Arnaud Mine, dirigeant d’URBASOLAR, et président de SOLER, branche photovoltaïque du Syndicat des énergies renouvelables (SER), participe activement aux réunions de concertation avec le gouvernement qui s’achèvent cette semaine pour redéfinir l’avenir de la filière solaire, dont les contours réglementaires vont être modifiés.
Depuis le moratoire de décembre dernier, où en sont les discussions menées actuellement avec le gouvernement ?
Un programme de travail a été défini avec une succession de réunions de concertation dans lesquelles le gouvernement expose une pré-position, à partir de laquelle les uns et les autres sont amenés à réagir. Mais il ne s’agit pas de réelles négociations.
Globalement, la position actuelle du gouvernement est inacceptable pour la filière par la plupart des participants, et notamment en ce qui concerne le marché, son volume et la dynamique de croissance de cette activité.
Enerplan s’est récemment positionnée en faveur d’un pilotage de cette filière en valeur financière plutôt qu’en quotas, êtes-vous également sur cette ligne ?
C’est vrai qu’un mécanisme de quotas de mégawatts constants reviendrait, dans un secteur technologique de baisse des coûts, à prévoir un chiffre d’affaires décroissant pour cette filière. De toute évidence, ce n’est pas le bon mécanisme. Comme la contrainte est budgétaire, il faut parler d’engagements budgétaires, à charge pour la filière de faire le maximum de mégawatts avec un budget déterminé.
Existe-t-il un consensus sur ce sujet dans la filière photovoltaïque ?
Oui, il y a consensus sur ce point là.
Quelle est la position du gouvernement ?
Le gouvernement considère qu’il y a une file d’attente de 2,8 GW de projets. On vise en 2020 une dépense annuelle de l’ordre de 2 milliards d’euros, au titre de la CSPE. Si les 2,8 GW de projets sont réalisés, on accepte ensuite une dépense annuelle de 500 MW, avec une politique assez agressive des tarifs d’achat. Voilà en résumé, ce qui est proposé.
Et celle de la filière ?
Les fameux 2,8 GW de projets en attente ne se concrétiseront pas tous. Le bon chiffre à prendre en compte est plutôt celui de 1,2 GW, tout le reste n’est que fantasme. De plus, le quota de 500 MW avancé par le gouvernement ne permet pas le développement d’une industrie, qui nécessite un minimum de 800 MW à 1 GW.
Plutôt que partir d’une dépense donnée, mais qui ne génère pas de valeur ajoutée pour la collectivité nationale, nous militons pour une croissance annuelle de 800 MW à 1 GW permettant le développement réel d’une industrie française dans le photovoltaïque.
Mais précisément, le gouvernement a dit stop, parce que la forte croissance du solaire coûte trop chère?
Quand vous créez une entreprise, vous n’établissez pas un business plan qui ne s’intéresse qu’aux charges, en omettant les produits. Nous démontrons que le développement du photovoltaïque est un investissement que la France est capable d’assumer, qui est chiffré par NKM à hauteur de 2 milliards d’euros par an. Avec cette somme là, nous sommes capables de créer une industrie en développant une filière économique. A horizon 2020, il ne s’agit plus d’une dépense mais d’un gain.
Concrètement, comment se traduit les aides accordées à votre filière, sur la facture EDF ?
La somme avancée de 2 milliards d’euros par an dans la filière solaire, correspond environ à une facture de 30 euros par an par ménage.
Sur la base de quel rythme de développement ?
Le développement que nous avons modélisé doit nous amener à 14 GW installés en 2020. Cette croissance s’accompagnera par la création d’une vraie industrie avec des dizaines de milliers d’emplois. En face d’un coût pour les ménages via la CSPE, il faut prendre en compte la création de richesses supérieures à l’investissement initial.
Et votre projection intègre quel tarif de rachat ?
Nous prévoyons une baisse de ce tarif d’environ 8% par an mais sur la base d’un calcul de la CSPE qui doit être différent, intégrant notamment que le solaire est une énergie diurne et les spécificités du solaire bâti. Mais cela fait 27 ans que je suis dans ce métier, et les prévisions à 10 ans sont systématiquement démenties par les faits car l’évolution de la technologie est toujours plus rapide que prévue.
Sur notre scénario des 14 GW, nous n’intégrons pas les sauts technologiques qui ne vont pas manquer d’arriver et qui vont générer des baisses de coûts, ni la réglementation thermique des bâtiments. Sans être un militant rêveur, nous devrions être plus proche en 2020 des 20 GW.
En termes de rendements, l’énergie photovoltaïque dispose-t-elle encore d’un gros potentiel ?
Oui, l’amélioration des rendements est en marche. Les technologies à bas prix au rendement actuellement de 11% sont en train d’être portées à 15%. Sur du cristallin, les travaux menés par le CEA ont permis d’atteindre en seulement 2 ans, le rendement de 20% obtenu par Sanyo en 20 ans de recherches.
Le développement du marché favorise l’accélération de la recherche et la croissance des rendements. En 2010, le marché mondial du photovoltaïque était déjà de 100 milliards d’euros, et son potentiel est encore énorme. En France, la puissance installée a été de 100 MW pour un marché d’environ 2,5 milliards d’euros.
L’officialisation de l’appel d’offres dans l’éolien offshore est-elle une mauvaise nouvelle pour votre filière ?
Non, cela n’a rien à voir, les filières ne sont pas en concurrence entre elles. Le gouvernement s’est simplement aperçu qu’il y avait une réelle opportunité industrielle dans l’éolien offshore. Il faut que le gouvernement perçoive qu’en matière de photovoltaïque, il y a aussi une réelle opportunité industrielle à condition de prendre le problème par le bon bout.
A la veille de la clôture de ces discussions, êtes-vous optimisme pour l’avenir de votre filière ?
Je ne peux dire que je sois optimiste. La vision actuelle du gouvernement ne correspond absolument pas à la réalité des choses. Il n’y a pas lieu d’être non plus radicalement pessimiste mais il faut que le gouvernement ait le courage de réformer réellement les mécanismes actuels, en n’ayant pas comme seul objectif de limiter uniquement la dépense. Il serait inconcevable qu’on ne nous entende pas.
Quelle est la date butoir ?
Normalement c’est mi-février.
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