Par le Réseau Action Climat-France (RAC-F), association spécialisée sur le thème de l’effet de serre et du changement climatique qui regroupe une quinzaine d’associations de défense de l’environnement, d’usagers de transport et d’alternatives énergétiques. Représentant français du réseau mondial « CAN : Climate Action Network », RAC-F réagit à la publication de l’étude de l’ADEME sur les agrocarburants.
L’ADEME vient de publier son étude très attendue sur « Analyse du cycle de vie des biocarburants de 1ère génération ». Dans un communiqué de presse conjoint, les ministres J-L Borloo et Bruno Le Maire se congratulent en affirmant que cette étude « répond aux recommandations du Grenelle de l’Environnement préconisant une « expertise exhaustive et contradictoire du bilan écologique et énergétique des biocarburants de première génération » (engagement n° 58). »
Le Réseau Action Climat-France (RAC-F) qui a fait partie du Comité technique de l’ADEME affirme au contraire que cette étude n’est absolument pas exhaustive. Comme le lui demandaient le RAC-F et les ONG environnementales depuis des années, l’ADEME aborde bien dans son rapport la question fondamentale du changement d’affectation des sols (« CAS ») : la conversion, par exemple, de prairies ou de forêts tropicales en terres cultivées pour alimenter directement ou indirectement les usines d’agrocarburants. C’est un progrès indéniable par rapport aux études précédentes qui niaient ce phénomène et le RAC-F s’en félicite.
L’ADEME reconnaît même que le CAS, en raison des émissions de gaz à effet de serre énormes qu’il peut entraîner quand une forêt tropicale est détruite pour planter des palmiers à huile, peut avoir un impact environnemental tellement négatif qu’il inverse les bilans apparemment favorables des agrocarburants. Mais l’ADEME persiste pourtant à publier des gains en émissions de gaz à effet de serre qui ne prennent pas en compte l’impact du CAS. Ces gains sont donc théoriques et n’ont strictement aucune valeur, sinon de permettre aux agro-industriels de continuer à tromper à la fois les médias peu avertis et l’opinion publique.
C’est ainsi que PROLEA et SOFIPROTEOL, leaders français de la production de biodiésel, écrivent sans broncher dans leur communiqué de presse commun du 8 avril que « la consommation de biodiesel permet de diminuer de 60 % à 70 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport au gazole » ! Ce communiqué ne mentionne évidemment pas que les chiffres cités omettent totalement l’impact négatif du CAS ?
Et pourtant, l’utilisation massive du colza produit en France pour produire le biodiesel a dû être compensée depuis quelques années par l’augmentation considérable des importations d’huiles de palme et de soja (Indonésie, Malaisie, Brésil ou Argentine) et de graines de colza et de tournesol (Ukraine, Roumanie, Bulgarie, etc.).
Les informations quantitatives concernant ces importations sont publiées régulièrement par la très rigoureuse Direction Générale des Douanes. En les croisant avec les informations des importateurs et des agro-industriels concernant l’usage final des huiles et oléagineux importés, l’ADEME aurait pu – et dû ! – faire un pas décisif supplémentaire pour quantifier l’impact du CAS sur les agrocarburants français, comme le lui demande depuis des années le RAC-F. Le côté contradictoire de l’expertise demandée par le Grenelle laisse à désirer !
Mais l’ADEME a choisi une fois encore de laisser la question du CAS dans un flou artistique, pour le plus grand bénéfice des agro-industriels. Faut-il y voir l’influence prépondérante du Ministère de l’Agriculture qui a étroitement supervisé cette étude ?
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