Marc Sénant, chargé de mission au Pole Industrie-Produits-Service (IPS) du collectif écologiste France Nature Environnement, et responsable des études et investigations dont procède le rapport « Zero Mercury » qui révèle des niveaux très élevés de pollution sur certains sites industriels français.
Pourquoi avez-vous réalisé cette étude ?
Cette étude fait suite à une volonté politique internationale plus globale qui a débuté aux débuts des années 2000. En effet, depuis déjà plusieurs années, il existe un consensus scientifique internationale sur la dangerosité du mercure, avec une volonté politique forte de réduire les expositions des populations à ces polluants.
Cette question est inscrite au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et Barak Obama s’est également positionné sur cette question en 2008. A titre d’exemple, le problème du mercure sera au programme du prochain rendez-vous du PNUE qui se tiendra dans les prochains jours à Nairobi.
Dès 2005, consciente de ce danger, l’Union Européenne a demandé aux pays membres de réduire toutes les sources possibles d’émission de mercure. Intégrée à la politique du BEE (Bureau européen de l’environnement), France Nature Environnement a donc commencé fin 2007, à travailler dessus pour mettre en place une étude sérieuse sur la question.
Quels sont les principaux résultats ?
Il existe un décalage entre la volonté politique affirmée par les pouvoirs publics et sa traduction dans les faits. Pour rappel, la France a ainsi décidé en 2007 de reporter de 10 ans l’application de la directive mercure qui devait en principe s’appliquer à partir de 2010.
En France, six sites chloriers continuent à utiliser le procédé d’électrolyse à cathodes de mercure. Il existe des sites industriels au passé très lourd en matière de pollution. En Alsace, par exemple, du côté de Strasbourg, on sait qu’un site a libéré 160 tonnes.
Il y a encore peu, certains sites français avaient l’autorisation de rejeter 1 tonne de mercure dans l’air par an. Ces plate formes chimiques qui s’étendent sur des hectares, rejettent de nombreux types de polluants. Sur le site d’Arkema à Jarrie dans l’Isère, on a eu le vertige à lire le relevé des cadrans.
Quel était le principal objectif ?
Nous n’avons pas prétention à remplacer une étude purement scientifique. On a pris une photo et on est inquiet. Nous demandons aux pouvoirs publics de se charger de cette question. On joue pleinement notre rôle d’alerte pour définir un plan de stratégie globale sur ces sites sensibles.
Nous ne demandons pas la fermeture de ces sites. Mais des alternatives existent, il faut faire des choix ambitieux pour conserver les emplois sur ces sites. Chez Solvay, par exemple, ils ont une pratique transparence, avec une stratégie d’investissement intéressante en misant sur de nouvelles technologies innovantes plus propres et offrant des gains en terme de compétitivité.
Chez Arkema, on a voulu vérifier sur le terrain les professions de foi du groupe en matière de respect de l’environnement et de développement. Or, dans la réalité, les responsables du site ont tout fait pour nous empêcher d’effectuer nos relevés, alors que nous étions sur le domaine public.
Quelle a été la réaction d’Arkema ?
Ils ont bien entendu remis en cause nos relevés. Nous étions à 30 m du site, et on voyait directement le niveau sous les yeux. Mais leur indices ne sont pas les mêmes, car ils ne s’intéressent aux niveaux réels de rejets dans l’air.
Ces résultats inquiétants vont-ils faire bouger les choses ?
Une analyse contradictoire est déjà programmée avec les pouvoirs publics dans le courant de l’année. Mais nous demandons également une étude épidémiologique, plus compliquée à réaliser mais néanmoins indispensable.
> Pour en savoir + : Rapport « Zero Mercury » (pdf)
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