Par les principaux acteurs de la filière photovoltaïque française (AIPF, APESI, ARF, CLER, ENERPLAN, FNCCR, FNE, HESPUL?) qui co-signent une lettre ouverte pour défendre l’avenir de l’énergie solaire en France, à quelques jours de l’annonce par le gouvernement, des nouvelles règles du jeu fixées dans ce secteur.
Organisations professionnelles de l’énergie et du bâtiment, associations de protection de l’environnement, représentants des collectivités locales, organismes divers participant à la concertation sur l’avenir du photovoltaïque, nous ne pouvons imaginer que notre pays, 5ème économie mondiale et berceau historique de la filière, décide volontairement de se mettre hors-jeu de l’une des compétitions internationales les plus prometteuses pour l’économie, l’emploi et l’environnement : celle de l’électricité solaire.
C’est pourtant ce à quoi conduiraient inéluctablement les propositions actuelles de l’État, notamment la mise en place de quotas annuels notoirement sous-dimensionnés et d’appels d’offres dont on sait d’expérience qu’ils n’ont jamais fonctionné efficacement.
Tout le monde s’accorde pour exiger que le coût supporté par la collectivité pour soutenir le décollage de la filière photovoltaïque soit maîtrisé et que le maximum de valeur ajoutée reste en France, mais aussi pour reconnaître que ce sont les défauts du précédent système qui ont conduit aux dérives ayant motivé la suspension en décembre dernier du dispositif dans des conditions douloureuses.
L’État fait son devoir en voulant corriger au plus vite ces défauts, surtout en période de crise et de rareté de l’argent public. Mais les propositions formulées par la DGEC dans le cadre de la concertation, si elles étaient réellement appliquées, signeraient l’arrêt de mort d’une industrie naissante et des 25 000 emplois qu’elle a créés en trois ans.
Après le soutien appuyé au développement de la filière au plus haut niveau de l’État, c’est la parole même de ce dernier qui serait remise en cause, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer sur sa crédibilité.
Des solutions pour une sortie par le haut existent : il faut les explorer et ne pas s’enfermer dans une logique à trop courte vue.
Les constats :
– la dynamique mondiale de baisse des coûts du photovoltaïque le conduira à la compétitivité avant 2020 : le dispositif de soutien est donc transitoire, son coût pour la collectivité est prévisible et maîtrisable ;
– une industrie française performante et compétitive ne pourra exister et exporter que si elle peut s’appuyer sur un marché domestique suffisant et en croissance régulière, justifiant des efforts de recherche privée et publique : la proposition d’un quota annuel de 500 MW conduit mécaniquement à une décroissance du chiffre d’affaires, elle est mortifère pour l’industrie ;
– Le caractère d’intérêt général de la production d’électricité photovoltaïque est incontestable, l’objectif de 5 400 MW de puissance installée en 2020 doit donc être considéré comme un plancher, tel que c’était le cas dans les groupes de travail « Grenelle », et non comme un plafond, et son dépassement, dès lors que le coût en est maîtrisé, doit être perçu comme une excellente chose ;
– les craintes légitimes d’explosion du coût pour la collectivité proviennent de défauts de conception tant dans la structure des tarifs d’achat que dans le calcul de la compensation par la CSPE : une refonte du dispositif doit englober l’ensemble des paramètres, y compris ceux impliquant des modifications législatives si nécessaire.
Nos propositions :
– adopter un pilotage par le plafonnement du montant annuel de la CSPE alloué au photovoltaïque plutôt qu’en puissance installée, de façon à maîtriser le coût pour la collectivité tout en offrant des perspectives de croissance à l’industrie et en l’incitant à accélérer la baisse de ses coûts de production ;
– exclure tout système d’appels d’offres, quel que soit le volume et la catégorie visée. Seules les centrales au sol d’une certaine puissance, par exemple de plus de 6 MW, pourraient, le cas échéant, être régies par une procédure d’appels à projets ;
– revoir le mode de calcul de la CSPE, pour en diminuer le poids pour le consommateur en valorisant la production solaire au prix réel du marché en fonction des coûts directs et indirects qu’elle évite ;
– moduler les tarifs d’achat pour permettre à toutes les applications et segments de marché économiquement et écologiquement pertinents de trouver une rentabilité acceptable sur l’ensemble du territoire. Ceci implique une dégressivité en fonction de la puissance installée (effet d’échelle) et un coefficient de péréquation en fonction de l’ensoleillement ;
– entreprendre un effort de rééquilibrage en faveur des systèmes de moyenne et grande puissance intégrés ou posés sur bâtiments dans la perspective du « bâtiment à énergie positive », objectif central du Plan Grenelle Bâtiment pour 2020. Ce « coeur de métier » du photovoltaïque, délaissé par la DGEC, représente un marché essentiel pour développer une industrie offrant des solutions fiables, durables et compétitives à l’export ;
– introduire un mécanisme d’ajustement des tarifs à la baisse qui tienne compte de la réalité du marché, sur le modèle allemand de « corridor » annuel basé sur un prévisionnel à moyen terme avec possibilité de révision au plus semestrielle et non trimestrielle.
Le Ministre de l’Ecologie, Madame Nathalie Kosciusko-Morizet a évoqué le chiffre de 2 milliards d’Euros comme plafond annuel de la CSPE liée au photovoltaïque d’ici 2020 : c’est une base de discussion tout à fait acceptable qui permettrait, nous en sommes convaincus, de concilier les contraintes des uns et les ambitions des autres, et de bâtir dans la transparence et la confiance retrouvée un projet industriel ambitieux, moyennant des évolutions structurelles adaptées comme nous les proposons.
C’est pourquoi nous en appelons au Gouvernement et à la représentation nationale pour confirmer que la concertation en cours est clairement ouverte non pas seulement sur des aménagements immédiats à la marge qui ne feraient que déclencher l’agonie d’un pan stratégique de l’industrie française et ouvrir la voie à des importations massives dans un proche avenir, mais bien sur une refonte en profondeur du dispositif, pour laquelle nous faisons des propositions chiffrées réalistes et cohérentes avec le double objectif de développement industriel et de maîtrise des coûts.
Cette refonte peut prendre un peu de temps, mais des mesures immédiates sont évidemment nécessaires dès la fin du moratoire, notamment pour la gestion des projets en attente : l’ouverture de réelles perspectives d’avenir faciliterait grandement la recherche de solutions acceptables et conformes à la voie tracée ensemble.
Commentaires récents