Gilbert Ruelle, Président de la Commission Energie de l’Académie des technologies. Ingénieur de l’ENSEM, spécialiste en physique générale et en ingénierie électrique, il vient de publier un rapport très critique sur le développement de l’énergie éolienne en France.
Quel est l’objectif de ce rapport ?
Le conseil de l’Académie avait demandé que, sur un sujet aussi polémique que le développement important de l’éolien en France, l’Académie de technologie puisse se faire un avis rationnel.
Il s’agit donc d’un document destiné à l’information des membres de cette Académie ?
Tout à fait, en aucun cas l’Académie se veut un organisme militant.
Votre rapport critique fortement le développement de l’éolien en France, n’avez-vous pas l’impression de participer à la fronde actuelle contre cette énergie ?
Les critiques pleuvent actuellement contre ce type d’énergie mais cela n’est pas nouveau. Si vous prenez le rapport de synthèse que j’ai rédigé en tant que président de la Commission énergie de l’académie en 2004, vous verrez qu’à l’époque, sur l’éolien, on disait exactement la même chose qu’aujourd’hui, c’était tout simplement moins chiffré.
Vous évoquez dans votre rapport une « énergie de qualité médiocre »?
C’est effectivement la réponse à la question 7 du rapport , « Outre le problème de l’intermittence, l’éolien a-t-il un comportement différent des autres générateurs sans trop de perturbations du réseau ? L’éolien est-il impliqué dans la panne européenne du 4 novembre 2006 ? Y-a-t-il des leçons à tirer quant à l’usage massif de l’éolien ? »
La qualité médiocre est assez expliquée dans la réponse apportée à cette question. Il existe trois catégories d’éoliennes et ce sont toutes des machines qui n’ont pas de réglages de tension, ni de fréquence. Elles disposent de leur protection de fréquence et de tension et, en cas de défaillance du réseau, elles s’effacent. C’est à dire qu’elles se dérobent et laissent le soin aux centrales classiques de faire face à la perturbation du réseau.
Cela n’avait guère d’importance tant que l’éolien était une faible fraction de la puissance d’un réseau mais avec le développement de ce type d’énergie, il devient impératif que les éoliennes soient capables de participer au réglage de fréquences et de tensions. Cela va donc entraîner des frais supplémentaires pour installer des réglages de tension, cela se fait en injectant de la substance réactive. Il va donc falloir installer des convertisseurs statiques de fréquence.
Il faut donc consolider le réseau à l’aide de ces moyens supplémentaires, et ce, à cause de la croissance de l’éolien.
Les pro-éoliens peuvent vous rétorquer que des pays comme l’Allemagne s’accommode très bien de l’éolien?
Justement, la panne du 4 novembre 2006, qui a privé 15 millions d’européens d’électricité, a commencé en Allemagne dans la zone la plus chargée en éoliennes. Cela a commencé par le délestage volontaire d’une ligne qui n’aurait pas dû être coupée et les opérateurs du réseau haute tension n’ont pas anticipé les conséquences de la coupure de cette ligne. Le brusque déplacement de puissance de cette ligne sur les autres lignes a fait que les autres ont subi une petite baisse de fréquence. Les éoliennes ne participant pas au réglage de fréquence, elles se sont alors effacées face à cette perturbation et les éoliennes ont ainsi disparu. Le réseau s’est donc retrouvé coupé en deux avec une partie où les éoliennes se sont délestées principalement à l’ouest, quant à celles situées à l’est elles sont parties en surfréquence.
La France est considérée par certains comme le second gisement éolien après la Grande-Bretagne. Qu’en pensez-vous ?
Je ne dit pas le contraire. Mais faut-il l’exploiter en dépensant 8 centimes d’euros par kwh à terre et 13 centimes par kwh en mer, alors que l’on dispose d’une énergie déjà propre en émissions de CO2 à 95% ? Avec 80% de nucléaire et 10 à 20% d’hydraulique, l’énergie nucléaire se situe à 3 centimes d’euros le kwh.
Pourquoi considérez-vous que l’éolien ne représente pas d’intérêt pour un pays comme la France ?
Ce n’est pas seulement un problème de coût. Il existe également un manque d’intérêt sur la réduction des émissions de CO2. L’éolien représente un intérêt en Allemagne par exemple, étant donné que le réseau produit de l’énergie avec 60% de charbon, fort émetteur de CO2. Or en France, nous n’avons que 5% d’énergies émettrices de CO2. L’éolien ne réduirait donc pas en France les émissions de CO2.
Le texte que nous avons rédigé n’est pas une charge contre l’éolien au plan mondial. Il y a de la place pour l’éolien dans les pays où la production principale d’électricité est fortement émettrice de CO2. Il en est de même dans les zones géographiques isolées et bien ventées où l’électricité produite à partir d’énergies fossiles est plus chère que sur les grands marchés et où les contraintes de qualité du service sont beaucoup plus réduites. En revanche en France, l’emballement dans l’éolien est déraisonnable.
L’énergie solaire est-elle plus intéressante à vos yeux ?
La différence de l’éolien avec le solaire est que l?éolien est une industrie mature d’un point de vue technique. On n’aura pas demain d’éoliennes avec un meilleur rendement et des coûts qui vont chuter, à la différence du solaire qui est encore en pleine évolution.
> Pour en savoir + : Site de l’Académie des technologies
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