François Veillerette, président du Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures (MDRGF) et administrateur du réseau européen associatif anti pesticides (Pesticides Action Network). Particulièrement actif sur la question des pesticides, François Veillerette s’exprime sur les positions prises par le Grenelle en la matière, le problème des perturbateurs endocriniens et les avancées espérées européennes sur cette question.
Quels sont les apports du Grenelle en matière de lutte contre les pesticides ?
C’est contrasté. La vraie mesure forte sur les pesticides consiste à réduire de 50% les traitements de pesticides en 10 ans. C’est ce qu’on appelle le dispositif « Eco Phyto 2018 » sur lequel j’ai travaillé pendant le Grenelle. Cela signifie que pour la première fois, la France accepte de parler de réduction de l’utilisation de ces produits et se fixe un objectif de réduction chiffré avec un calendrier.
Cette loi a fait l’objet d’un amendement qui a étendu son champ d’application aux biocides, ce qui est bien. L’idée est de dire qu’il y a pas de raison qu’il n’y ait que les agriculteurs à faire des efforts. En gros, si les pesticides agricoles sont dangereux, les pesticides non agricoles le sont tout autant et donc il faut les diminuer de moitié également.
Selon vous, quelle est la principale limite du Grenelle ?
Pour l’instant, on a juste un plan qui a été annoncé par Michel Barnier il y a quelques semaines. C’est sa limite car il n’y a pas d’action inscrite dans la loi de Grenelle 1 ou dans le projet de loi Grenelle 2. Même si tout ça va dans le bon sens, sans objectif contraignant, et on sait très bien que certains acteurs n’ont pas une volonté farouche d’agir rapidement. Il y a par exemple un collectif baptisé « Sauvons les fruits et légumes » qui a été créé en France par les lobbys de ces filières.
Que pensez-vous de la récente prise de position de Roselyne Bachelot et Nathalie Kociusko-Morizet sur les perturbateurs endocriniens ?
J’ai eu l’occasion d’intervenir il y a quelques jours sur le débat diffusé sur Arte, et de rappeler qu’elles avaient une excellente occasion de mettre leurs paroles en actes, en soutenant les critères d’exclusion définis par le Parlement européen, sur les pesticides. Il y a 23 substances qui répondent à ces critères dont des perturbateurs endocriniens.
En présidant l’Union européenne, la France pourrait très bien faire en sorte de réduire déjà un certain nombre de perturbateurs endocriniens sur le marché européen. Les paroles et les conseils de consommation de ce type, c’est peu contraignant ni difficile à mettre en place, même si c’est positif, c’est loin d’être suffisant. Il y a pourtant moyen de légiférer. A titre d’exemple, il y a une nouvelle directive sur les jouets qui devrait passer devant le Parlement européen dans les prochains jours, qui n’évoque pas du tout les perturbateurs endocriniens.
S’il y a une urgence majeure, quelle est telle ?
L’urgence selon moi, ce sont les dangers que courent les populations les plus sensibles, et tout d’abord le f?tus. En matière de toxicologie sur ces populations fragiles, des doses extrêmement faibles peuvent pourtant représenter un danger, notamment sur les premiers mois de développement du f?tus.
Ces substances dangereuses, on les retrouve, dans beaucoup de plastiques par exemple. La protection de l’enfant en devenir, c’est l’objectif numéro un. Cela fait partie en principe, d’un engagement de la France, qui a placé la protection de l’enfant comme une priorité.
Que pensez-vous de la nouvelle loi pesticides voté récemment par le Parlement européen ?
C’est la Commission environnement qui vient effectivement de la voter. Il y a une directive cadre qui est plutôt faible, avec peu d’objectifs chiffrés de réduction, la plupart du temps très vagues.
S’agissant du règlement relatif à la mise sur le marché, il y a eu une bonne résistance de la Commission environnement. Maintenant il ne faut pas qu’il y ait une grande lessive dans l’accord qui doit être trouvé entre la Commission et le Parlement, et qu’on conserve le principal, c’est à dire les critères d’exclusion, et notamment la suppression d’un maximum de perturbateurs endocriniens.
Ce n’est pas simple, car en face, il y a des groupements professionnels qui sont souvent de mauvaise foi. S’il existe des impasses techniques, et il peut en exister, le règlement prévoit des délais de quelques années, le temps de mettre au point des alternatives. On ne met pas le couteau sous la gorge aux producteurs, qui dépeignent pourtant une situation complètement catastrophique.
L’industrie phytosanitaire est-elle prête à supprimer ses produits dangereux ?
Les industriels ne veulent pas changer. Ils vendent certains produits qui posent problème, mais qui rapportent de l’argent. Plutôt que faire de la recherche pour trouver des solutions alternatives, ils préfèrent engranger des bénéfices. Ils viennent de payer une étude réalisée par un bureau d’études italien qui publie des résultats totalement hallucinants et ridicules.
Je renvoie à la lecture d’un très rapport du Parlement européen qui chiffre les résultats espérés par la mise en place de ces critères d’exclusion proposés, qui évoque de 3.500 à 7.000 milliards d’euros de bénéfices attendus sur la santé publique, et notamment sur celle des agriculteurs en 30 ans. C’est l’intérêt général.
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