Après avoir été privé de gaz russe pendant une quinzaine de jours, l’Europe a pu constater de matière très concrète tout le chemin qu’il lui reste à faire pour disposer d’une réelle politique énergétique européenne permettant notamment de sécuriser ses approvisionnements. Les députés européens avancent des pistes pour la mise en place d’une stratégie commune.
Tirant les leçons de la récente crise du gaz, la commission de l’industrie a présenté mercredi ses recommandations qui touchent l’ensemble de la future stratégie énergétique de l’UE. Elle préconise des plans d’action, plus d’interconnexions entre les réseaux des États membres et de nouveaux objectifs à atteindre pour 2050 en vue de lutter contre le changement climatique, parmi lesquels une augmentation à 60% de la part des énergies renouvelables dans la consommation totale.
Comme l’indique un communiqué publié hier par l’Union européenne, la commission parlementaire a adopté, à une large majorité, un rapport d’initiative élaboré par Anne Laperrouze, sur la « deuxième analyse stratégique de la politique énergétique » de l’UE, qui figurera à l’ordre du jour du débat du Sommet européen de mars.
Plans d’action d’urgence
A la suite du récent conflit gazier entre la Russie et l’Ukraine, qui a privé de chauffage nombre d’Européens, les députés appellent la Commission européenne à proposer, avant la fin de cette année, une révision de la directive de 2004 relative à la sécurité de l’approvisionnement en gaz. Pour les parlementaires, cette révision devrait notamment comprendre des « plans d’actions d’urgence efficaces et obligatoires au niveau national et communautaire » prévoyant une déclaration commune en cas de situation d’urgence, l’attribution de ressources et de capacités d’infrastructure aux pays touchés, une répartition coordonnée, et l’activation de mesures d’urgence dans les pays non affectés ou moins touchés, afin d’accroître les quantités de gaz à la disposition des marchés lésés.
Les députés ont également souligné que l’UE doit se doter d’installations de stockage gazier permettant une fourniture rapide et qu’il faut mettre en place un réseau européen unique reliant tous les États membres de l’UE. Il convient également, selon le rapport, de développer les interconnexions, tant pour le gaz que pour l’électricité, à travers l’Europe centrale et du Sud-Est selon un axe nord-sud et en particulier d’intégrer la région de la mer Baltique dans le réseau ouest-européen.
Nouvel accord de partenariat avec la Russie
Pour les députés, même en mettant en ?uvre d’ambitieux plans d’économie d’énergie, l’Europe restera selon toute probabilité dépendante, à moyen terme, de pays tiers pour son approvisionnement en énergie fossile. Actuellement, l’UE importe 50% de l’énergie qu’elle consomme, une proportion qui pourrait monter à 70% d’ici à 2030. La commission est favorable à des négociations en vue de la conclusion d’un nouvel accord à large spectre remplaçant l’accord de partenariat et de coopération signé en 1997 avec la Russie, pays qui fournit à l’UE 42% de son gaz et plus de 30% de son pétrole brut.
La commission soutient également des projets visant à diversifier les canaux d’approvisionnement comme le projet Nabucco, le TGI (Turquie-Grèce-Italie) et le South Stream. A plus long terme, lorsque les conditions politiques le permettront, les approvisionnements provenant d’autres pays de la zone caspienne tels que l’Ouzbékistan et l’Iran devraient, selon les députés, constituer une importante source d’approvisionnement supplémentaire pour l’UE.
Les députés soulignent qu’une capacité suffisante de gaz naturel liquéfié (GNL) est indispensable, ce qui veut dire que les infrastructures de liquéfaction situées dans les pays producteurs, les terminaux de GNL et les systèmes de regazéification depuis les navires dans l’UE devraient être disponibles dans tous les États membres.
Objectifs de lutte contre les GES
Les membres de la commission de l’industrie appellent aussi les chefs d’État européens à adopter de nouveaux objectifs en matière de lutte contre le changement climatique à atteindre pour 2050: réduction de 60 à 80% des émissions de gaz à effet de serre, amélioration de 35% de l’efficacité énergétique et part des renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’UE portée à 60%.
Économiser l’énergie est le moyen le plus efficace et le moins cher d’améliorer la sécurité énergétique, estiment les députés qui invitent la Commission et les États membres à adopter immédiatement un objectif juridiquement contraignant d’amélioration de l’efficacité énergétique de 20% au moins d’ici à 2020. Les deux autres objectifs pour 2020 – réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre et augmentation de 20% de la part des énergies renouvelables – ont d’ores et déjà été fixés dans la législation communautaire sur le changement climatique adoptée en décembre 2008.
Énergie nucléaire « au plus niveau de sécurité possible »
La commission juge important que l’énergie nucléaire continue de figurer dans le bouquet énergétique de l’UE et invite la Commission à élaborer une « feuille de route spécifique pour les investissements nucléaires« . Les députés insistent sur le fait que l’énergie nucléaire doit être utilisée « au plus haut niveau de sécurité technologiquement possible« , ajoutant que les pays voisins de l’UE eux aussi devraient respecter les normes de sécurité nucléaires européennes à chaque fois qu’ils projettent de construire ou de moderniser une centrale nucléaire.
De plus, les députés sont d’avis que la Commission et le Conseil devraient mettre au point avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) des modèles et des procédures communs pour éviter que l’usage pacifique de l’énergie nucléaire conduise à la prolifération d’armes nucléaires.
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