Révélée par le Dr Irène Frachon, l’affaire du Mediator est en passe de devenir l’une des catastrophes sanitaires les plus graves jamais connues en France. Avec déjà plus de 500 morts et plus de 3 500 victimes hospitalisées, le Mediator aurait déjà fait plus de 4 000 mais le bilan pourrait être encore beaucoup plus lourd, car 5 millions de français en auraient consommé.
Après des tergiversations, l’Afssaps vient de rendre publique aujourd’hui un premier bilan sanitaire de la consommation du Mediator (chlorhydrate de benfluorex). Et il est déjà lourd. Ce médicament antidiabétique également utilisé massivement comme coupe-faim pour faire maigrir, aurait déjà fait plus de 500 décès, selon un point d’information que vient de publier ce matin l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Commercialisé depuis 1976 par les laboratoires Servier, le Mediator a été retiré du marché seulement en novembre 2009, bien après les Etats-Unis notamment. L’Afssaps précise que la mesure de suspension concernait le Médiator 150 mg et deux génériques des laboratoires Mylan et Qualimed, « suite à l’évaluation de données établissant le risque d’atteinte valvulaire alors que le produit présentait une efficacité modeste dans sa seule indication subsistant, comme adjuvant du régime adapté chez les diabétiques avec surcharge pondérale ».
Un poison qui détruit les valves cardiaques
Comme le soulignait Irène Frachon dans une interview récente à Enviro2B « la preuve scientifique a été apportée que ce médicament expose à un risque assez rare mais pas si exceptionnel, de l’ordre de 0,5/1000 personnes en ayant consommé, de destruction des valves du c?ur, provoquant une insuffisance valvulaire souvent multiple ». La pneumologue du CHU de Brest précisait qu’ « en 1997, l’Isoméride, un proche cousin du Mediator, commercialisé par le même laboratoire Servier, a été retiré du marché parce qu’il pouvait détruire les valves du c?ur ». Une fois absorbé, « l’Isoméride se transformait en une sorte de petit « poison », la norfenfluramine, qui détruit petit à petit les valves cardiaques ».
Depuis son interdiction, l’heure est désormais au bilan, et il semble déjà lourd. Entre 1976 et novembre 2009, l’Afssaps estime qu’environ 5 millions de patients ont été traités par benfluorex avec une durée moyenne de prise du médicament d’environ 18 mois. Ainsi, 2,9 millions d’entre eux ont consommé du benfluorex pendant une durée de 3 mois ou plus. Au total, environ 144 millions de boîtes ont été délivrées, représentant une moyenne de 3 millions de mois de traitement par an entre 2002 et 2007. Mis en cause, les laboratoires Servier considèrent ces chiffres ne sont que des « extrapolations » peu fiables.
« Selon une méta-analyse américaine publiée en 2002 et portant sur les effets de médicaments dérivés de la fenfluramine (dont le Mediator est proche), une personne sur huit ayant pris un des médicaments de cette famille présenterait une atteinte des valves cardiaques », explique le docteur Georges Chiche (cardiologue à Marseille) dans Le Figaro. Bénignes dans la majorité des cas, les lésions des valves cardiaques causées par la consommation de ce médicament se traduisent généralement par une perte d’élasticité des tissus séparant dans le c?ur les oreillettes des ventricules. Plus rigides et plus dures, les valves aortiques ou mitrales deviennent fibreuses et perdent de leur souplesse.
5 millions de français concernés
Si l’Afssaps explique la lenteur de l’alerte sanitaire sur ce médicament par la difficulté de recueillir des données vérifiées à partir de signaux « faibles » et la survenue tardive de cas d’anomalies cardiaques pouvant être reliées à la prise de ce médicament, elle estime avoir pris la mesure de cette affaire dès 2009. L’Agence rappelle que dès la décision d’interdiction de ce médicament il y a tout juste un an, elle a établi alors des recommandations de suivi pour les patients ayant consommé du benfluorex.
L’agence sanitaire souligne ainsi avoir recommandé en novembre 2009 que les patients traités par le benfluorex arrêtent leur traitement et « consultent systématiquement leur médecin » traitant afin d’équilibrer si nécessaire leur diabète, mais aussi afin de dépister d’éventuels symptômes (essoufflement à l’effort) ou signes évoquant une atteinte valvulaire. Par mesure de précaution, l’Agence a également recommandé aux prescripteurs un interrogatoire et un examen clinique de tous les patients ayant eu un traitement par benfluorex dans le passé, à l’occasion de leur prochaine consultation médicale.
Aujourd’hui, si déjà plus de 4 000 victimes sont recensées, environ 5 millions de consommateurs de ce médicament sont potentiellement concernés pas cette alerte sanitaire et devraient consulter. « Quand le médicament a été retiré en novembre 2009, 300 000 personnes en prenaient encore tous les jours et aucune d’entre-elles n’a été informée des raisons de ce retrait » s’inquiétait le Dr Irène Frachon sur Enviro2B. Il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme.
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