C’est l’histoire d’une décision politique qui a toutes les peines du monde à recueillir une légitimité scientifique. Après les conclusions favorables mais immédiatement contestées d’une Haute Autorité sur les OGM créée pour l’occasion, l’Afssa avait déjà remis en cause publiquement les fondements scientifiques de la clause de sauvegarde décidée en début d’année sur le maïs MON810. C’est désormais l’Efsa qui en remet une couche.
Le comité scientifique spécialisé de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) vient de lancer une nouvelle pierre dans le jardin du Grenelle français. Après étudier les arguments fournis par la France pour justifier la clause de sauvegarde décidée sur le désormais célèbre maïs MON810, en début d’année, l’EFSA vient de publier un avis clair et net : aucun des éléments apportés par la France n’est susceptible de remettre en cause les évaluations précédentes, les demandes formulées par la France n’ont aucune justification scientifique.
Pour rappel, en plein débat sur le Grenelle de l’environnement, la France avait notifié à Bruxelles le 9 février 2008 une ordonnance de suspension de la culture des variétés de semences provenant de maïs génétiquement modifié MON810. Le 13 février 2008, la France avait notifié à la Commission européenne une note intitulée « mesure d’urgence en vertu de l’article 34 du règlement (CE) n°1829/2003. Bruxelles avait demandé au groupe scientifique sur les organismes génétiquement modifiés (groupe OGM) de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire d’évaluer l’ensemble des documents à l’appui et la justification de la clause de sauvegarde et de la durée de la mesure invoquée.
Aucune preuve scientifique fournie
Après avoir évalué l’ensemble des renseignements fournis par la France à l’appui de sa clause de sauvegarde et après avoir examiné toutes les publications sur le sujet, le groupe OGM conclut qu' »en termes de risque pour la santé humaine et animale et l’environnement, l’information fournie ne présente pas des preuves scientifiques nouvelles qui rendraient caduques les précédentes évaluations des risques du maïs MON810« . Par conséquent, « aucune preuve scientifique, en termes de risque pour la santé humaine et animale et l’environnement, n’a été fournie qui puisse justifier l’invocation d’une clause de sauvegarde en vertu de l’article 23 de la directive 2001/18/CE et de mesure d’urgence en vertu de l’article 34 du règlement (CE) n°1829/2003« .
Pour rappel, le comité scientifique spécialisé de l’Agence Française pour la Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), avait déjà conclu le 30 avril 2008 « qu’au regard des données présentées dans le dossier dont certaines ont été réactualisées et des nombreuses données publiées dans la littérature scientifique à comité de lecture, les maïs portant l’événement de transformation MON810 et leurs produits dérivés présentent le même niveau de sécurité sanitaire que les variétés de maïs conventionnelles et que leurs produits dérivés. »
« Pas de « doutes sérieux ». Pour l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS), il n’y avait « aucun fondement scientifique à l’activation d’une clause de sauvegarde sur la culture du maïs Mon810 ». Telle était la conclusion que l’association tirait le 17 janvier 2008 à l’issue du colloque sur le thème « Biotechnologies & Agriculture durable ». Autant dire que l’association scientifique française a pris connaissance sans surprise de l’avis de l’EFSA. L’association en profite même pour condamner une nouvelle fois « la déformation des conclusions scientifiques à des fins politiques partisanes » et demande « la restauration de l’intégrité scientifique dans l’élaboration des décisions politiques ».
Borloo et NKM réaffirment leur position
Bousculé par l’avis de l’EFSA rendu vendredi, le ministère de l’Ecologie a immédiatement tenu à réaffirmer sa position : « La France maintient sa position sur la clause de sauvegarde et elle la soutiendra au Conseil des ministres européens. » Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet rappellent que l’avis de l’EFSA n’est qu’une étape du processus.
En effet, la décision finale reviendra au Conseil des ministres européens puis éventuellement à la Commission européenne. Le ministère souligne qu’en accord avec la Commission, la France a initié en mars 2008 des travaux pour « renforcer l’évaluation environnementale des plantes génétiquement modifiées ».
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