Philippe Joudrier, pr�sident du groupe d’experts sp�cialis� Biotechnologies � l’Afssa, l’Agence fran�aise de s�curit� sanitaire des aliments, vient de signer avec une vingtaine d’experts scientifiques un communiqu� qui d�nonce le d�nigrement dont ils s’estiment l’objet, sur la question des OGM.
Pourquoi avoir ressenti le besoin de prendre la parole ?
Le 13 f�vrier dernier, Le Figaro a publi� en avant premi�re un avis de l’Afssa, sur le rapport Le Maho, qui avait servi d’argumentaire scientifique pour l’Etat fran�ais afin de justifier sa clause de sauvegarde. Cet avis conclut pour la seconde fois d’ailleurs, depuis celui du 30 avril 2008, � l’absence de danger av�r� pour la sant� du ma�s MON810.
En l’esp�ce, nous avons� rendu un avis sur le seul volet sanitaire du rapport Le Maho qui ne concernait pas exclusivement ce ma�s. Mais l’avis, nous avons �t� amen� � redonner la conclusion �mise sur le ma�s MON810 en avril 2008, consid�rant qu’il n’�tait pas plus dangereux que sa contrepartie non OGM.
Finalement, rien de nouveau dans le nouvel avis de l’Afssa ?
Non, mais ce qui est un peu lamentable, c’est que lors de la publication de l’avis sur le renouvellement du MON810 en avril 2008, il n’y a eu aucune r�action. Aucune organisation, surtout parmi les anti-OGM ne s’�tait prononc�e contre cet avis ou m�me n’avait fait le moindre commentaire.
Curieusement, avec cet avis sur ce rapport Le Maho, c’est tout d’un coup un d�ferlement de qualificatifs assez �c?urants, de propos vilipendieux notamment des anti-OGM. On nous accuse d’�tre vendus aux semenciers, de travailler sous leur pression et tout cela commence � bien faire. C’est ce que nous avons tenu � affirmer dans notre communiqu�.
Nous sommes ind�pendants. Personne ne nous dicte ce que nous avons � dire. Nous produisons tous des d�clarations publiques d’int�r�t, que tout le monde peut aller consulter sur le site de l’Afssa, et contr�ler nos suppos�s liens avec les industriels. Il y a peu d’organismes d’expertise qui peuvent se vanter de cela.
Quelle a �t� la position de l’Afssa vis-�-vis de votre prise de parole ?
L’Afssa soutient compl�tement ses experts. Pascale Briand (NDLR : directrice g�n�rale de l’Afssa) dans un article du Figaro a fait part de sa forte pr�occupation vis-�-vis des attaques dont nous sommes victimes, en pr�cisant qu’elle comprenait notre agacement. Elle a soulign� la qualit� de notre expertise pluridisciplinaire, collective, et ind�pendante, pr�cisant qu’elle ne pouvait �tre mis en doute, sur les OGM comme sur tous les autres dossiers qui nous sont soumis.
La publication de cet avis par la presse avant l’Afssa elle-m�me n’a-t-elle pas cr�� un climat de suspicion ?
J’esp�re que les r�actions concernent plus le fond que la forme. Cet avis devait �tre publi� le 20 f�vrier, donc une semaine seulement apr�s l’article du Figaro. On a parl� de secret, c’est du grand n’importe quoi.
Lorsqu’on rend un avis, il s’�coule toujours un d�lai administratif d’environ un mois, avant que la directrice de l’Afssa ne signe l’avis, ce qui est compr�hensible. Pendant cette p�riode, il y a souvent quelques petits allers et retours pour changer des virgules. Il faut savoir que Pascale Briand doit avoir 700 � 800 avis � signer par an, soit une moyenne de 2 avis par jour.
De plus, il existe une sorte de d�lai l�gal, commun�ment admis pour n’importe quel avis. Il faut compter toujours 3 � 4 semaines avant qu’il soit rendu public. Tout �a pour une raison �vidente, c’est que l’avis est transmis au demandeur, sachant que l’Afssa ne fonctionne que sur saisine. Il s’agissait en l’esp�ce d’une saisine de la Direction g�n�rale de la Sant�. C’est donc eux qui ont eu la primeur de l’avis.
Votre position est-elle la m�me que celle de l’Agence europ�enne de s�curit� des aliments (EFSA) ?
Dans la proc�dure d’�valuation des OGM, le d�p�t du dossier d’un demandeur se fait � l’EFSA, et l’agence europ�enne demande l’avis aux Etats membres, avec une proc�dure � respecter. Nous avons 90 jours pour r�pondre. Si un pays ne r�pond pas, tant pis pour lui. S’agissant des conclusions, elles sont effectivement tr�s proches, sinon quasiment � celles de l’EFSA.
Que pensez de l’argument environnemental avanc� par la France pour justifier sa clause de sauvegarde ?
Nous n’avons �t� interrog� que sur la question sanitaire. Nous n’avions aucun avis � donner sur l’aspect environnemental, car cet aspect ne fait pas partie de nos missions, et ne nous a donc pas �t� demand�.
A votre connaissance, y-a-t-il un organisme qui a �t� sollicit� pour r�pondre � cette question environnementale ?
C’est un peu le bazar depuis le Grenelle de l’environnement, la CGB (Commission du G�nie du Mol�culaire), l’organisme en principe habilit� � r�pondre � cette question, n’existe plus. Mais, pour rappel, cela fait donc d�j� une dizaine d’ann�es que cet OGM est dans l’environnement, puisqu’il avait �t� autoris� pour une premi�re p�riode de 10 ans, avant que nous nous prononcions en faveur du renouvellement de son autorisation en avril 2008, et ce, � ma connaissance, il n’a pas caus� quelques dommages environnementaux que ce soit et ce partout dans le monde depuis sa mise en culture.
Apr�s, les d�cisions sont toujours politiques, et c’est le ministre de l’agriculture qui d�cide. Des organismes comme l’Afssa sont surtout l� pour �clairer la d�cision politique.
Vous affirmez que ce ma�s OGM ne repr�sente pas de risque pour la sant�, la connaissance scientifique est-il suffisante pour �tre aussi affirmatif ?
Pour quelles raisons un OGM serait a priori dangereux ? Est-ce que vous croyez que les vari�t�s conventionnelles sont naturelles ? Elles sont principalement obtenues par croisement. Depuis le d�but, le d�bat sur les OGM est tronqu� et bas� sur des mensonges or, malheureusement, les scientifiques ne r�agissent pas suffisamment.
Dans ce d�bat, n’�tes vous pas victime de votre silence face � la pression m�diatique des anti-OGM ?
C’est �vident, m�me si les m�dias donnent peu la parole aux scientifiques. Par exemple, il existe environ 2.500 vari�t�s de plantes commercialis�es dans le catalogue international des vari�t�s de l’AIEA. Ces vari�t�s sont principalement obtenues par radiation ionisante, rayons gamma ou X, ce que les gens ignorent.
Sur ces vari�t�s qui sont mises sur le march�, il n’y a aucun contr�le, de toxicologie, ni m�me d’�quivalence en substance. A contrario, il n’y a rien de plus contr�l� qu’un OGM qui est mis sur le march�. Les OGM ne sont que des nouvelles vari�t�s obtenues par un nouvel outil. Sans �tre un pro OGM, tr�s rationnellement, je pr�f�re dans tous les cas, manger quelque chose qui a �t� contr�l� plut�t que quelque chose qui ne l’a pas �t�.
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