Vincent Courtillot, directeur de l’Institut de Physique du Globe et membre de l’Académie des Sciences. Ancien directeur de la recherche universitaire de Lionel Jospin et conseiller spécial de Claude Allègre, alors ministre de l’Education, Vincent Courtillot vient de publier son dernier ouvrage « Nouveau voyage au centre de la Terre » (septembre 2009 – Odile Jacob) dans lequel il remet en cause les conclusions du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sur le réchauffement climatique.
Géologue reconnu, pourquoi vous intéressez-vous à la question climatique depuis quelques années ?
Je suis géologue, spécialiste de la terre interne et ce qui me passionne c’est la dérive des continents, le noyau, le champ magnétique. Au cours de mes études, je me suis aperçu que l’atmosphère était très fortement influencée par la terre solide. A l’origine, l’atmosphère est avant une production de la terre solide.
Etudiant les rapports entre le magnétisme et le soleil, je me suis aperçu qu’il existait des tas d’indicateurs qui suivaient de manière remarquable les variations du soleil depuis 100 ans, et c’est à ce stade que nous nous sommes aperçus qu’il existait une forte corrélation avec la courbe des températures au cours de cette même période.
A quelques semaines du Sommet de Copenhague, vous affirmez que la température moyenne baisse depuis 1998, simple provocation ou vraie révélation ?
C’est vrai. Pour le vérifier, il suffit d’aller sur le site web de l’agence météo britannique et des laboratoires qui fournissent les principaux indicateurs climatiques utilisés notamment par le GIEC. On constate que ces courbes actualisées tous les mois, bougent énormément, avec une importante variabilité de la température. Toujours est-il que la température baisse bien depuis 10 ans.
Mais le climat étant défini comme la moyenne de la météorologie sur 30 ans, cette période de 10 ans est encore trop courte pour être certain qu’il s’agit bien d’un changement climatique. Mais en lissant les courbes sur 30 ans, on s’aperçoit que la température était plus faible en 1900 qu’en 2000. Il y a donc bien eu un réchauffement global très faible, de 0,7°C entre le début et la fin du 20e siècle.
On peut donc bien parler de réchauffement climatique au cours du 20e siècle…
Pour constater cette évolution, il suffit de regarder cette courbe depuis 1900, qui n’est pas exponentielle, et qui ne ressemble pas à la courbe du CO2. En gros, la température a monté de 1900 à 1930-1940. Elle a descendu de 1930-1940 à 1970. Elle a monté de 1970 à 1998 qui est l’année la plus chaude du 20e siècle. Et la température descend légèrement depuis 10 ans, c’est-à-dire depuis 1998.
Ca ne veut pas dire que la température ne va pas recommencer à monter, ça veut simplement dire que la courbe de la température n’a pas la forme d’une courbe exponentielle qui monte. Pourquoi, la planète s’est refroidie entre 1930 et 1970 alors que nous dégagions plus de gaz carbonique à cette période qu’avant 1930, et pourquoi la température moyenne s’est arrêté de monter depuis 10 ans ?
Pourquoi affirmez-vous que le soleil joue un rôle majeur dans le changement climatique ?
Qu’a fait le soleil au cours du 20e siècle ? Il a monté de 1900 à 1930, il a descendu de 1930 à 1970, il a monté de 1970 à 1998-2000, et il descend depuis 10 ans. Tous les physiciens du soleil, qui parlent peu aux climatologues, le savent très bien et confirment que le soleil semble rentré dans une période de calme extraordinaire. Or, quand avons-nous connu une période calme de ce type avec le soleil ? C’était au 17/18e, lors d’une période qu’on a appelé le minimum de Maunder, ce que Le Roy Ladurie, a baptisé le petit âge glaciaire.
Les physiciens du soleil ont découvert que le soleil connaît des cycles de 30 à 60 ans, alternativement forts et faibles. Ils affirment que le soleil est rentré dans une phase exceptionnellement faible qui devrait durer 20 à 30 ans. Si les physiciens du soleil ont raison et si j’ai également raison de relier cela à la température, tout en variant énormément d’une année sur l’autre, avec des années chaudes et des années froides, la lente baisse de la température moyenne amorcée depuis 10 ans devrait continuer. Cette tendance devrait s’inverser par la suite dans 10 à 20 ans.
Considérez-vous que les émissions de CO2 comme anecdotiques dans le changement climatique ?
