Dans l’ensemble des pays industrialisés, une baisse de la fertilité chez l’homme est actuellement observée. Ainsi, la production spermatique a diminué de 50% en 50 ans. Par ailleurs, l’incidence du cancer du testicule et de certaines malformations génitales a doublé au cours de la même période.
Certains produits chimiques dont l’action est connue, tels que les perturbateurs endocriniens, sont suspectés de jouer un rôle dans ce phénomène. Les atteintes à la fertilité humaine ne sont pas isolées. Différentes études montrent que de nombreuses espèces animales souffrent aussi d’anomalies du système reproducteur, telles que l’imposex (développement d’organes génitaux mâles chez une femelle) chez les mollusques gastéropodes ou encore la féminisation des populations de poissons dans les rivières et les estuaires, avec dans les cas les plus sévères des incidences d’intersexualité de 100%.
Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire et le ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative organisent, le 25 novembre prochain, un colloque intitulé « Environnement chimique, reproduction et développement de l’enfant ». Placée sous la direction scientifique de l’Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP) et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset), cette rencontre réunira les principaux représentants de la communauté scientifique européenne qui travaillent sur ces questions essentielles pour l’avenir de l’espèce humaine.
Enjeu majeur
Les perturbations du développement humain par la pollution chimique représentent une question majeure pour la recherche et la prévention pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le développement foetal est constitué de périodes critiques. Les environnements chimique, physique et biologique peuvent influencer ce développement, souvent de façon dramatique, leurs effets étant fonction du temps d’exposition. Ensuite, le développement foetal est fait de changements permanents ayant des effets à long terme.
Par ailleurs, lorsque les mécanismes maternels, foetaux et placentaires doivent s’adapter à des perturbations de l’environnement du foetus, cette compensation peut également engendrer des effets secondaires (effets essentiellement négatifs). De même, l’exposition post-natale continue et les mécanismes de compensation qui lui sont associés, peuvent avoir des effets délétères plus tardifs. Enfin, les effets de l’environnement sur le foetus sont souvent différents de ceux observés chez l’adulte ou même chez le nourrisson, de plus ces effets peuvent varier entre les foetus de sexe féminin et de sexe masculin.
Etudes prospectives à long terme
Au vu de ces constats inquiétants, les recherches sur l’étiologie des maladies humaines nécessitent de prendre en compte le développement précoce et de caractériser de façon appropriée les facteurs qui déterminent les fonctions des organes, et les risques d’affections ultérieurs. De telles associations peuvent être mises en évidence de façon plus nette dans des études prospectives à long terme.
Des approches interdisciplinaires, l’utilisation de données sur l’animal, une meilleure connaissance des biomarqueurs ainsi que la prise en compte de l’hypersensibilité individuelle permettraient de mieux comprendre l’étiologie des maladies humaines. Ainsi, il est nécessaire d’améliorer la communication entre les disciplines scientifiques impliquées dans ces problématiques, mais aussi entre les scientifiques et les instances opérationnelles politiques.
Sang du cordon ombilical
L’évaluation de l’exposition à un environnement chimique pourrait se faire sur une période du développement précoce. Les données d’exposition déjà collectées en routine pourraient être utilisées, lorsque cela est possible, dans les études épidémiologiques. De plus, le sang du cordon ombilical, les tissus du cordon, le lait maternel et d’autres échantillons biologiques pourraient être collectés pour évaluer les biomarqueurs de l’exposition et pour déterminer les modifications de l’expression des gènes.
Les êtres humains étant exposés à de nombreuses substances chimiques au cours de leur développement et de leur vie, les maladies pourraient résulter d’expositions multiples. D’autres facteurs, comme la nutrition, des styles de vie spécifiques et l’environnement sociétal, doivent également être pris en compte pour expliquer des effets additionnels ou concomitants. La recherche devrait aussi s’intéresser à la variation génétique et aux interactions gènes-environnement pour expliquer la nature causale des expositions environnementales dans le respect des états de santé.
Vulnérabilité du développement précoce
Le facteur de risque constitué par les environnements chimiques nécessite de prendre en compte la vulnérabilité du développement précoce et les implications à long terme d’une programmation altérée sur des systèmes d’organes variés. Si pour mettre en évidence la toxicité des composés chimiques sur la reproduction, le développement neuronal et le système immunitaire des protocoles de test existent, ils ne sont pas utilisés fréquemment et les effets potentiels des ces toxicités ne sont donc pas pris en considération dans les décisions sur les niveaux de sécurité des expositions environnementales.
Les preuves mises en évidence dans de nombreux travaux de recherche suggèrent que les efforts de prévention contre les expositions toxiques aux substances chimiques de l’environnement devraient se focaliser sur la protection de l’embryon, du foetus et des jeunes enfants qui représentent des populations très vulnérables. Etant donné l’omniprésence de composés chimiques dans l’environnement, les efforts doivent être renouvelés pour prévenir les dommages.
Principe de précaution
Lorsqu’un retard dans la prise de décision peut entraîner la propagation des expositions toxiques et de leurs conséquences nuisibles à long terme, la prévention devrait être mise en place même en l’absence de preuves définitives de causalité. Les procédures actuelles devraient donc être modifiées afin de s’adapter à la protection des étapes de la vie les plus fragiles via une meilleure utilisation du principe de précaution.
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