensez-vous ?
Il faut savoir qu’aujourd’hui une enquête publique est obligatoire sur tous les projets éoliens. Maintenant, si un peu plus de résonnance est donnée à cette enquête publique, moi je n’y vois que du bien.
Concrètement, les Français investissent-ils dans l’éolien ?
Si on regarde les investissements des professionnels, je pense qu’aujourd’hui l’éolien arrive en tête. Cela représente environ 1 milliard d’investissement annuel.
En revanche, s’agissant des particuliers, c’est toujours le bois qui domine. En 2007, il y a du y avoir à peu près 500.000 appareils de chauffage au bois vendus. Sachant qu’un appareil coûte en moyenne entre 2.000 et 3.000 euros, cela doit faire de l’ordre d’1 à 1,5 milliard d’investissement total. C’est de très loin l’investissement principal au niveau des particuliers. Après, il y a les pompes à chaleur et le solaire. Ce qui augmente le plus, c’est le solaire photovoltaïque.
Selon Enerplan (l’association des entreprises du secteur du solaire), le marché du photovoltaïque en France a augmenté de 200% en 2007 par rapport à 2006…
Oui, c’est vrai, mais il faut dire que nous partions de très loin. Ce n’est pas significatif de parler d’augmentation en pourcentage. Je pense qu’en France (Dom et métropole), 45 MW ont été installés l’année dernière.
En Allemagne, ce sont 1.100 MW , soit 20 fois plus que ce qui a été installé en France et en Espagne, 400 MW. Comparativement nous sommes encore très modestes, mais la progression est très forte. Le photovoltaïque c’est un peu le même développement que l’éolien avec 10 ans de décalage.
La France pourra-t-elle combler son retard dans les énergies renouvelables par rapport à ses voisins, notamment l’Allemagne ?
Combler le retard ne va pas être simple. On peut néanmoins tenté d’approcher les mêmes tendances, et je pense que cela va être fait très rapidement.
Le Grenelle de l’environnement va-t-il permettre d’accélérer ?
C’est bien l’objectif affiché dans le Grenelle de l’environnement. L’objectif global, qui va se retrouver dans la loi Grenelle proposée au Parlement ce printemps, est d’augmenter la contribution de 20 millions de tonnes équivalent pétrole d’ici 2020. C’est à partir de cet objectif global que nous retrouvons les 25.000 MW éoliens.
Il devrait y avoir aussi un peu plus de 20 millions de m2 de capteurs solaires thermiques, de l’ordre de 5.000 MW de photovoltaïque, plusieurs millions de tonnes équivalent pétrole de bois énergie, de la géothermie. Toutes les filières vont être concernées par ce développement, et bien entendu les biocarburants.
Quels sont les pays exemplaires en la matière ?
Je dirais l’Allemagne qui a une politique très continue sur le développement des énergies renouvelables et qui en fait une évaluation annuelle qui est très intéressante à consulter. Elle montre la progression de la production d’énergie renouvelable à la fois en terme absolue et en terme relatif (en pourcentage de la consommation).
Cette évaluation fait également apparaitre les coûts, les bénéfices, les créations d’emplois, le développement industriel. C’est très intéressant et je pense qu’il faudrait que la même chose devrait régulièrement être faite en France.
Quelle est selon vous l’énergie idéale ?
Elle n’existe pas. Ce qui est important surtout c’est de les utiliser toutes dans la mesure de leur développement. Nous ne pouvons pas utiliser le photovoltaïque de la même façon que la géothermie, leur niveau de développement étant différents.
Chaque énergie a ses avantages et ses inconvénients. Ce qui est vraiment important, c’est d’avoir un bouquet et d’essayer d’optimiser ce bouquet en fonction des capacités potentielles et du niveau de développement de chaque énergie.
De plus, développer les énergies renouvelables ne servirait pas à grand-chose si nous ne parvenons pas à maîtriser notre consommation. Il faut peut être commencer par là. Si le développement des énergies renouvelables sert uniquement à satisfaire une partie de l’augmentation des consommations, nous n’aurons pas réussi à diminuer nos émissions de CO2.
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