Le brouillard lumineux dont s’entoure de plus en plus l’humanité ronge petit à petit le noir de la nuit. Le ciel nocturne serait en voie de disparition. Or, les conséquences de l’excès d’éclairage artificiel ne se résument pas à la privation du spectacle des astres, il est aussi une source de perturbations pour les écosystèmes et la santé humaine, et représente un gaspillage énergétique considérable.
Phénomène trop longtemps ignoré, la pollution lumineuse figure désormais dans le projet de loi relatif au Grenelle de l’environnement, examiné au parlement à partir du 6 octobre. Cette reconnaissance législative permettra de créer dans le code de l’environnement un nouveau chapitre destiné à réglementer le sur-éclairage. C’est l’aboutissement d’un long combat pour la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui tient à sensibiliser les élus et le grand public à cet enjeu environnemental encore mal connu.
Selon l’Atlas Mondial de la clarté artificielle du ciel nocturne , les halos lumineux progressent d’environ 5% par an en Europe et masquent aujourd’hui la vision de 90% des étoiles dans les métropoles. En France, seul un petit triangle dans le Quercy et une partie de la Corse ne sont pas envahis par nos lumières. La voûte étoilée ne brillerait plus que des mille feux de la ville…
La faune et la flore, victimes du phénomène
Parmi les premières victimes de ce fléau lumineux se trouvent les astronomes qui, gênés dans leurs analyses, tirent le signal d’alarme : la nuit est en voie de disparition. Or, l’observation des étoiles a toujours été à la fois une source d’inspiration, facteur essentiel de progrès scientifique et technique, et le reflet d’une mosaïque des cultures et des philosophies de l’humanité.
Briser l’alternance naturelle du jour et de la nuit perturbe considérablement la faune et la flore. Elle affecte la migration, la reproduction, la chasse ou encore la pollinisation de nombreuses espèces – à l’instar de certains papillons de nuit qui meurent d’épuisement autour de ces « pièges de lumière ». De surcroît, l’homme ne serait pas épargné par cette exposition prolongée à la lumière artificielle (éblouissement, troubles du sommeil, facteur possible d’incidence des cancers).
Un enjeu de développement durable
Préserver l’environnement nocturne est aussi un véritable enjeu de développement durable puisque, selon les dernières études nationales, l’éclairage public est responsable de 4% des émissions totales de gaz à effet de serre en France et qu’il représente près de 48 % de la facture énergétique des communes. Une débauche de mégawatts qui pourrait être diminuée de 30 % – soit 185 000 tonnes de CO² de moins par an – selon l’ADEME, si l’on utilisait des équipements moins énergivores : abat-jours, minuteries, détecteurs de présence, ou encore lampes à basse consommation.
Il s’agit en premier lieu d’agir sur la puissance, les horaires d’utilisation et l’orientation de l’éclairage de nuit, afin d’éviter notamment l’émission d’une énergie inutile, dirigée vers le ciel (qui représente pourtant 30% de l’éclairage artificiel). Le temps des « villes toutes lumières » est désormais révolu. L’objectif aujourd’hui n’est pas d’éclairer moins mais d’éclairer mieux, afin de concilier les exigences de notre société moderne, notamment en termes de sécurité, avec une meilleure gestion de l’éclairage.
Même si des initiatives vertueuses existent localement, la France, sur le front de la lutte contre la pollution lumineuse, est en retard par rapport à ses voisins européens – Allemagne, Tchéquie et Italie notamment. Afin de remédier à cette situation, le projet de loi Grenelle de l’environnement fait enfin entrer l’excès de lumière dans le champ des pollutions. « La pollution lumineuse représente trois enjeux en un : la réalisation d’économies d’énergie, la protection des écosystèmes et surtout l’assurance de permettre à nos enfants de s’émerveiller du spectacle des étoiles ».
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