Nous savons qu’une corrélation ne démontre rien, mais le fait que la courbe des températures ressemble plus à la variation du soleil qu’à la courbe du CO2 nous a fait pensé depuis 3 ans que tout le monde avait peut-être trop sur-estimé le rôle du CO2, ce qu’il ne veut pas dire qu’il n’en ait pas, et qu’on avait sous-estimé le rôle du soleil. Nous avons aujourd’hui publié 6 articles sur cette question dans des revues scientifiques internationales.
Plus on travaille sur cette corrélation et plus nous nous apercevons que nous avions manqué des évidences extraordinaires. Le soleil s’exprime dans la température, dans les vents, dans les précipitations, dans tout un tas d’indicateurs climatiques. Au bout de trois et demi de recherches, nous confirmons que, bien que le mécanisme n’ait pas été encore totalement compris, et cela arrive fréquemment en sciences, on pense qu’on sur-estime considérablement le rôle du CO2, qui certes aide à réchauffer mais pas autant qu’on le dit.
Vos travaux remettent en cause directement les conclusions du GIEC, qui font pourtant référence dans le monde entier?
Si vous superposez la courbe de la température aux prédictions du GIEC datées de seulement 2 ans, on constate déjà un demi degré d’erreur, c’est-à-dire pratiquement la valeur de tout le réchauffement du 20e siècle. Une grande partie des prédictions du GIEC n’est pas basée sur des observations, mais sur des modèles informatiques, ce qui peut conduire à de graves déconvenues.
Lors les membres du GIEC ont affirmé qu’ils étaient sûrs à 90% que le CO2 humain est la cause du réchauffement climatique, je prétend que cette croyance, malheureusement très majoritaire, est fausse. Aucune découverte importante du 20e siècle n’a été révélée dans le consensus. Au contraire, les grandes découvertes naissent tout d’abord en étant minoritaires parce qu’elles représentent un rupture par rapport à la pensée commune.
La science est naturellement conservatrice et c’est normal. Pour que cette vision change, il faut arriver à convaincre et cela prend du temps.
Notre planète a-t-elle connu des périodes aussi chaudes que ce siècle dernier ?
Quand on nous dit qu’il n’a jamais fait aussi chaud qu’à présent, c’est absolument faux. Il a fait aussi chaud qu’aujourd’hui trois ou quatre fois, dans les mille dernières années, et en particulier vers l’an 1000, ou le Groenland était vert, où il y avait beaucoup moins de glace que maintenant, où les passages du nord-est et du nord-ouest est probablement ouverts, etc.
Comme le climat doit être analysé sur une échelle d’au moins 30 ans, on ne peut malheureusement pas affirmer des choses sérieuses sans ce recul qui est incompatible avec le rythme médiatique. Il y a par exemple aucune preuve d’augmentation des phénomènes climatiques extrêmes, comme le laissent entendre de nombreux médias.
Si on s’intéresse à la température sur 1 000 ans maintenant, période à laquelle s’est intéressée Michael Mann, on obtient une courbe assez chaude en l’an 1000, qui descend en bougeant un peu jusqu’en 1870, pendant 900 ans, la température descend doucement, et tout d’un coup, depuis 1870 ça remonte jusqu’aux valeurs actuelles. Cette courbe ressemble exactement à une crosse de hockey, d’où son nom.
Elle a été utilisée pour les rapports du GIEC. Le problème, qui a été publié dans Nature en 2007, et cette année par un suédois grâce à un travail remarquable, c’est qu’avant de bénéficier de données précises sur la température au 20e siècle grâce au thermomètre, on utilisait les anneaux d’accroissement des arbres pour estimer la température. Et cette technique a donné lieu à un artefact, avec une sur-estimation de la température.
On s’aperçoit en effet que l’impression d’accélération de réchauffement extraordinaire et sans précédent est le résultat d’une erreur d’interprétation des anneaux des arbres. Je ne comprends pas pourquoi les gens continuent à ignorer cette découverte, qui est pourtant parue dans la littérature scientifique.
Et les courbes en dents de scie utilisées par le GIEC pour illustrer ce réchauffement ?
Jean Jouzel (NDLR : membre du bureau du GIEC) a été pendant des dizaines d’années, un ami et un collègue que j’estime. Il a contribué à des avancées majeures sur le gaz carbonique et la température dans les glaces de l’Antarctique qui resteront marquantes dans l’histoire. Les courbes en dents de scie de la température et du gaz carbonique révélées par Jean Jouzel se ressemblent effectivement énormément toutes les deux. D’où l’idée qu’on a laissé se répandre dans les esprits que le gaz carbonique pilote la température.
