Brice Lalonde, ambassadeur français en charge des négociations internationales sur le changement climatique. Représentant français aux côtés de Jean-Louis Borloo à Copenhague, il s’exprime du Danemark sur l’avancée de ces discussions.
Après trois jours de débats, quel premier bilan d’étape peut-on dresser sur les négociations actuelles à Copenhague ?
Il y a clairement une volonté de réussir largement partagée. L’état d’esprit est bon. En revanche, il existe une incertitude sur la manière d’y parvenir. En effet, comme le processus normal de la négociation n’est pas parvenu à son terme, la question est de savoir comment remplacer l’attelage par des chevaux nouveaux, si je peux m’exprimer ainsi. C’est ce qu’il y a de plus compliqué. Les chevaux nouveaux ce sont les chefs d’Etats, la présidence et les politiques qui viennent remplacer les négociateurs « fourbus ». Or les négociateurs ne sont pas forcément ravis de voir d’autres faire le boulot !
Sentez-vous un réel clivage entre pays développés et pays en voie de développement, pays riches-pays pauvres ?
Ce clivage existe mais il recouvre d’autres clivages plus complexes. S’agissant des pays développés, il y a l’Europe d’un côté mais aussi les Etats-Unis et le Canada de l’autre. L’Amérique du Nord est à la fois la moins concernée au niveau public d’une façon générale et la plus en retard au niveau politique. Donc, au sein même des pays développés, l’Europe fait son job, elle respecte ses engagements, le Japon aussi, bon an, mal an, la Nouvelle-Zélande également?. C’est l’Amérique du nord qui traîne. Elle traîne, mais elle émet beaucoup.
L’Australie qui émet beaucoup, qui était dans la même position que l’Amérique du Nord a quant à elle changer sa position avec difficulté puisque le Sénat y est à droite et le gouvernement à gauche. L’Australie est donc sur la bascule, tandis que l’Amérique du Nord traîne et l’Europe est en avance.
On retrouve également un clivage au sein même des pays en voie de développement. L’Arabie Saoudite et le Burkina Faso n’ont pas les mêmes préoccupations. De même, il existe des divergences de points de vues entre les pays nouvellement industrialisés comme l’Argentine, le Chili ou la Corée et les grands émergents : Chine, Inde , Brésil ou Afrique du Sud.
Finalement, la réussite du sommet n’est-elle pas dépendante du bon vouloir des Etats-Unis ou de la Chine ?
Non, mais ces deux pays auront certainement un rôle très important. Ce sont deux pays qui forment un couple dans une certaine mesure.
Ressentez-vous les retombées du travail effectué en amont par vous-même et Jean-Louis Borloo ?
Oui, nous entretenons d’excellentes relations ou des relations de confiance avec les villes ou les pays africains, avec les pays les moins avancés. Toutefois, ce n’est pas parce que vous allez rendre visite à des pays et que cela se passe bien que du jour au lendemain ils vont changer leur politique. Ils ont chacun une histoire et c’est donc très compliqué.
Nous avons cependant beaucoup travaillé et je pense sincèrement qu’il ne pourra pas y avoir d’accord si ces pays ne reçoivent pas un soutien conséquent ici à Copenhague. Et je pense que la France a joué un grand rôle sur ce point.
La polémique d’hier relative au texte danois et qui a soulevé la colère des pays en développement est-elle oubliée ?
C’est en effet réglé et paradoxalement cet évènement aura eu un effet positif sur les débats. Cela aura donné plus de moyens aux négociateurs pour qu’ils rédigent le texte eux-mêmes en mandatant les meilleurs des leurs. On ne peut pas travailler à 192, or les 192 devaient accepté de donner mandat à leur président et à leur rédacteur pour qu’ils fassent le texte et jusqu’à présent ils se refusaient à le faire. Après cet épisode danois, ils ont finalement accepté de donner mandat aux meilleurs d’entre-eux. Cela a donc fait sauter un blocage.
Aboutira-t-on à un accord global final ?
Concrètement, il y a encore beaucoup de travail. D’autres nuits devront être sacrifiées !
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