L’Inra et l’Afsset viennent de publier un rapport très attendu sur la pollution au chlordécone des bananeraies des Antilles françaises. Les responsabilités des grands planteurs de bananes comme de l’Etat dans ce scandale sont clairement affirmées dans les deux études qui viennent de paraître.
« Face à la défense de l’industrie bananière française, on peut faire l’hypothèse que l’impact de l’utilisation de produits phytosanitaires sur l’environnement et la santé ait été secondaire dans les préoccupations des autorités politiques » affirme Matthieu Fintz, auteur de l’étude « L’autorisation du chlordécone en France 1968-1981 » pour l’Anves, la nouvelle agence nationale de sécurité sanitaire française. « Il aura fallu vingt ans pour que les recommandations d’investigations et d’analyses (?) soient mises en ?uvre » regrette pour sa part Pierre-Benoit Joly de l’Inra, auteur de « La saga du chlordécone aux Antilles françaises – Reconstruction chronologique 1968-20081 ».
Longtemps peu médiatique, l’affaire du chlordécone a pris une autre dimension en 2007 à l’occasion de la prise de parole du cancérologue Belpomme dans le journal Le Parisien. Le professeur avait dénoncé « un véritable empoissonnement », « un désastre sanitaire », considérant cette affaire « beaucoup plus grave que celle du sang contaminé ».
Polluant utilisé sans doute jusqu’en 2007
Pour rappel, déjà conscient des dangers de ce pesticide non biodégradable, le ministère français de l’agriculture avait interdit l’usage de chlordécone dès 1968, en refusant son homologation. Pourtant, certainement sous la pression de certains lobbies, une autorisation provisoire avait accordée en 1972 qui avait permis son utilisation aux Antilles jusqu’en 1993, malgré son interdiction à la vente 3 ans plus tôt.
Plus grave, on estime aujourd’hui que l’utilisation du chlordécone s’est poursuivie sur le terrain bien plus tard, sans doute jusqu’en dans les années 2000. C’est cette politique laxiste vis-à-vis de ce dangereux polluant qui est aujourd’hui dénoncée, alors même que les Etats-Unis l’avaient interdit dès 1976.
Le chlordécone a été utilisé pour protéger les bananeraies d’un charançon, une espèce d’insectes ravageurs. Très stable à l’abri de l’air et de la lumière, le chlordécone a provoqué aux Antilles une pollution infectant l’eau et les sols, qui ont dans un second temps, contaminés certains aliments comme les légumes ou les poissons.
Toute la population antillaise touchée
En raison d’une utilisation massive de ce polluant, certaines analyses de l’écosystème antillais révèle des concentrations supérieures à 100 fois la norme, notamment dans les eaux et les sols. Selon les estimations du BRGM, établissement public spécialisé dans les ressources et les risques du sol et du sous-sol, 1 250 tonnes de chlordécone auraient été épandues aux Antilles provoquant une pollution persistante pour des milliers d’années.
Particulièrement vigilant sur les révélations de ce scandale, le collectif écologiste France Nature Environnement prévient qu’il réfléchit à l’opportunité de porter cette affaire en justice. Selon José Cambou pilote du réseau Santé environnement : « Les effets sanitaires dus aux produits cancérigènes peuvent mettre plus de dix ans pour se faire jour, comme dans le cas des expositions à l’amiante.».
Pour FNE, en raison de son mode de diffusion dans le milieu et de son caractère persistant dans les cours d’eau et les nappes phréatiques, « le chlordécone a vraisemblablement atteint l’ensemble des populations mises en contact ».
> Pour en savoir + : Consulter les deux études de l’Inra et de l’Afsset
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