Aujourd’hui, alors que ses engagements font partie des moins contraignants de l’Union Européenne l’Espagne est un des plus mauvais élèves du Protocole de Kyoto.
En effet, pour la période d’engagement 2008-2012, l’Espagne ne doit pas dépasser un taux d’émission de gaz à effet de serre (GES) équivalent à +15% par rapport à l’année de référence (1990). Or, les chiffres de 2007, qui viennent d’être présentés par José Santamarta, directeur de World Watch Institute-Espagne (organisation indépendante de recherche), montrent que l’Espagne bat des records de rejets de GES : +52,3% par rapport à 1990. Le gouvernement espagnol a réagi en répliquant que ces chiffres ne sont pas officiels.
Ces résultats ne surprendront pas les spécialistes : en novembre 2007, trois rapports ont alerté les autorités espagnoles, du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), de l’UE et d’un comité d’experts réuni par José Luis Rodríguez Zapatero. La baisse de 2006 (-1,7% par rapport à 2005, qui semblait être l’amorce d’une dynamique plus respectueuse, n’est finalement qu’une anomalie due à des conditions climatiques favorables. En 2007, les émissions de GES ont encore augmenté de 1,8% pour atteindre 441 millions de tonnes de CO2 émises dans l’atmosphère.
Sécheresse ou manque d’action ?
La sécheresse est mise en cause, puisqu’elle réduit la production hydroélectrique et nucléaire, moyens de production d’électricité qui émettent le moins de GES. Mais, c’est surtout le manque d’action du gouvernement qui est pointé du doigt, notamment par les syndicats, tels que la Confederación Sindical de Comisiones Obreras.
Le document « Medidas Urgentes de la Strategia Española de Cambio Climatico y Energia Limpia » (Mesures Urgentes de la Stratégie Espagnole sur le Changement Climatique et Energie Propre), paru le 20/07/2007, répertoriait pourtant les actions que le gouvernement espagnol voulait mener dès 2007 pour réduire les émissions de GES, par exemple :
– Hausse de l’impôt sur les immatriculations de voiture (basé sur le taux d’émissions de CO2),
– Renouvellement du parc automobile de l’Etat (passage aux biocarburants),
– Audit énergétique des bâtiments publics,
– Augmentation du potentiel des parcs éoliens,
– …
Des mesures insuffisantes
Mais, au vu des chiffres de 2007, il semble que ces mesures ne suffiront pas à atteindre les objectifs du protocole de Kyoto (+15%). Comme l’avait proposé le Ministre de l’Environnement en 2006, l’Espagne devra avoir recours aux mécanismes de flexibilité du protocole. Cependant, le dépassement prévu était plafonné à +37% par rapport à 1990, largement en deçà des +52,3% de 2007.
Le principe des mécanismes de flexibilité est simple : il suffit à l’Espagne d’acheter des quotas d’émission aux pays qui sont allés au-delà de leurs objectifs (par exemple, la Hongrie : -17,8%, ou la Lettonie : -60,8%, qui bénéficient de la fermeture d’usines et de centrales électriques, datant de l’ex-URSS) ou d’investir dans des projets de technologie propre dans les pays en développement. D’après le site eleconomista.es, ceci coûterait 5,3 milliards d’euros à l’Espagne, calcul effectué sur la base d’un prix de la tonne de CO2 à 18,20 euros alors que, d’après la Deutsch Bank et UBS, ce prix est compris entre 30 et 35 euros. D’autres estimations sont moins alarmantes, mais restent supérieures à 3,5 milliards d’euros.
Sachant que la crise immobilière touche de plein fouet l’Espagne, comment ces nouvelles dépenses vont-elles pouvoir être financées ? Et quelles seraient les implications politiques et économiques si l’Espagne ne payait pas la facture ? Le débat est ouvert.
BE Espagne numéro 71 (26/06/2008) – Ambassade de France en Espagne / ADIT
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/55106.htm
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