Pourtant c’est faux. Le plus fort, c’est que cela a été démontré dans un papier dont Jean Jouzel en est co-auteur. En améliorant leurs données, ils ont montré que c’est la courbe du CO2 suit la courbe de température, avec un retard de 1 000 ans. C’est donc la température qui pilote le gaz carbonique et non pas l’inverse.
Cela ne veut pas dire que le gaz carbonique produit par l’homme ne réchauffe pas. Cela veut dire que prendre les fameuses courbes en dents de scie pour l’explication de ce réchauffement c’est prendre le raisonnement à l’envers. Les deux courbes qui figurent en bonne place dans le rapport du GIEC, la courbe en forme de crosse de hockey de Mann et celle en dents de scie de Jouzel sont respectivement fausses et utilisées à l’envers. C’est incroyable mais c’est comme cela.
Avez-vous le sentiment de prêcher dans le désert ?
Les scientifiques nous prêtent une oreille de plus en plus attentive depuis 3 ans. J’ai découvert qu’il existe des dizaines d’éminents climatologues dans le monde entier, comme Richard Lindzen par exemple, qui pensent la même chose que nous, parfois depuis plus longtemps. Mais il existe une telle chape de plomb au-dessus de la tête de ceux qui osent défendent cette thèse que beaucoup de scientifiques ont peur d’en parler.
Au cours de ma carrière, j’ai été amené à démontrer qu’un volcanisme gigantesque était très probablement responsable d’une extinction en masse d’espèces dont les dinosaures. Depuis, cette théorie a été confirmée pour devenir générale et admise un peu partout dans le monde, et se substituer à celle de l’astéroïde, mais cela a pris du temps.
Comment expliquez-vous cette difficulté de populariser votre théorie scientifique ?
Le réchauffement climatique, les OGM, les antennes relais téléphoniques, etc. connaissent un traitement médiatique très semblable, avec un coupure entre les scientifiques d’une part, et des gens qui s’apparentent à des croyants. La discussion sur le réchauffement climatique a complètement échappé aux scientifiques pour devenir un débat quasi religieux. Je pense qu’il y a quelques siècles, on m’aurait déjà brûlé.
Une des vertus essentielles de la science doit être la tolérance et la diversité. Il faut accepter la diversité des idées. Les débats sont toujours fructueux en science. On entend actuellement des gens très bien nous dire que le débat est clos. Que Al Gore, Michel Rocard, Nicolas Hulot ou Nicolas Sarkozy qui n’y connaissent rien disent cela, on peut penser qu’ils sont mal conseillés. Qu’un scientifique comme mon ami Jean Jouzel, ou mon ami Le Treut que j’estime beaucoup car il accepte le débat avec élégance et modération, agissent de la sorte, c’est plus difficile à comprendre.
Vous êtes collègue et ami avec Claude Allègre qui irrite la plupart des écologistes. Est-il un provocateur patenté ou le porte-parole courageux d’une science peu médiatisée ?
Un peu les deux. Je crois le connaître particulièrement bien. C’est un scientifique extraordinaire, comme j’en ai rarement rencontré dans ma vie. Malgré un style parfois rugueux, c’est une fontaine d’idées, dans tout un tas de domaines, au-delà de la géochimie qui est sa discipline d’origine.
Sur le fond, je pense qu’il a globalement raison. Bien qu’homme de gauche, j’avais l’espoir qu’il soit entendu du Président de la République. Je pense qu’il l’a été pendant un certain temps. Mais Nicolas Sarkozy est avant tout un homme politique. Entre Claude Allègre et Nicolas Hulot, il n’a pas hésité et choisi Nicolas Hulot comme conseiller scientifique plutôt que Claude Allègre. C’est plus populaire.
Avez-vous le sentiment que les gens commencent à s’intéresser à votre travaux ?
Visiblement, mon éditeur m’indique le livre reçoit un bon écho auprès des lecteurs, au cours des conférences que je donne, j’ai l’impression que les gens s’interrogent et sont plus curieux. Mais je ne me fais pas d’illusion, on a été si loin dans cette nouvelle religion qu’il faudra des années pour qu’on décroche de cette pensée scientifique dominante.
Mais à côté de cette question climatique, je considère qu’il existe de très graves questions écologiques à régler dans le monde, dont les deux plus urgentes sont l’accès à l’eau potable, et le traitement des déchets industriels, avec une population croissante de plus en plus urbaine. Ces deux problèmes sont majeurs et on n’investit pas dessus car tous les politiques et les médias sont obsédés par le réchauffement.
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