Apr�s le tragique tremblement de terre du 6 avril dernier � L’Aquila, dans les Abruzzes, une pol�mique s’est engag�e en Italie � la suite d’informations sur la pr�diction de ce s�isme par un scientifique travaillant � l’Observatoire National du Gran Sasso, sur la base de mesures de la teneur en radon (gaz radioactif provenant de la d�croissance d’�l�ments radioactifs naturels contenus dans les sols).
L’IRSN, dont des travaux d�j� anciens ont �t� �voqu�s dans le d�bat suscit� par cette pr�diction, et qui participe � des recherches sur l’influence des contraintes m�caniques sur l’�mission de radon dans les ouvrages souterrains, pr�sente son point de vue sur les relations entre d�gagement de radon et activit� sismique, � la lumi�re des �l�ments publi�s � ce sujet.
La toute premi�re observation d’un signal � radon � consid�r�, a posteriori, comme annonciateur d’un tremblement de terre, remonte � plus de quarante ans. Ainsi, � compter du s�isme de Tachkent (1966) en Ouzb�kistan, de tr�s nombreux enregistrements ont mis en �vidence des variations inhabituelles de la teneur en radon des gaz pr�lev�s dans les sols ou les eaux souterraines, avant ou pendant les tremblements de terre survenus dans la plupart des r�gions sismiques du globe.
Pr�curseurs dans le premier cas, � co-sismiques � dans le second, ces signaux sont parfois �galement enregistr�s apr�s les secousses sismiques ou encore seulement corr�l�s aux r�pliques. La forme et la dur�e de telles � anomalies � sont extr�mement variables et �chappent, jusqu’� pr�sent, � toute th�orie d�ment valid�e.
Gaz radioactif
Le radon est un gaz radioactif form� en permanence dans les profondeurs de la cro�te terrestre jusque dans les sols les plus superficiels, du fait de la pr�sence naturelle d’uranium ou de radium, m�me en traces, dans toutes les formations rocheuses. Pour l’essentiel, il dispara�t dans le sous-sol,
par d�sint�gration radioactive non loin de l’endroit o� il est apparu, sa demi-vie n’�tant que de 3,8 jours. Une tr�s faible fraction du radon form� dans la cro�te terrestre parvient toutefois � s’�chapper dans l’atmosph�re.
Les variations des teneurs en radon enregistr�es dans les zones sismiques indiquent clairement que la circulation des fluides souterrains gazeux ou liquides ? et du radon qu’ils transportent ? est affect�e par les contraintes et les d�formations qui pr�parent ou accompagnent les tremblements de terre. Mais, passer de ce constat � une v�ritable pr�vision supposerait que l’on sache associer � l’observation d’un signal � radon �, la profondeur du foyer, l’�picentre et la magnitude du s�isme qu’il pourrait annoncer, le tout dans une � fen�tre temporelle � suffisamment �troite pour permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures de protection des populations dans la zone menac�e (�vacuation pr�ventive par exemple).
Aucune pr�cision
H�las, rien de tout cela n’appara�t actuellement � la port�e des scientifiques qui, en Asie, en Europe ou en Am�rique, dans de nombreux pays expos�s aux risques sismiques, oeuvrent pour mettre en �vidence des corr�lations utilisables entre teneur en radon et activit� sismique. Les m�canismes physiques � l’origine des teneurs inhabituelles en radon ne sont encore que partiellement connus, de m�me que les caract�ristiques qui font qu’un site de mesure est sensible aux perturbations induites par un s�isme qui se pr�pare, alors qu’un site voisin ne l’est pas.
Les cavit�s souterraines naturelles ou cr��es par l’homme font incontestablement partie des sites a priori sensibles et constituent donc de bons candidats pour l’�tude des pr�curseurs sismiques. Tel est, par exemple, le cas d’une ancienne galerie souterraine creus�e dans le massif du Beaufortain, en Savoie, que le Commissariat � l’Energie Atomique a instrument�e depuis 1995 : des chercheurs du CEA, de l’IRSN et de l’Institut de Physique du Globe de Paris y testent, avec un certain succ�s, l’hypoth�se selon laquelle les contraintes m�caniques induites par la mise en eau saisonni�re du lac artificiel de Roselend provoquent des variations de la teneur en radon dans l’atmosph�re de la galerie, situ�e � proximit�.
Laboratoire proche de L’Aquila
C’est aussi le cas du laboratoire souterrain install� dans le tunnel du Gran Sasso, tout proche de la ville de L’Aquila frapp�e le 6 avril par un s�isme de magnitude 6,3, et d’o� est partie la pr�diction controvers�e. Pour un tel laboratoire, d�di� � l’�tude des particules �l�mentaires, et qui pour cette raison est abrit� des rayons cosmiques par une �paisse montagne, le radon constitue une g�ne, car il parasite les d�tecteurs. Ce laboratoire, tout comme son homologue fran�ais, le Laboratoire souterrain de Modane dans le tunnel du Fr�jus, est �quip� d’instruments de mesure du radon extr�mement sensibles. Situ� dans une zone � forte sismicit�, � proximit� imm�diate d’une faille active, le Laboratoire National du Gran Sasso est �galement bien plac� pour d�tecter d’�ventuelles variations des teneurs en radon en lien avec le cycle sismique r�gional. Tel fut d’ailleurs le cas lors du s�isme d’Assise, en septembre 1997.
Pareilles constatations font progresser les connaissances scientifiques et sont porteuses d’espoir, pour les chercheurs comme pour les populations concern�es. Mais, faute d’un nombre suffisant d’observations concordantes, et surtout d’une bonne compr�hension des m�canismes qui donnent naissance aux signaux observ�s, passer de ces observations � des pr�visions op�rationnelles serait pr�matur�. Par ailleurs, aucune des donn�es sur lesquelles a �t� fond�e la pr�diction du terrible s�isme des Abruzzes n’a �t� jusqu’� pr�sent diffus�e dans le monde scientifique.
Indice int�ressant
A L’Aquila, tout comme � Kobe au Japon en 1995, ou encore � Tachkent en 1966, le radon ne fournit sans doute qu’un indice parmi d’autres. Cet indice montre toutefois que la pr�vision des catastrophes telluriques, bien qu’encore hors d’atteinte, est un objectif scientifique qui m�rite d’�tre poursuivi.
Commentaires récents