Les pauvres vivent en moins bonne santé, et moins longtemps que les riches. C’est en substance, la conclusion d’une étude franco-anglaise, qui souligne que les comportements de santé sont à l’origine d’une grande partie des inégalités sociales en matière de mortalité, les plus pauvres étant plus consommateurs de tabac, d’alcool et sujets à l’obésité.
En collaboration avec des collaborateurs anglais du University College London, l’Inserm publie une étude intéressante sur les relations entre inégalité sociale et santé et mortalité. L’enquête franco-anglaise a analysé des données collectées sur 25 ans portant sur quelque 10 000 fonctionnaires londoniens, et fait apparaître un lien entre le niveau socio-économique et le risque de décès.
Le lien entre niveau social et mortalité serait en grande partie déterminé par des comportements de santé tels que le tabagisme, la consommation d’alcool, l’alimentation et l’activité physique. C’est ce que démontre l’étude réalisée par l’équipe Inserm « Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations » de Villejuif, et ses collaborateurs anglais du University College London, parue dans le numéro du 24 au 31 mars de JAMA.
Rôle majeur des comportements à risque
La plus forte prévalence des comportements à risque chez les personnes ayant un plus faible niveau socio-économique jouerait donc un rôle dans la corrélation entre faible niveau socio-économique et mauvaise santé. « Des changements importants sont apparus dans les modes de vie de la population : la baisse de la prévalence du tabagisme et l’accroissement considérable de l’obésité depuis les années 1990 en sont deux exemples. Il est possible que les études précédentes avec une seule évaluation des comportements aient fourni une estimation erronée de leur rôle dans la corrélation entre les facteurs socio-économiques et la mortalité« , affirment les chercheurs.
Silvia Stringhini, doctorante dans l’équipe de Archana Singh-Manoux au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de Villejuif (unité Inserm 1018), a examiné le rôle des comportements de santé dans la relation entre le niveau socioéconomique et la mortalité. Elle a également cherché à savoir si le rôle des comportements de santé variait selon s’ils étaient évalués uniquement au début du suivi ou tout au long de la période de surveillance.
La cohorte prospective Whitehall II, lancée en 1985, comprend un panel de 10 308 fonctionnaires âgés de 35 à 55 ans vivant à Londres. Les analyses ont porté sur 9 590 hommes et femmes dont la mortalité a été suivie jusqu’au 30 avril 2009. C’est la catégorie socioprofessionnelle dans la fonction publique (élevée, intermédiaire et basse) qui a déterminé le niveau socio-économique au début de l’étude. Le tabagisme, la consommation d’alcool, l’alimentation et l’activité physique ont été évalués à 4 reprises pendant la période de surveillance.
Tabagisme le plus fort
Globalement, ces travaux montrent que les comportements de santé expliquent 72% de la relation entre niveau socioéconomique et la mortalité lorsqu’ils sont pris en compte de façon répétée au cours du suivi, contre 42% lorsqu’ils sont mesurés uniquement au début du suivi comme dans les études précédemment menées.
« La différence entre les évaluations effectuées uniquement au début du suivi et les évaluations répétées des comportements de santé est principalement due à un pouvoir explicatif accru de l’alimentation, de l’activité physique et de la consommation d’alcool. Il n’y a pas de changement dans le rôle du tabagisme, le plus fort médiateur dans ces analyses, entre les évaluations effectuées au début du suivi et les évaluations répétées« , écrivent les chercheurs.
« Cette étude suggère que les comportements de santé sont à l’origine d’une grande partie des inégalités sociales dans la mortalité. Elle montre qu’il est important de tenir compte des évolutions des comportements de santé dans le temps pour évaluer leur rôle dans les inégalités sociales. » concluent les auteurs de cette étude.
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