Christophe Arena, animateur national du réseau Sentinelles et animateur régional pour les régions PACA, Languedoc et Corse. Le réseau Sentinelles fédère 1 300 médecins généralistes libéraux bénévoles et volontaires répartis sur le territoire métropolitain français, afin de proposer une veille sanitaire continue.
Quelle est la situation de la France vis à vis du virus responsable de la grippe A ?
Via le réseau Sentinelles, nous avons une vision clinique de la grippe A. Pour la semaine 37 (semaine du 7 au 13 septembre, NDLR) la France a dépassé pour la première fois le pic épidémique. Si le ministère de la Santé a d’ores et déjà annoncé le début de l’épidémie, de notre côté, nous préférons attendre un dépassement du seuil épidémique durant 2 semaines consécutives pour confirmer cette épidémie.
Quelle catégorie de population est la plus touchée par le virus ?
Sur les dernières semaines d’observation, la population touchée est relativement jeune, puisque la moitié des personnes contaminées avaient moins de 20 ans la semaine dernière, et plus globalement, moins de 30 ans les semaines précédentes. Un quart des cas concerne des enfants de moins de 11 ans et la moitié touche des enfants de moins de 7 ans. Ces données confirment le fait que la grippe A H1N1 touche beaucoup moins les personnes âgées que la grippe saisonnière classique.
Avez-vous constaté des complications spécifiques ?
D’une façon générale, les complications observées pour l’instant sont assez bénignes. Au réseau, depuis le début de l’activité du virus, nous ne recensons pas de gravité particulière chez les cas rapportés. Seul un cas nous a été signalé portant une certaine gravité. Nous sommes donc bien en deçà du seuil de 1%, correspondant à une épidémie considérée comme grave.
Nous bénéficions de l’expérience des pays de l’hémisphère sud qui viennent de sortir de l’hiver, où très peu de complications particulières ont été enregistrées.
Cette nouvelle grippe engendre-t-elle des symptômes différents de ceux d’une grippe saisonnière « classique » ?
A priori, il n’y a pas de différence. La seule différence notable est que chez les personnes les plus fragiles, et donc les plus à risques, le virus H1N1 pénètre plus en profondeur dans les voies respiratoires. La grippe « classique » touche les voies respiratoires hautes tandis que ce nouveau virus a la possibilité de descendre un peu plus bas et d’entraîner certaines complications, mais il faut redire que cela est très rare.
Le virus H1N1 va-t-il anéantir le virus de la grippe « classique » cet hiver ?
L’expérience de l’hémisphère sud a montré que les virus saisonniers ont circulé en même temps que le virus pandémique mais en revanche, il est clair que ce dernier a pris le dessus sur tous les autres. Toutefois, fort de ce constat, on peut s’attendre à voir circuler nos virus saisonniers comme les autres années.
Qu’en est-il de la propagation du virus, la courbe risque-t-elle de devenir exponentielle ?
Il est dur de faire des prévisions. Le réseau Sentinelles réalise en effet ses prévisions en fonction de la situation actuelle et de ce que nous avons observé ces 15 ou 20 dernières années. Or, de ce point de vue, c’est bien évidemment une année un peu particulière.
Toutefois, il n’y a pas de raison que la courbe redescende d’un coup. Cela ne peut qu’augmenter mais dans quelles proportions, malheureusement, seul l’avenir nous le dira. Encore une fois, l’expérience de l’hémisphère sud nous montre que la courbe augmente assez rapidement, mais, elle redescend également tout aussi rapidement.
Lorsqu’un proche présente les symptômes du virus, que doit-on faire concrètement ?
Au sein même d’une famille, c’est difficile, surtout si la personne touchée est un enfant. Dans la mesure du possible, il faudrait toutefois l’isoler le plus possible, éviter au maximum les contacts et utiliser des masques. La personne touchée doit se moucher dans des mouchoirs jetables et les jeter immédiatement dans une poubelle bien fermée.
Mais il est vrai que dans les fratries, cela devient compliqué. Le virus est très virulent et la contamination très facile. Il est rare que si quelqu’un l’attrape au sein d’un foyer, les autres ne l’attrapent pas.
Au delà d’une fragilité clinique due à certaines pathologies, une personne saine mais fatiguée a-t-elle plus de risque d’être malade ?
L’état de santé au moment du contact avec le virus peut effectivement faciliter ou rendre plus difficile son intrusion. Tout cela va de pair avec la performance du système immunitaire. Un bon sommeil, une bonne nutrition équilibrée, peuvent renforcer l’immunité et aider l’organisme à lutter contre le virus.
Savez-vous s’il existe en France des « grippe party » comme cela se fait en Angleterre, où des personnes se contaminent volontairement afin d’être immuniser en cas de mutation plus sévère du virus ?
Il semblerait que cette « pratique » ne soit restée qu’anglaise. Il est dommage que les adeptes de ces soirées ne se laissent pas de chance d’échapper au virus. De plus, ils risquent de contaminer par la suite des personnes plus fragiles.
Par ailleurs, en cas de mutation du virus, ces personnes ne seront pas protégées contre le nouveau virus. Il n’est donc pas recommander d’avoir cette attitude.
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