En 20 ans, la facture énergétique moyenne est restée relativement stable dans le budget des Français, tout en accentuant les inégalités sociales. Représentant moins de 9 % de la consommation moyenne des ménages, l’effort énergétique est cependant beaucoup plus important pour un foyer rural, pauvre et vieux, qu’un jeune ménage riche et urbain.
Les dépenses d’énergie liées au logement et au transport représentent en France 8,4 % de la consommation des ménages, soit autant que les loisirs ou les vêtements, selon le dernier rapport de l’Insee réalisé par Sébastien Merceron et Maël Theulière. Depuis 20 ans, cette part budgétaire, appelée « effort énergétique », est restée « relativement stable », après un pic relevé en 1985.
Cette stabilité est le fruit d’ « évolutions structurelles contradictoires ». L’institut national de statistiques évoque globalement l’amélioration des performances énergétiques des logements et des véhicules, conjuguée au développement de modes de chauffage moins coûteux, des éléments favorables qui ont permis de compenser l’étalement urbain et l’augmentation de la surface moyenne des logements.
Dans le même temps, si cet effort énergétique a été relativement stable, les inégalités entre les Français se sont accrues depuis 25 ans souligne l’Insee. Ces différences sont en effet sensibles entre ménages modestes et ménages riches, entre ville et campagne, entre types d’habitat et entre ménages âgés et ménages jeunes.
2 300 ? en moyenne par ménage et par an
L’énergie est un poste important de consommation des ménages puisqu’il représente en moyenne 8,4 % de leurs dépenses, selon les chiffres de 2006. Plus précisément, le budget global d’un ménage consacre 4,8 % de dépenses d’énergie pour leur résidence et 3,6 % pour leur moyen de transport individuel. En 2006, chaque ménage déboursait ainsi en moyenne 2 300 ? par an pour payer l’énergie de son logement et le carburant. Dans le budget des ménages, l’énergie pèse autant que l’habillement ou que les loisirs et la culture.
Les dépenses de chauffage, d’électricité et de carburants varient fortement selon le lieu d’habitation. L’Insee souligne ainsi que la part allouée aux coûts de l’énergie dans le budget d’un ménage, est près de deux fois plus faible dans l’agglomération parisienne (5,7 % en 2006) qu’en zone rurale (11,3 %). Cette forte différence s’explique par la taille des logements plus grands en milieu rural, ce qui implique une plus grande consommation de chauffage, mais aussi par l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail en milieu rural, ce qui engendre des dépenses de carburant plus élevées.
De plus, les ruraux se chauffent davantage au fioul que les urbains. Or le type de combustible utilisé est un facteur déterminant de la facture énergétique du logement. Ainsi, on estime qu’à caractéristiques du logement égales (type d’habitation, ancienneté de construction, localisation géographique, milieu d’habitation) et à caractéristiques du ménage égales (niveau de revenu, âge de la personne de référence, composition, statut d’occupation du logement), un ménage dont le logement est chauffé au fioul (respectivement au gaz) dépense en 2006 environ 28 % (respectivement 5 %) de plus au mètre carré qu’un même ménage ayant choisi l’électricité, précise l’étude de l’Insee.
Effort énergétique globalement stable
Mais ces fortes disparités existent également en fonction de l’âge, facteur déterminant dans la facture énergétique. Ainsi, un ménage dont la personne de référence a plus de 70 ans consacre 3,5 points de plus de son budget à l’énergie qu’un ménage de moins de 30 ans. Cela est dû aux dépenses d’énergie pour l’habitat car les ménages âgés vivent dans des logements plus grands. En revanche, les personnes âgées et les retraités dépensent moins en carburant que les actifs qui doivent faire face à des dépenses liées aux trajets domicile-travail. Toutes choses égales par ailleurs, la dépense annuelle de carburant augmente de 591 ? par actif occupé supplémentaire dans le ménage.
Plus les revenus d’un ménage sont élevés, plus les dépenses d’énergie le sont aussi. En effet, les ménages aisés occupent des logements plus grands et plus équipés, et payent par conséquent une facture énergétique plus élevée. Malgré cela, le poids de ce poste dans l’ensemble de leurs dépenses (effort énergétique) reste inférieur à celui des plus modestes : les 20 % des ménages les plus pauvres consacrent 9,6 % de leur budget à l’énergie, contre seulement 7,0 % pour les 20 % des ménages les plus aisés.
Au-delà de ces fortes disparités entre ménages français, en 20 ans, la part budgétaire consacrée à l’énergie a baissé de 3 points, passant de 11,6 % en 1985 à 8,4 % en 2006. L’année 1985 était toutefois un point haut, marqué par un pic de dépenses lié au second choc pétrolier de mai 1979 rappelle l’Insee. Le poids relatif du poste budgétaire « énergie » mesuré tous les 5 ou 6 ans entre 1989 et 2006 est resté ensuite relativement stable, autour de 9 %. La part du logement et celle du transport dans ces dépenses énergétiques sont, elles aussi, demeurées similaires au cours du temps.
Mieux vaut être jeune, urbain et aisé
Si l’Insee souligne que la performance énergétique s’est améliorée en 20 ans, que ce soit pour l’habitat ou les transports, à l’inverse, l’étalement urbain, et son corollaire l’augmentation du taux d’équipement en automobiles, ont entraîné une augmentation des dépenses de carburant, tandis que l’augmentation de la surface des logements et de leur niveau d’équipement électrique a généré une croissance de la consommation en énergie domestique. Depuis le milieu des années 1980, le nombre de ménages vivant en banlieue et en zones périurbaines s’est en effet fortement accru (environ + 50 % et + 28 %), alors que dans le même temps le nombre total de ménages augmentait d’environ 20 % et que le nombre de ménages habitant en centre ville (hors agglomération parisienne) stagnait.
Enfin, l’Insee révèle que les progrès énergétiques ont davantage profité aux ménages aisés pour lesquels le poids de la facture énergétique dans la consommation a baissé d’un tiers depuis 1985, contre un quart pour les ménages les plus pauvres. Signe d’un accroissement des inégalités dans ce domaine, le rapport entre l’effort énergétique des 20 % des ménages les plus pauvres et celui des 20 % les plus aisés est ainsi passé de 1,22 en 1985 à 1,36 en 2006. Les écarts se sont aussi accentués entre milieux d’habitation au détriment des ruraux et entre tranches d’âge au détriment des ménages les plus âgés. En effet, les ménages ruraux et les plus de 50 ans ont des logements plus grands et davantage de véhicules.
En conclusion, si globalement l’effort énergétique est donc resté relativement pour les ménages français, « les évolutions structurelles ont donc accentué les inégalités existantes » souligne l’Insee. Celles-ci sont interconnectées, les ménages ruraux cumulant par exemple un certain nombre de caractéristiques pénalisantes : ils sont plus souvent âgés, chauffés au fioul, vivant en logement individuel plus grand, révèle l’institut de statistiques.
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