Philippe LAMOUREUX, Directeur général de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, qui vient de publier le premier « Baromètre santé-environnement ».
Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter brièvement l’INPES ?
L’INPES, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé est un organisme qui a plusieurs grandes missions. Parmi elles, il est l’opérateur du volet prévention des grands plans de santé publique. Il a également une mission d’expertise dans son champ de compétence, c’est-à-dire la promotion de la santé. C’est un organisme qui est aussi en charge du développement de l’éducation à la santé sur l’ensemble du territoire et l’INPES a enfin une mission de sécurité sanitaire, il intervient dans ce cadre à la demande du ministère.
Nous sommes un EPA placé sous tutelle du ministre de la santé.Nous développons onze programmes qui vont du tabac, des addictions, à la nutrition, à la santé mentale et aux problèmes de santé environnementale.
Qu’est-ce qui vous a conduit à réaliser un tel baromètre santé-environnement ?
Ce baromètre s’inscrit dans le cadre du PNSE (plan national Santé-Environnement, NDLR). Ce PNSE prévoyait la réalisation de cette étude qui est une première. Elle se rattache bien à la logique du PNSE avec un nombre de partenaires très important qui interviennent soit dans le champ de l’environnement, soit dans le champ de la santé.
Quelles indications majeures en avez-vous tiré ?
Il y en a beaucoup même si on ne découvre pas de choses spectaculaires étant donné que ces baromètres ont pour vocation de mesurer les connaissances, attitudes et représentations des personnes à un moment donné et à répéter cette opération de façon régulière afin de voir l’évolution, souvent, tous les 5 ans.
Le premier renseignement que nous pouvons en tirer est que les Français manifestent une grande sensibilité sur l’environnement et sur ses conséquences sur la santé. Et, ils ont le sentiment global d’être bien informés. Second point, la perception du risque est souvent liée à la médiatisation qu’ont connu les différents thèmes. Pour prendre deux exemples qui sont l’amiante et le monoxyde de carbone, 89,4% des personnes interrogées estiment que l’amiante présente un risque élevé ou très élevé, et 87,9% pour le monoxyde de carbone.
Dès lors que l’on se situe sur un domaine où il y a une forte médiatisation et qui a connu un consensus scientifique sur la nature du risque, nous constatons une perception qui est assez juste. En revanche, lorsque l’expertise donne lieu à controverse, ou lorsque l’on est en présence de l?application d’un principe de précaution en raison d’un risque peu ou mal cerné, comme par exemple la téléphonie mobile, même si ce thème a été très médiatisé, l’opinion se divise. 51,5 des personnes y voient un risque élevé ou très élevé, mais on se situe là à des niveaux très inférieur à celui de l’amiante par exemple.
Enfin, troisième point, un sujet souffre d’un déficit réel d’information, c’est le radon. 61,9% des personnes interrogées n’ont jamais entendu parlé du radon, or, il faut rappeler que le radon est selon l’INVS une des causes majeures du cancer du poumon puisque 1.200 à 3.000 décès lui sont imputables chaque année.
Une bonne information engendre-t-elle de bons comportements ?
C’est justement là que les choses se gâtent ; il existe un sentiment d’information mais il est démenti quand on regarde les comportements déclarés par les gens et les mesures de prévention qu’ils connaissent ou qu’ils ne connaissent pas. Je vous donne deux exemples, le risque monoxyde de carbone est très connu, or 67,3% des personnes qui ont à leur domicile une source d’énergie combustible pour se chauffer n’ont pas conscience d’avoir un appareil qui peut être une source d’émission de monoxyde de carbone. Second exemple, 75,9% des interviewés ont déjà entendu parlé des légionelloses mais ne savent pas comment empêcher leur apparition.
Comment expliquez-vous cela ?
Cela tient au fait que les sujets de communication en matière de risques environnementaux sont particulièrement complexes. Il est en effet très difficile de diffuser une information qui soit fiable et compréhensible. Pour prendre l’exemple du tabac, le message est très simple : fumer tue, la première cigarette est dangereuse et il est donc déconseillé de commencer à fumer, c’est clair et la communication est très binaire.
En matière de santé environnementale c’est beaucoup plus compliqué. D’abord parce que nous n’avons pas toujours des expertises totalement univoques avec des recommandations partagées. De plus ce sont des recommandations la plupart du temps complexes et nous ne sommes donc pas sur un message simple. La question qui se pose le plus souvent en matière de risques environnementaux est celle de l’exposition aux faibles doses, et là ce n’est pas simple. Un dernier élément qui participe à cette complexité est la distinction entre le risque choisi et le risque subi. En matière de santé environnementale, il existe une forte dimension « passive ». Il existe malgré tout des marges de progression, quand on voit que 15% des gens n’ouvrent pas les fenêtres pour conserver la qualité de leur air intérieur…
Quelle exploitation allez-vous faire de ces résultats ?
Cette enquête a plusieurs vocations dont celle d’alimenter la réflexion et plus particulièrement celle qui va s’engager dans le cadre du PNSE 2. Il s’agit également de fournir des matières à réflexion pour bâtir des programmes d’éducation et de prévention et des campagnes de communication. Il est vrai que cela permet une bonne identification des problèmes, et cela devrait donner lieu à des communications publiques plus denses avec la limite qu’il ne faut pas saturer l’opinion de messages normatifs.
Savez-vous s’il existe des indicateurs comparables dans d’autres pays européens ?
Je sais qu’il existe des documents comparables en France, en matière de santé, et d’autres mettant un focus sur certains aspectes comme le cancer ou la nutrition. Mais celui-ci est une première et je ne pense pas qu’en Europe il existe un tel baromètre sur ce sujet précis. Il existe en Europe des études transversales mais pas sur ce sujet. Nous disposons par exemple d’une étude appelée HBSC portant sur les comportements des jeunes de 11 à 15 ans dans 35 pays en Europe, mais pas sur ces sujets émergents.
> Pour en savoir + : Baromète Santé-Environnement 2007 – éditions INPES
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