Pr Gilles-Eric Seralini, professeur de biologie moléculaire et chercheur à l’Institut de biologie fondamentale et appliquée (IFBA) de l’Université de Caen et co-directeur du Pôle Risques de l’Université de Caen (pôle associé au CNRS). Il est également président du conseil scientifique du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN). Une édition revue et augmentée de son ouvrage « Ces OGM qui changent le monde » vient de sortir aux Editions Flammarion.
Vous avez mené de nombreuses études d’évaluations sur les OGM, quelles sont vos conclusions ?
Le premier résultat de ces recherches est que les OGM sont évalués d’une manière incompétente et malhonnête. Si on prend l’exemple des OGM qui viennent d’être autorisées à la consommation humaine et animale en Europe, à savoir des hybrides de trois maïs, MON 863, Mon 810 et NK603, seulement 40 rats ont été étudiés sur un total de 400. En expérience, 80 rats sur 400 mangent des OGM mais seulement 40 ont fait l’objet d’analyses sanguines. Or, 40 rats sur 400 au total, c’est un scandale scientifique historique en soi. Pendant trois mois seulement ! Très insuffisant !
D’autre part, pour la pomme de terre Amflora, qui est destinée essentiellement aux cochons après avoir servi à faire du papier, seuls 10 rats ont été testés sur 30. L’ensemble des tests a duré au maximum 90 jours, avec analyses de sang, ce qui est complètement anormal parce que l’on ne peut pas voir les maladies chroniques qui pourraient se développer à la suite de cette consommation.
Quels sont les signes révélateurs du développement de maladies chroniques ?
Les signes dont nous disposons concernent l’ensemble des OGM commercialisés et plus particulièrement ceux analysés par le CRIIGEN et mon équipe, à savoir : le Mon 810, le Mon 863, le NK 603 tolérant au Round-Up, ainsi que ceux produisant des insecticides. Parmi les OGM, il existe deux catégories, ceux qui produisent des insecticides, et ceux qui tolèrent des herbicides.
Pour tous ces OGM, on détecte des signes de toxicité sur les foies et les reins, ainsi que des signes d’anomalies. Ce sont bien des signes, pas complètement des preuves. Ce sont des indicateurs à la première prise de sang du dérèglement du système biochimique. S’agissant de l’aubergine transgénique, sur laquelle j’ai également mené une expertise, c’est sensiblement la même chose.
Ces signes précurseurs seraient les mêmes si se développaient des cancers dépendants du sexe, qui ne seraient pas développés proportionnellement aux doses ingérés mais par vagues successives comme la plupart des cancers, des maladies de la reproduction, des maladies du système immunitaire?. Tous ces signes seraient précurseurs, et ce sont les signes d’une intoxication chimique alimentaire chronique qui va affaiblir l’individu. Il ne serait alors bien évidemment pas sain de manger des animaux qui commencent à être malades.
Qu’attendez-vous alors de la recherche ?
Nous demandons avant tout la transparence sur les analyses de sang. Ce manque de transparence, beaucoup d’Etats le considèrent comme normal puisqu’ils acceptent la confidentialité des expertises, ce qui devient juridiquement intenable aujourd’hui.
Nous demandons également l’expertise contradictoire systématique comme en justice. Il faut sortir du mythe de l’expertise indépendante. Enfin, nous demandons des tests indépendants des compagnies sur une période minimum de deux ans, et cela non seulement pour les biotechnologies, mais pour toutes les nouvelles technologies qui peuvent modifier notre environnement. Et, nous souhaitons des tests vie entière sur tous les animaux de laboratoire avant toute commercialisation.
Vous avez personnellement mené des contre-expertises sur les données fournies par Monsanto, ce qui vous a valu certaines attaques, reprises par les organismes de validation. Vous avez le soutien de nombreux scientifiques, mais comment vous défendez-vous sur ce plan là ?
Ma défense est une attaque puisque j’ai assigné en diffamation Marc Fellous (professeur de génétique à l’Université Paris 7 et chef de l’Unité d’immunogénétique humaine à l’Institut Pasteur, directeur des unités INSERM U527 et E0021 à l’IFR Alfred Jost de l’Institut Cochin, et ex président de la Commission du génie biomoléculaire chargé de l’étude des risques liés aux OGM par les ministères de l’agriculture et de l’environnement, NDLR) en tant que président de l’Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV, NDLR).Cette dernière diffame sans raison parce que certaines personnes qui la composent, comme Marc Fellous ou Axel Khan ont autorisé les premiers OGM commercialisés sur des bases qui ne sont pas sérieuses du tout.
Nous l’avons démontré dans des publications parues dans des revues internationales à comité de lecture. Nous sommes les seuls à avoir publié sur ce point précis. Ni Axel Khan, ni Marc Fellous, ni le prix Nobel Jean-Marie Lehn cité dans leur communiqué de presse, n’ont contribué à publier sur les aspects sanitaires ou toxicologiques des OGM, ou des biotechnologies végétales mais pourtant ils se disent membres d’une association de biotechnologie végétale.
Ce qui est remarquable aujourd’hui, et cela fait chaud au c?ur, c’est que j’ai le soutien de plus de 400 scientifiques issus d’une trentaine de pays. Cela démontre que la communauté scientifique considère qu’il y a trop de compromission et de laxisme vis à vis des entreprises.
C’est l’opinion en miroir de l’Agence européenne qu’ils ont contribué à fonder ou à aider dans ses prises de décisions, de façon à maintenir les décisions qu’ils avaient eux-même prises de 1998 à 2007 et contre lesquelles j’ai toujours voté. Le procès devrait avoir lieu dans les trois mois.
Justement, pourquoi n’entend-t-on jamais de voix scientifique dissidente sur les OGM, dans les médias ou ailleurs ? S’agit-il d’un sujet tabou ?
Le seul fait de dire que les tests européens sont laxistes représentent un tabou scientifique organisé par ces gens là. Nous voulons faire savoir qu’il existe de véritables débats, et que plus de 400 scientifiques me suivent sur le sujet. C’est un mouvement comparable à celui mis en place contre les climato-sceptiques. D’ailleurs, Claude Allègre fait partie de l’association qui me diffame.
Il faut savoir qu’il s’est passé la même chose en Inde, le jour où le ministre de l’Agriculture a expliqué qu’il fondait son moratoire en partie sur mon expertise réalisée pour monter les effets secondaires de la consommation des aubergines OGM sur les mammifères. Marc Van Montagu qui parraine l’association de Marc Fellous, a indiqué que mon expertise ne valait rien, en précisant que je n’avais pas eu accès aux semences, ni aux aubergines. En fait, je n’avais rien à faire des semences ou des aubergines puisque ma tâche a été de réexaminer les analyses de sang des animaux consommateurs déjà réalisées par la société Mahyco. Alors, ou il s’agit d’incompétence, ou il s’agit de rendre le vrai débat tabou, et le porter alors sur un autre plan. Ils font diversion, et se servent de leur réputation pour cela.
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