Benoit Rittaud, maître de conférences à l’Université Paris 13, au sein du laboratoire d’analyse, géométrie et applications (Institut Galilée), l’enseignant chercheur en mathématiques se définit comme l’un des climato-sceptiques français. Il vient de publier « Le mythe climatique » aux éditions du Seuil.
On vous classe parmi les climato-sceptiques, quelle définition en donneriez-vous ?
Il existe plusieurs manières de définir un climato-sceptique. Ma définition ne serait sans doute pas celle de Vincent Courtillot, ou d’un autre sceptique. Il n’existe pas de mouvement climato-sceptique. C’est une des caractéristiques des sceptiques qui sur ce point se rapprochent plus de la science que les membres du GIEC. Eux aiment bien mettre en avant le consensus, en tentant de donner l’impression d’une communauté soudée. Vous ne les entendrez jamais se critiquer les uns les autres, ou alors de façon très allusive.
Les sceptiques quant à eux ne cherchent pas forcément cette solidarité. Personnellement, je n’ai jamais voulu être membre d’une chapelle quelconque. Mais j’ai bien évidemment plus d’affinités avec les sceptiques qu’avec les membres du GIEC par exemple.
Qu’est-ce qui vous réunit alors ?
De mon point de vue, nous n’avons pas du tout les moyens de dire ce qui cause aujourd’hui les changements climatiques, sachant que le climat a toujours changé et que c’est un pléonasme de parler de changement climatique. En tout état de cause, nous ne disposons pas de preuve que les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie humaine soient la cause d’un éventuel réchauffement. C’est l’un des points sur lequel une majorité de sceptiques se retrouvent.
Pour certains, il existe une influence, mais elle est mineure. Pour d’autres, cela n’a pas beaucoup d’influence et ce sont d’autres mécanismes qui entrent en ligne de cause : on parle de l’influence des cycles solaires, ou encore de l’océan. La vérité, c’est que nous avons à faire à la science et comme toujours en science, nous ne disposons pas de réponses définitives mais uniquement de pistes.
Le GIEC considère que le réchauffement climatique est une conséquence de l’activité humaine, pourquoi pas vous ?
L’activité humaine recouvre plusieurs choses. Il est évident que l’homme a une influence sur la biosphère, sur la Terre et sur l’environnement. Le contraire serait impossible puisque toute espèce vivante interagit sur son environnement et le modifie, à son profit en général. Personnellement, mon propos ne porte que sur le gaz carbonique.
Vous êtes mathématicien, quel est votre cheminement scientifique pour en arriver à livrer des thèses sur le climat ?
J’aborde effectivement la question sous l’angle mathématique, domaine que je suis capable de bien comprendre. Mais j’aborde également la question sous un autre angle, un peu plus original, qui est celui de l’épistémologie, c’est à dire l’étude de la science telle qu’elle se fait, telle qu’elle se construit, la naissance d’une théorie. Et, sur ce terrain là, les affaires du climat sont vraiment très intéressantes.
Nous traitons alors avec un objet épistémologique assez unique et il est très intéressant de tenter de comprendre la mécanique de cet objet. Il y a déjà eu par le passé des exemples assez comparables, mais nous sommes là face à quelque chose d’une ampleur assez inédite. C’est magnifique ! Au-delà du débat public, il existe une fascination pour cet objet comme on n’en voit pas beaucoup dans sa vie je pense.
Qu’est-ce qui vous fascine tant dans cet objet ?
C’est vraiment son ampleur et ce qu’elle dit sur la façon dont la science s’inscrit dans certains grands courants de la société. On voit conjointement apparaître à cette idée de réchauffement climatique, la naissance d’une pseudo-science. C’est une mécanique assez subtile et certains me reprochent de traiter les climatologues d’astrologues lorsque j’évoque la « climatomancie », une nouvelle pseudo-science qui se crée au sein même de la science.
C’est un phénomène qui est tout simplement normal, science et pseudo-science vont de pair avant de se séparer. Dans le cas du climat, on assiste vraiment à l’émergence d’une pseudo-science, c’est à dire d’une unité où l’on mélange le sujet et l’objet.
Comment expliquez-vous l’ampleur prise par la question climatique ?
Du point de vue épistémologique, cela tient à l’engagement des scientifiques, l’intérêt des scientifiques. Mais pour expliquer l’ampleur, nous sommes tout de même obliger de chercher d’autres causes, mais là je ne suis pas spécialiste des questions politiques ou sociologiques. L’objet est tellement énorme que l’on est obligé de l’aborder sous des angles très différents. Je pense que les historiens auront beaucoup de travail au XXI siècle pour se replonger dans cette histoire qui en dit long sur l’humain.
