Dr Laurent Chevallier, praticien attaché au CHU de Montpellier et président de la commission alimentation du Réseau Environnement Santé (RES). Il vient de publier un ouvrage « Mes ordonnances alimentaires. Comment vous soigner par une bonne alimentation » (éd. Les liens qui libèrent).
Votre ouvrage propose de se soigner grâce à son alimentation, comment passez-vous du préventif au curatif ?
Qu’il s’agisse de maux de ventre, d’acné, de coliques néphrétiques, mais aussi bien sûr de diabète, d’excès de cholestérol dans le sang ou d’hypertension artérielle, une alimentation inadaptée peut aggraver les troubles alors qu’à l’inverse, une alimentation adaptée permet d’améliorer les symptômes. Je ne vais donc pas jusqu’à évoquer une guérison, mais l’alimentation est un soin à part entière (après un diagnostic rigoureux) et l’adapter en fonction des situations est une des première attitude à mettre en place, cela concerne un français sur deux.
Mais, bien évidemment, il existe aussi un aspect préventif, notamment en matière de lutte contre les cancers et les maladies cardiaques.
Pourquoi dénoncez-vous la chimie présente dans notre alimentation ?
Cet aspect a été beaucoup trop occulté alors qu’une certaine forme de chimie dans l’alimentation est à l’origine de bien des troubles et maladies. Vous savez, nous sommes actuellement un peu dans la même situation vis à vis de la chimie, que ce qui se passait au Moyen-Âge par rapport aux microbes ( micro-organismes que sont les bactéries, virus?) : une imparfaite maîtrise. En vidant son pot de chambre tous les matins dans la rue on disséminait alors les « miasmes » et on contaminait de nombreuses personnes. On est un peu dans la même situation avec la chimie déversée un peu partout, elle a imprégné les sols, les cours d’eau… Il faut arriver à maîtriser ce problème et rapidement. Notre espérance de vie pourrait s’en trouver modifiée si rien n’était réalisé.
Constatez-vous l’émergence de nouvelles maladies liées à cette chimie ?
Oui, regardez le nombre de personnes allergiques ne cesse d’augmenter. Concernant les cancers, en 25 ans nous avons assisté au doublement du nombre d’apparition de nouveaux cas. Les causes sont certes pluri-factorielles mais les facteurs chimiques entrent bien évidemment en ligne de compte. On sait par exemple que les pesticides peuvent favoriser l’apparition de lymphomes chez les agriculteurs, un lien direct a été établi scientifiquement.
Nous constatons également l’émergence des MCS (multiple chemical sensitivity, NDLR) qui touchent des personnes présentant des intolérances très fortes à certains produits chimiques. Elles sont très handicapées dans la vie quotidienne ou au travail. Ne connaissant pas toujours l’origine des troubles on a vite fait de dire que cela relève du psychologique. Cela est un des avatars de la médecine contemporaine?
Certaines personnes souffrent aussi de fatigue chronique, de fibromyalgie, qui se manifeste par des douleurs musculaires chroniques.
Une partie des ces nouveaux troubles sont pour partie liés à la chimie.
Quelle est la position des autorités publiques de santé sur cette question ?
Inadaptée. Le Plan cancer doit en principe consacrer 15% de son budget à une meilleure compréhension des liens existants entre cancers et environnement?Or, jusqu’à présent on a plutôt mis des bâtons dans les roues à nombre de ceux qui ont tenté de travailler sur ces questions. Je suis personnellement président de la Commission alimentation du Réseau Environnement Santé et j’espère que les choses vont évoluer dans le bon sens mais je m’interroge quand je vois la réponse des pouvoirs publics vis à vis du bisphénol A (biberons et plastiques alimentaires contenant cette substance) pour prendre cet exemple.
Vous savez, il y a des choses très simples qui ne sont pas obtenues : la mention de la concentration en sel des plats préparés industriellement. C’est une revendication forte des nutritionnistes compte tenu de l’impact délétère du sel consommé en excès (maladies cardiovasculaires, cancer de l’estomac?).Sur le plan réglementaire nous n’arrivons même pas à obtenir que l’information soit délivrée, alors que cela ne coûte rien aux pouvoirs publics, imaginez pour le reste?
Et le ministère de l’Agriculture ?
Je suis pour la suppression du ministère de l’Agriculture. Ce ministère n’a pas été capable de défendre économiquement les agriculteurs et l’utilisation de divers produits phytosanitaires (ayant eu les autorisations de mise sur le marché) ont eu des conséquences sur la santé des agriculteurs. Surtout certains produits retirés du marché dans d’autres pays car reconnu potentiellement dangereux pour la santé ont été maintenus trop longtemps en France ! Je me suis laissé dire que certains agriculteurs n’allaient pas en rester là?. Je plaide donc pour la prise en compte d’une écotoxicité des substances chimiques et finalement la création d’un grand ministère de l’Ecologie, Aménagement du territoire, Agriculture et Pêche.
C’est dans cette optique que vous avez cosigné une tribune en réponse aux propos tenus par Nicolas Sarkozy au dernier Salon de l’agriculture ?
En pointant du doigt l’environnement comme l’une des sources majeures des difficultés que rencontre le monde agricole, Nicolas Sarkozy se trompe de coupable, et montre les limites de sa politique en matière de défense de l’environnement et de promotion d’une agriculture durable.
Il faut différencier deux aspects en termes de normes environnementales pour l’agriculture. D’une part, la grande problématique des produits phytosanitaires pour lesquels il faut être extrêmement ferme en renforçant les précautions d’utilisation et les analyses de toxicité (notamment combinaisons entre les différents produits). D’autre part, les instructions données aux agriculteurs concernant l’aménagement par exemple des haies ou des fossés sont parfois trop contraignantes et vont souvent à l’inverse de ce qui avait préconisé lors du vaste remembrement.
Souplesse d’un coté et grande vigilance concernant les pesticides dont les agriculteurs sont souvent les premières victimes.
Pourquoi affirmez-vous que les emballages alimentaires sont potentiellement dangereux pour la santé ?
Pour chaque aliment il faut analysé la façon dont il a été cultivé et conditionné. Les résidus d’insecticides, herbicides?, le cocktail d’additifs ajouté comme les colorants, conservateurs?, et enfin les emballages peuvent poser des problèmes. Concernant les plastiques,on sait que certains d’entre eux larguent des substances dans les aliments comme les phtalates, le bisphénol A, qui, à des doses d’exposition admissibles- analyses faites essentiellement sur les modèles animaux- créent de nombreux troubles qui vont de l’infertilité, à l’augmentation du risque de diabètes, de maladies cardio-vasculaires, et même de troubles du comportements. Cela est contrôlé mais diverses études sont insuffisamment prises en considération et en matière toxicologique on a changé de paradigme, ce n’est plus toujours la dose qui fait le poison !
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