Eric Lainé, agriculteur et président de la CGB, Confédération générale des planteurs de betteraves, très impliquée dans la production française d’éthanol.
Etes-vous désormais rassuré après l’amendement adopté fin octobre, qui vient assouplir le projet de fin progressive de la fiscalité du bioéthanol ?
L’intérêt de la défiscalisation est de compenser les différences de compétitivité que l’on peut avoir entre l’éthanol produit chez nous et celui produit au Brésil par exemple. Nos outils sont en pleine phase d’amortissement et donc forcément ont un coût de production supérieur.
Ainsi, la défiscalisation permet à ceux qui incorporent l’éthanol de l’avoir à un moindre prix étant donné qu’ils touchent l’équivalent de cette défiscalisation. Pour prendre un exemple, si on part du principe qu’ils nous achètent l’hectolitre 60 euros, ils retouchaient de l’Etat 27 euros jusqu’à présent et 21 en 2009.
Cela positionne donc l’éthanol produit localement. La défiscalisation permet donc de privilégier la production locale de l’éthanol français dans l’essence française. La fin de la fiscalité entraînerait la ruine de nos outils, nous n’aurions pas pu lutter face à la concurrence étrangère et les investissements que l’on a fait dans nos distilleries récentes auraient été anéantis.
L’amendement adopté le 23 octobre dernier préserve ainsi la pérennité des outils et de plus, comme il prévoit une clause de revoyure en 2010 en fonction des conditions économiques du moment, nous sommes plutôt sereins.
Concrètement, quel est l’état du marché de l’éthanol ?
Aujourd’hui toutes les essences comportent environ 5% d’éthanol, sans que cela ne soit affiché, majoritairement sous forme d’ETBE, c’est à dire cet éthanol qui subit une transformation par les pétroliers et qui en font en quelque sorte un additif. Il n’est pas nécessaire d’avoir un véhicule spécifique pour rouler avec ce pourcentage d’éthanol.
Il est nécessaire de posséder un véhicule spécifique lorsque l’on utilise de l’E85 qui lui comporte 85% d’éthanol. Il faut dans ce cas des véhicules dits « flex-fuel ». Je sais qu’il existe des kits flex-fuel que l’on peut adapter sur les voitures mais les constructeurs n’y sont pas très favorables.
Il existe environ 6.000 véhicules flex-fuel actuellement en France. Les pompes ne sont néanmoins pas assez nombreuses, il doit y en avoir 270 et elles sont donc encore insuffisantes. Mais l’éthanol représente cependant un réel intérêt pour le consommateur puisque le prix de l’E85 est entre 83 et 85 centimes le litre.
Les véhicules doivent cependant être plus chers à l’achat ?
Oui et non, ils le sont par le malus qu’ils subissent mais cela devrait être rectifié dans le projet de loi de finances 2009 où il est prévu que les véhicules flex-fuel ne subissent plus de malus. Il devrait être pris en compte l’effet bénéfique de ce carburant. C’est un engagement du président de la République pris lors du Mondial de l’Automobile 2008.
Par ailleurs, lors de ce Mondial de l’Auto, Nicolas Sarkozy a annoncé le remplacement progressif des pompes de SP98 par de l’E10, c’est à dire un carburant contenant 10% d’éthanol, cela devrait « booster » encore un peu la production ?
Cela va en effet nous offrir de nouveaux débouchés, et la possibilité de faire de l’incorporation en direct. Nous ne serons donc plus obligés de passer par des pétroliers pour le transformer. En tant que producteur d’éthanol, nous pourrons directement le vendre non seulement aux pétroliers, mais également aux grands distributeurs comme Leclerc ou Carrefour? qui pourront directement mettre de l’éthanol dans l’essence à hauteur de 10%.
Le circuit deviendra alors un peu plus court puisqu’il y aura la transformation en moins, et pour nous, cela nous offre commercialement un peu plus de latitude. Nous ne serons plus contraints de fournir un ou deux acheteurs, nous disposerons désormais d’une vaste palette devant nous.
La FAO avait remis en cause le bilan écologique du bioéthanol, qu’en est-il selon vous ?
Cela a parfaitement été redit par l’ensemble des parlementaires à l’Assemblée nationale. Il existe un rapport de l’Ademe qui confirme les bienfaits de l’éthanol sur l’environnement. Il y est établi qu’un litre d’éthanol par rapport à un litre d’essence réduit de 60% les émissions de gaz à effet de serre. Le rapport de l’Ademe est un rapport officiel et commandité par le MEEDDAT et le ministère de l’Agriculture.
Le débat portait aussi sur la consommation d’énergie liée à la fabrication de ce type de carburant?
S’agissant du bilan énergétique, on consomme en gros une énergie pétrole pour en restituer 2,3 ou 2,5 d’éthanol, alors que lorsque l’on fabrique de l’essence, on consomme une énergie pétrole pour n’en restitué que 0,87 environ. Le bilan énergétique de l’éthanol est donc bon et ne fera que s’améliorer.
Pour revenir sur ce bilan de la FAO, je souhaite ajouter que pour atteindre les objectifs de 7% de biocarburants à l’horizon 2010, et notamment de l’éthanol dans les essences, on mobilise un peu moins de 3% des surfaces en céréales ou en betteraves. De plus, sur ces 3% , si l’on prend le cas de la betterave , 50% retournent à l’alimentation animale sous forme de pulpe. Pour le blé, c’est un peu moins de 40%.
Donc en réalité, on ne mobilise que 1,7% des surfaces environ. D’ailleurs, le blé est passé de 280 euros la tonne à 140, alors que pour autant, on n’a pas diminué la production de biocarburant, au contraire, elle a continué à augmenter. Si l’on prend le cas du sucre à partir duquel l’éthanol est majoritairement produit, la betterave chez nous mais la canne à sucre ailleurs, là aussi, son prix n’a pas bougé.
Dans le rapport de la FAO, de nombreux amalgames ont été faits. On évoque notamment la production d’éthanol au maïs où là on mobilise 30% de la production. Là effectivement, cela peut avoir un impact sur le prix du maïs.
Quel est selon vous l’avenir du bioéthanol ?
Au regard de ce qu’a pu dire Nicolas Sarkozy au mondial de l’Auto, qui maintient les objectifs de 7% en 2010, cela signifie que l’on sature les outils que l’on a construit ainsi que ceux qui sont encore en construction. C’est déjà une bonne chose. On obtiendra donc les meilleurs coûts de revient possible.
Pour conclure, l’utilisation de l’éthanol permet-elle des économies substantielles de pétrole ?
Le respect de l’objectif des 7% pour 2010 engendrerait une économie de 15 millions de barils de pétrole. On devrait consommer 10 millions d’hectolitres d’éthanol en 2010 sur une consommation d’essence de l’ordre de 30 millions d’hectolitres.
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