La parole est désormais donnée aux climato-sceptiques, pourquoi ce renversement de tendance ?
Personnellement, je me suis intéressé à l’affaire il y a quelque temps, à l’époque où personne ne s’intéressait aux sceptiques. Néanmoins, tous les sceptiques de l’époque avaient vu qu’à moyen terme le consensus sur le climat ne pouvait pas durer. Il fallait bien qu’un moment donné, les pendules se remettent un peu à l’heure, même si je ne suis d’ailleurs pas sûr que ce soit maintenant. Cela peut durer encore longtemps. L’inertie des personnes engagées est encore très forte. Des gens sont très engagés et cela peut durer encore quelques années.
L’échec de Copenhague a certainement permis aux langues de se délier. On est peut être aussi un peu lassé du discours officiel, qu’on a tellement entendu. Les promoteurs de ce discours ont certainement cru qu’ils avaient partie gagnée, et ont ignoré l’existence de leurs adversaires.
Que pensez-vous de l’appel des scientifiques français contre Claude Allègre et Vincent Courtillot ?
S’agissant de Claude Allègre, c’est un personnage très ambigu. Je mesure tout son courage d’avoir été le seul en France à parler publiquement, en défendant son point de vue sur les plateaux de télévision, car cela n’est pas facile et mérite de l’estime.
A côté de cela, Claude Allègre a une façon de s’exprimer, souvent trop rapide, qui le dessert. Il a commis des erreurs dans son livre, très problématiques, et il est tout à fait normal de les signaler. C’est un peu dommage parce que cela brouille un peu le discours. Même si son livre est un livre plutôt politique, l’essentiel n’est pas de démontrer que les climato-sceptiques ont raison mais de démonter une mécanique autour du GIEC. Cela ne manque pas d’intérêt, mais c’est dommage qu’il y ait autant d’erreurs.
Dans cette pétition, il est accusé sur le fond de son propos et Vincent Courtillot également. De son côté, Vincent Courtillot est l’anti-Allègre. C’est quelqu’un de très posé, de très calme, qui commence depuis maintenant une petite année à faire parler de lui dans les médias. Par rapport à Claude Allègre, Vincent Courtillot est plus engagé dans une théorie alternative. Il ne se contente pas de dire que le GIEC se trompe. Il estime que les explications du réchauffement climatique sont principalement à rechercher du côté du soleil. En dépit des diverses attaques dont il fait l’objet, il continue d’écrire des choses plutôt intéressantes.
Ils ont de surcroit tous les deux une légitimité scientifique incontestable. Claude Allègre a obtenu le prix Crafoord (l’équivalent d’un prix Nobel de géologie, NDLR), la médaille d’or du CNRS et j’aimerai beaucoup avoir son palmarès scientifique. Il a fondé l’IPGP (Institut de physique du globe de Paris, NDLR), il est également membre de l’Académie des Sciences. 99% des scientifiques de France aimeraient avoir sa carrière scientifique. Il faut aller au-delà de la caricature.
Après l’abandon par le gouvernement du projet de taxe carbone, Chantal Jouanno a fait porter le chapeau de l’échec aux « écolo-sceptiques ». Comment avez-vous réagi ?
Ce que l’on appelle communément taxe carbone était au départ une contribution climat-énergie. Pour un climato-sceptique, c’est donc par définition stupide de fonder une politique sur une chimère. C’est le seul positionnement politique que je me permette.
Je ne suis pas climato-sceptique pour des raisons politiques mais la seule chose politique que je déduis de mon climato-scepticisme, c’est qu’on ne doit pas fonder une politique sur le climat ou sur l’origine humaine du réchauffement climatique. Donc, s’agissant de l’abandon de la taxe carbone, je suis plutôt content.
Pour ce qui concerne les propos de Chantal Jouanno, elle a fait un glissement de sens assez problématique. Elle ne parle pas de climato-sceptiques mais d’une victoire des écolo-sceptiques. Nous, les climato-sceptiques ne souhaitons pas qu’il y ait amalgame entre les deux termes. Etre écolo-sceptique est beaucoup plus vague et englobe des choses que je n’ai pas du tout étudiées. La biodiversité, la pollution, l’accès à l’eau potable sont autant de choses sur lesquelles je n’ai pas d’avis à donner.
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