Michel Rocard a remis hier officiellement son rapport sur la contribution climat énergie à Christine Lagarde et Jean-Louis Borloo. Si le principe de cette taxe carbone fait plutôt consensus, elle devient un vraie casse-tête dans son application tant les situations sur le terrain sont diverses entre Paris et la Province, les activités de services et l’industrie, les ménages aisés et les plus défavorisés.
« C’est une mesure de survie pour l’humanité, que nous espérons rendre juste », a affirmé un Michel Rocard, aux accents lyriques et graves. Comme prévu, le gouvernement a reçu mardi le rapport Rocard sur la contribution climat énergie. Christine Lagarde et Jean-Louis Borloo ont tenté de rassurer les Français sur les mécanismes de compensation de cette nouvelle taxe.
Car plus que l’opportunité de cette nouvelle taxe, c’est la question du maintien du pouvoir d’achat des ménages qui est au coeur des préoccupations, surtout en pleine crise économique. Un échec dans ce domaine risquerait de casser l’élan écologiste lancé par le Grenelle de l’environnement.
Selon les chiffres évoqués, et notamment sur la base des 32 euros la tonne de CO2, le coût de la taxe carbone pourrait varier du simple au triple selon que les ménages se chauffent au gaz en appartement, ou au fioul en maison individuelle. Du côté des entreprises, si pour les services, la taxe ne devrait représenter pas plus de 0,07 % de la valeur ajoutée, elle pourrait attendre 1 % dans l’industrie. De manière concrète, il est fort probable que les grands perdants de cette taxe soient les provinciaux, roulant au diesel, se chauffant au fioul.
La taxe carbone sera « entièrement compensée pour les ménages les plus modestes » promet Jean-Louis Borloo, particulièrement optimiste. Plus simple à dire qu’à faire, tant les situations s’avèrent différentes sur le terrain, entre un foyer qui réside à Paris, bénéficiant d’un réseau performant de transport en commun, et un foyer situé en province, en pleine campagne dans la Creuse, sans autre moyen de transport que des véhicules encore loin d’être « décarbonés ».
Une « révolution fiscale » selon Michel Rocard
Plein d’enthousiasme malgré ses 79 ans, Michel Rocard estime que cette taxe est une « révolution fiscale équivalente à celle de l’impôt sur le revenu et de la TVA ». Mais lucide, l’ancien Premier ministre reconnait que sa mise en place sera compliquée dans un pays « qui déteste les réformes fiscales et ne les accepte qu’infinitésimales et marginales ».
Car si l’objectif fixé par cette contribution est relativement simple et louable, à savoir contribuer à accélérer la révolution verte en taxant l’ensemble des énergies fossiles comme le pétrole, le gaz et le charbon, sur une base de 32 euros la tonne dès 2010, sa mise en place est nettement plus complexe et explosive. Prudente, Christine Lagarde estime que « C’est le début d’une réflexion et d’une consultation plus larges ».
« L’idée générale est que c’est bon pour le pouvoir d’achat des ménages » n’hésite pas à déclarer Jean-Louis Borloo, rompu à la méthode Coué. Un ton résolument optimiste qui est très loin partagé. Vigilante, l’association de consommateurs Que Choisir est déjà montée au créneau en dénonçant cette nouvelle fiscalité qui plombera encore un peu plus le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes.
Un « hold-up fiscal » pour l’association Que Choisir
Pour l’association, cette taxe est « un hold-up fiscal sur le mode de la vignette automobile des années 1960-1970 : le caractère partiel et conditionné des compensations a une conséquence indiscutable : l’Etat va prélever plusieurs milliards d’euros sur les consommateurs, leur restituera une partie et en gardera une part substantielle pour son budget général ou pour baisser les taxes sur les entreprises. »
Chez les principaux partis politiques, si le principe de cette taxe ne choque pas, on reste très réservé sur son application. « C’est la première fois que l’on touche à la fiscalité écologique et ça, c’est une bonne chose. Mais nous serons vigilants », a affirmé Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts. Pour Christian Jacob, président UMP de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée « Il ne doit pas y avoir chez les Français la moindre suspicion ». Autant dire qu’il y a encore du travail…
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