Philippe d’Adh�mar, pr�sident de REVIPAP, groupement professionnel des papetiers utilisateurs de papiers recyclables qui regroupe plus de 40 entreprises exploitant une cinquantaine de papeteries en France, recyclant environ 95% des papiers et cartons fran�ais.
Apr�s la brutale chute des cours des papiers cartons recycl�s fin 2008, la situation s’est-elle redress�e ?
Les papiers cartons r�cup�r�s (PCR) avaient enregistr� des mouvements � la hausse relativement importants. Il y a eu effectivement un effondrement des cours � l’automne dernier pour descendre � des prix proches de z�ro, voire m�me n�gatifs sur certains types de PCR. Depuis ce trou d’air, les prix se sont redress�s. Les exc�s ont �t� corrig�s et les cours sont d�sormais sur une pente ascendante.
A l’image de l’immobilier ou de la finance, peut-on consid�rer que le secteur des PCR avait �galement g�n�r� une bulle qui a �clat� ?
Oui, on peut parler de bulle en ce sens qu’il y a eu une crainte du manque. Finalement, quasiment aucune papeterie n’a jamais manqu� de papier � recycler, dans le monde. Mais nous avons connu une forte augmentation des capacit�s de production des machines � papier en Asie. Or, les asiatiques ach�tent de fa�on irr�guli�re avec des phases ou ils constituent des stocks, et des phases ou ils d�stockent.
L’Asie notamment a cr�� la surchauffe en se constituant des stocks importants. Il faut savoir que les PCR ont un caract�re in�lastique. Les prix ont beau augmenter, on ne va pas pouvoir mettre sur le march� un volume n�cessairement plus important. Donc le march� en a demand� plus et il n’a pas �t� satisfait ce qui a cr�� la surchauffe.
Et tout d’un coup, � l’automne, la Chine a stopp� ses achats. Les asiatiques repr�sentent un volume de 500.000 tonnes par an, rien que pour la France, sur 7 millions de tonnes collect�es, ce qui �quivaut environ � 7 � 8% du march�. Et dans le m�me temps, les fran�ais et les europ�ens ont ralenti leurs achats de 5 � 15% leur production et donc leurs besoins.
Alors que les PCR ont continu� � �tre g�n�r�s, les achats ont donc brutalement chut�, avec une offre toujours importante. Les prix se sont donc �croul�s.
Pourquoi les prix se sont-ils redress�s alors que la crise est toujours l� ?
Si le march� des PCR n’est pas �lastique, le c�t� positif c’est que l’offre et la demande se r��quilibre naturellement, m�me si cela ne se fait pas du jour au lendemain. Les papetiers ont achet� moins de PCR, car ils enregistraient moins de commandes, en raison d’une consommation en baisse. Mais logiquement, avec une consommation moins forte, cela g�n�re moins de papier carton � trier et � recycler, et donc naturellement une offre qui diminue.
D�sormais, � ma connaissance, il n’y a plus aucun probl�me d’�coulement. Les prix se sont tr�s largement redress�s, et ce n’est pas parce que l’�conomie est repartie. Les papetiers ne produisent pas plus qu’au dernier trimestre 2008, mais l’offre de mati�re � recycler est moins importante ce qui r��quilibre les cours.
Est-ce que les cours actuels sont suffisants solides pour redresser une fili�re fragilis�e ?
Quand les prix montent trop hauts, ce n’est pas bon, et quand ils descendent trop bas, cela n’est pas bon non plus. Tr�s simplement, lorsque les cours sont tr�s hauts, les papetiers subissent directement le co�t �lev� de cette mati�re premi�re, p�nalisant d’autant leur rentabilit�, sachant que les machines � papier sont des investissements consid�rables. Et m�me cette situation est int�ressante financi�rement � court terme, elle n’est pas bonne pour les r�cup�rateurs � moyen et long terme, car cela fragilise la production, et donc ses clients.
Quand les prix descendent trop bas, cela remet en cause l’�conomie de la r�cup�ration et du recyclage. Cette situation met en danger la fili�re du tri et les efforts entrepris autant par les collectivit�s que les particuliers et les �co-organismes depuis des ann�es. Cela d�cr�dibilise un syst�me, en insinuant qu’il n’y a pas d’�conomie r�elle derri�re l’�conomie du recyclage, et donc qu’on trie pour rien.
Comment vont les acteurs de la fili�re PCR ?
Nous enregistrons toujours une consommation en retrait de 5 � 15% en raison de la crise. Cette conjoncture n�gative g�n�re des surcapacit�s de production, et donc une offre sup�rieure � la demande. Les prix de vente ne sont pas bons, et les craintes concernant l’industrie papeti�re sont fond�es.
L’industrie papeti�re est clairement fragilis�e, et de nombreuses papeteries souffrent actuellement, surtout que les capacit�s de production se sont beaucoup d�velopp�es ces derni�res ann�es, notamment en Allemagne, ce qui rajoute une pression suppl�mentaire sur le march�.
Et c�t� recycleurs ?
Ils ont �videmment souffert de cet effondrement des prix m�me s’ils se sont redress�s pour partie. Les r�cup�rateurs touchent une r�mun�ration double. Celle fournie par l’industrie papeti�re qui rach�te la mati�re premi�re recycl�e, et celle de la prestation de services en tant que r�cup�rateur, ce qui est tout � fait l�gitime car il s’agit d’un traitement de d�chets qui lui redonne une valeur. Donc les recycleurs ont �t� affect�s financi�rement seulement pour partie.
Quels sont les perspectives pour 2009 ?
Les exc�s sont en train d’�tre corrig�s. Le point bas s’est situ� en fin d’ann�e en novembre et d�cembre. Depuis, chaque mois, les cours se redressent. Encore une fois, ce redressement ne s’explique pas par une �conomie qui red�marrerait mais tout simplement en raison du caract�re circulaire de cette �conomie, qui naturellement s’�quilibre.
Quelle est le niveau du recyclage des papiers cartons en France ?
En 2000, nous �tions tr�s en retard avec un taux de seulement 46,5% alors que l’Allemagne �tait � 70%. Gr�ce aux efforts faits par les uns et les autres, on est arriv� � 63,5% en 2007 et 64,3% en 2008. La France a donc fait �norm�ment de progr�s. Donc cette volatilit� des mati�res premi�res n’est pas bonne du tout et fragilise cette fili�re.
Or le recyclage, �a a du sens. C’est 7 millions de tonnes de papier carton collect�es en France et 6 millions de tonnes recycl�es. On consomme en France, 11 millions de tonnes de papier, de journaux, d’emballages, dont encore 10 millions qui sont produites dans l’hexagone. L’industrie papeti�re est toujours bien pr�sente en France, � la diff�rence par exemple de l’industrie textile qui a quasiment disparue. Essentiellement parce que les papeteries utilisent une mati�re premi�re locale.
Est-ce la crise pourrait remettre en cause l’objectif de 66% de PCR fix� pour 2010 ?
Il n’y a pas de raison. La part du recycl� dans la production de papiers cartons continue d’augmenter. En raison de la crise, il est clair qu’on collecte moins de volume, c’est m�me la premi�re fois depuis longtemps qu’on r�cup�re moins de tonnes, mais en pourcentage, cela ne devrait pas baisser. Donc normalement, nous devrions pouvoir tenir cet objectif.
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