Philippe Chalmin, économiste français spécialiste du marché des matières premières. Il est le fondateur du Cercle-Cyclope qui publie chaque année un rapport complet sur l’état et les perspectives des marchés mondiaux des matières premières.
Le rapport 2008 du Cyclope s’intitule « Stupeur et tremblement ». La crise actuelle du marché des matières premières était-elle imprévisible ?
Non, en fait l’idée de « Stupeur et tremblement » était « stupeur » sur les marchés financiers et « tremblement » sur les marchés de commodités. Il y a eu deux actualités dans l’année. Et la stupeur, c’était la crise des subprimes sur le marché financier.
Ceci étant, ce que nous vivons aujourd’hui sur le marché du pétrole, personne ne l’avait anticipé donc, la stupeur est également présente sur ce marché.
Comment expliquez-vous de telles hausses dans un contexte pourtant économiquement peu favorable ?
Il est vrai que le contexte économique est peu favorable. Il n’en reste pas moins quand même que la consommation et de la demande ont tout de même relativement peu réagi par rapport à cette hausse des prix. Et c’est cela qu’il est important de souligner.
Je veux bien tout ce que l’on dit sur la baisse de la consommation, etc… mais ceci n’affecte que les pays développés, les pays occidentaux. Force est de constater que sur les pays émergents en particulier, nous sommes toujours confrontés aujourd’hui à une hausse de la consommation et de la demande pétrolière.
La crise des subprimes a joué un rôle dans le sens où il y a eu un report d’intérêt vers les matières premières, mais cela n’a vraiment joué que comme une caisse de résonance. Ce n’est pas la spéculation qui fait le prix, elle rajoute de la volatilité, de la fébrilité, mais ce n’est pas elle qui fait le prix.
Selon vous, existe-t-il des solutions pour inverser la tendance actuelle ?
Non, des solutions sur le moyen terme certainement, parce que ce seront des augmentations de production, ce seront des recherches d’économie de consommation… mais sur le court terme, nous subissons plutôt qu’autre chose.
S’agissant du pétrole, estimez-vous comme le secrétaire général de l’Opep que le « marché est devenu complètement fou » ?
Non, pour moi le marché est très rationnel. Ce que le marché dit, c’est que les prix peuvent continuer à augmenter puisqu’on se rend bien compte qu’il n’y a pas d’élasticité de la demande. On est autour de 130 dollars le baril et la demande ne bouge pas, donc les prix continuent d’augmenter. Les marchés ne sont pas fous, ce sont les hommes qui sont fous.
Cette tendance n’est pas prête à s’inverser, d’autant que dans les deux mois à venir, on entre dans une période où les aléas climatiques peuvent avoir un rôle à jouer. Le temps du pétrole pas cher est bien terminé.
S’agissant des matières premières agricoles, la situation est-elle identique ?
Sur le marché des matières agricoles, normalement nous devrions avoir une campagne 2008-2009 qui devrait être excellente avec une augmentation de près de 4% de la production mondiale, c’est le cas par exemple pour les céréales, ce qui devrait provoquer une certaine détente sur les cours, même si on peut penser que ces cours ne redescendront pas aux niveaux très bas qui étaient les leur jusque là.
Les réformes de la PAC auront-elles une influence sur le marché ?
Non, étant donné que sur la scène céréalière mondiale, l’Europe ne pèse pas très lourd et de toute façon, étant donné que le gel des terres est terminé, on a déjà des potentiels de hausse considérables.
Estimez-vous comme Jean Ziegler que la production massive de biocarburants est un « crime contre l’humanité » ?
Jean Ziegler est un homme sympathique mais il dit des inepties. La production de biocarburant n’est qu’un facteur secondaire dans la hausse des prix du maïs et dans une moindre mesure du soja.
La production de biocarburant n’a eu aucune influence dans la flambée du prix du blé et du riz. Or, ce sont le blé et le riz qui sont essentiels pour l’alimentation des hommes.
Où se trouve, selon vous, l’origine de cette flambée du prix du blé et du maïs ?
L’origine globale de la hausse tient à la faiblesse des prix au début du vingtième siècle. Elle tient donc à l’absence d’investissement, et au démontage des politiques agricoles. Et globalement, nous payons aujourd’hui la croyance un peu illusoire que les produits agricoles resteraient éternellement abondants.
Et votre avis sur les OGM ?
Ils ne sont pas la solution, ils sont une des solutions et il serait idiot de fermer la porte. Je suis globalement favorable aux OGM et je regrette simplement que la position française ne bloquera pas le développement des OGM au niveau mondial mais n’a eu comme résultat que de « foutre en l’air » la recherche génétique en France. Le paradoxe est que Bové combat pour Monsanto !
> Pour en savoir + : www.cercle-cyclope.com
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