Depuis fin août 2008, la qualité de l’eau potable produite par l’usine de Friedrichshagen à Berlin est contrôlée grâce à treize petits poissons argentés de quelques centimètres de long de la famille des cyprinidés : des ables de Heckel (Leucaspius delineatus). Ceux-ci réagissent à des modifications de la qualité de l’eau par une accélération ou un ralentissement de leurs mouvements, suivis par des dizaines de capteurs infrarouges dont les données sont transmises à un ordinateur puis analysées sous forme de courbes.
L’utilisation des poissons comme bioindicateurs vient compléter un large éventail d’analyses chimiques, biologiques et physiques en laboratoire ainsi que de mesures en ligne variées. Jens Feddern, reponsable de la distribution à la société berlinoise de distribution d’eau (Berliner Wasserbetriebe), explique : « les ables de Heckel réagissent de manière très sensible aux changements de l’eau ». Il peut s’agir de la présence de substances toxiques, de variations du pH, de la teneur en oxygène ou encore de la température. En réponse à ces stimuli, les mouvements des poissons ralentissent ou s’accélèrent.
Lors de l’analyse de ces mouvements suivis par infrarouge, une déformation des courbes finalement obtenues conduit à l’émission d’un signal d’alarme. Dans ce cas, et a fortiori si les autres appareils surveillant en permanence la qualité de l’eau signalent eux aussi une modification inquiétante, la distribution d’eau peut être immédiatement arrêtée. Un tel cas est cependant peu probable.
Le « toximètre »
« Ces petits poissons ont, eux aussi, un système nerveux. Ils réagissent à tout ce qui pourrait nuire à notre corps« , poursuit Jens Feddern. « Par exemple, si des somnifères se trouvaient dans l’eau, ils couleraient« . Selon les responsables de l’usine, l’utilisation des poissons permet de gagner du temps et de se situer au-delà des exigences de la législation en matière de qualité de l’eau potable.
L’usine de Friedrichshagen est la plus importante de Berlin, avec une capacité de 250.000 m3 par jour, ce qui alimente les robinets de quelque 1,4 millions de Berlinois. Une petite partie de l’eau circulant dans les canalisations principales est détournée pour alimenter un aquarium, baptisé « toximètre », dans lequel se trouvent les poissons. L’eau ainsi utilisée sort définitivement du circuit de distribution aux clients. Le « biotoximètre », d’une valeur de 15.000 euros, est le premier à entrer effectivement en fonction, après une phase de test. Les usines de production de Tegel et de Beelitzhof devraient également en être équipées prochainement.
Les ables de Hecker appartiennent à la « liste rouge » des espèces menacées, ce qui explique notamment que les poissons-témoins soient traités avec beaucoup d’attention à Friedrichshagen. Ils sont élevés à l’Institut d’écologie aquatique et de pêche en eau douce (IGB) puis « travaillent » environ sur une durée de 6 mois. Ils ont alors 2 mois de pause, au terme desquels ils repassent un semestre dans le « toximètre » pour la surveillance de l’eau. Ils sont alors « en retraite » et retournent à l’IGB.
BE Allemagne numéro 401 (3/09/2008) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/55819.htm
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