Une étude menée ces derniers mois par l’Ademe a permis de définir la nouvelle méthodologie à appliquer pour la réalisation de bilans énergie, gaz à effet de serre (GES) et polluants atmosphériques locaux des biocarburants de 1ère génération. Cette étude a en particulier analysé la sensibilité de la méthodologie aux 4 principaux facteurs déterminant les bilans, dont l’éventuel changement d’affectation des sols.
Selon un communiqué publié aujourd’hui par l’Ademe, cette étude lancée en juillet 2007 par l’Ademe conjointement avec l’Institut français du pétrole (IFP), le MEEDDAT, le ministère de l’Agriculture et de la Pêche et l’Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC), répond en partie à l’une des recommandations du Grenelle de l’Environnement qui préconise que soit conduite une « expertise exhaustive et contradictoire du bilan écologique et énergétique des biocarburants de première génération ».
Un bilan exhaustif et contradictoire
Avec cette nouvelle méthodologie, l’Ademe lance dès aujourd’hui, avec les mêmes partenaires, les études nécessaires pour connaître les bilans des différentes filières de biocarburants consommés en France. Ces études permettront de mener à son terme le bilan exhaustif et contradictoire recommandé par le Grenelle de l’Environnement. Les données devraient être disponibles à la fin de l’année 2008.
Ceci prépare la mise en place plus large d’un dispositif permettant de garantir le caractère durable des biocarburants, en lien avec les travaux en cours au niveau européen.
4 facteurs clés
L’étude révèle que quatre facteurs sont déterminants dans le bilan énergie et gaz à effet de serre des biocarburants de 1ère génération :
– Le changement d’affectation des sols : ce changement peut être direct (une forêt est remplacée par un sol affecté aux biocarburants) ou indirect (lorsqu’une culture énergétique remplace une culture alimentaire qui est déplacée sur une prairie ou une forêt).
Ainsi, si les puits de carbone que sont les prairies et les forêts sont transformés en terres de culture pour des biocarburants, le carbone stocké est largué dans l’atmosphère et le bilan d’émissions de GES devient très négatif. Il faut par exemple 200 ans pour revenir à un bilan CO2 positif quand une forêt est abattue au profit d’une culture destinée à la production de biocarburant.
Pour ce qui concerne la France et l’Europe, compte tenu des règles de la Politique Agricole Commune (PAC) qui restreignent la conversion des prairies permanentes et du fait que les biocarburants sont produits sur des terres arables, il n’y a pas de changements directd’affectation des sols. En revanche, la question des dispositions applicables aux biocarburants et matières premières agricoles importés reste posée et l’étude recommande un suivi international de l’utilisation des sols, ainsi qu’un approfondissement des études existantes relatifs aux changement d’affectation indirects, dans l’objectif d’aboutir a un mode de prise en compte explicite.
– La répartition des consommations et des émissions de GES entre produits et coproduits Pour répartir les émissions de GES entre les biocarburants (le produit principal) et les coproduits de fabrication (par exemple drèches ou tourteaux destinés principalement à alimentation animale), l’étude recommande de se baser sur le contenu en énergie respectif des biocarburants et des co-produits. Cette préconisation rejoint celle de la proposition de directive européenne relative à la promotion des énergies renouvelables.
– Les quantités de N2O émis à la suite de l’épandage d’engrais azotés pour la fertilisation des sols cultivés en fonction du type de cultures et de la nature des sols. Le protoxyde d’azote (N2O) est à fort pouvoir de réchauffement global (296 fois supérieur à celui du CO2). L’incertitude sur le calcul de ces émissions reste grande principalement à cause du facteur de conversion engrais azoté- N2O atmosphérique, c’est-à-dire le pourcentage d’azote appliqué sur la parcelle qui est réémis dans l’atmosphère sous forme de N2O. Ce facteur varie selon les analyses internationales entre moins de 1 % et 5 %. L’étude recommande de retenir la valeur de 1,33 % préconisée par l’IPCC (Panel intergouvernemental sur le changement climatique). L’étude recommande en outre de poursuivre les travaux de l’INRA pour obtenir des facteurs d’émission spécifiques des cultures françaises.
– Les émissions de GES et des consommations d’énergie pendant la phase de construction des infrastructures (silos, bâtiments agricoles, usines) et équipements (tracteurs, machines) nécessaires à la production des biocarburants. Certaines analyses laissent penser que, pour les étapes agricoles, cet amortissement pourrait ne pas être entièrement négligeable (supérieur au seuil de coupure prévu par la norme analyse de cycle de vie – ACV). Cependant, l’objectif de ces ACV est de comparer les filières biocarburants et les filières pétrolières pour lesquelles ces émissions ne sont pas comptabilisées. L’étude recommande donc, par souci d’homogénéité avec la méthodologie appliquée dans les bilans des filières pétrolières, de ne pas prendre en compte l’amortissement des infrastructures et équipements agricoles.
Un impact énergie et gaz à effet de serre positif sous conditions
L’étude « Elaboration d’un référentiel méthodologique la réalisation des Analyses de Cycle de Vie appliquées aux biocarburants de 1ère génération en France » apporte plusieurs enseignements pour la politique française en matière de biocarburants.
Tout d’abord, elle recommande plusieurs modifications dans les méthodes de calcul des performances des biocarburants ce qui tend à réduire potentiellement les économies de gaz à effet de serre associées, mais confirme l’intérêt et la fiabilité des bilans des filières françaises, au vu des données dès aujourd’hui disponibles.
Elle met ensuite en évidence l’impact des émissions de gaz à effet de serre liées au changements d’affectation des sols sur le bilan global. Elle confirme l’intérêt des dispositions de la Politique Agricole Commune en limitant cet impact, en s’assurant de l’absence de conversion en cultures de zones à fort contenu en carbone comme les forêts, les tourbières ou les prairies permanentes et la nécessité de s’assurer de la mise en place de dispositions équivalentes à l’égard des produits importés.
L’Ademe lance dès aujourd’hui, en association avec le ministère du Développement durable, le ministère de l’Agriculture et de la Pêche, l’ONIGC, une étude complémentaire pour actualiser les données disponibles sur les différentes filières biocarburants et évaluer sur la base de ce nouveau référentiel, leurs bilans filière par filière, culture par culture. Cette étude permettra de mener à son terme le bilan exhaustif et contradictoire recommandé par le Grenelle de l’Environnement. Les résultats de cette étude devraient être disponibles à la fin de l’année 2008.
Contexte de cette étude
En 2002, une première étude de l’Ademe/Ministère de l’Industrie avait conclu au bilan positif des biocarburants en terme d’émissions de CO2 et de gain énergétique (60 % pour le bioéthanol produit à partir de blé et de betterave et 70 à 75 % pour le diester produit à partir de colza et de tournesol).
En 2007, des divergences sont apparues entre les méthodes d’analyse du cycle de vie et du bilan environnemental des biocarburants déployées par les différents Etats membres de l’Union européenne.
C’est pourquoi, l’Ademe, conjointement avec l’IFP, le ministère du Développement durable, le ministère de l’Agriculture et de la Pêche, l’ONIGC, a lancé dès juillet 2007 un appel d’offre pour une étude sur « la méthodologie à appliquer pour établir le référentiel des bilans d’énergie, de GES et des polluants atmosphériques locaux des biocarburants de 1ère génération en France ».
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