Adeline Mathien, chargée de mission Energie pour France Nature Environnement, qui fédère en France près de 3 000 associations de protection de l’environnement. Suscitant une levée de boucliers écologistes, les permis d’exploration de gaz de schiste dans le Sud de la France viennent d’être suspendus pour quelques mois par le ministère de l’Ecologie. L’hexagone pourrait receler d’importants gisements de gaz de schiste, mais les écologistes entendent s’opposer à leur exploitation.
Qu’est-ce que le gaz de schiste ?
C’est un gaz qui est contenu dans les roches sédimentaires et qui n’a pas fini sa maturation, contrairement au gaz traditionnel que l’on aspire plus simplement. Pour exploiter ce gaz de schiste, il faut donc fracturer la roche et y injecter de l’eau et des tas de produits chimiques à très haute pression.
A quelle profondeur ?
On trouve ce gaz à de grandes profondeurs, de l’ordre de 2 à 3 000 m. Le forage est d’abord vertical puis horizontal.
Depuis combien de temps ce gaz de schiste est-il exploité dans le monde ?
La technique est au point depuis 2005 aux Etats-Unis où il est aujourd’hui intensivement exploité. Les USA sont même passées devant la Russie en terme de production de gaz, à la faveur de cette exploitation de gaz de schiste.
A-t-on une idée précise des ressources mondiales de gaz de schiste ?
Les spécialistes estiment que les réserves mondiales de gaz de schiste représenteraient plus de quatre fois les réserves de gaz conventionnel. Avec ses bassins sédimentaires, la France représenterait un gisement important en Europe, évalué à 25% des réserves européennes. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les ressources mondiales seraient considérables, au point de révolutionner totalement la carte géopolitique mondiale de l’énergie.
Une fois récupéré, le gaz de schiste est-il comparable au gaz conventionnel ?
Tout à fait, il est utilisé de la même façon. Quand on parle de gaz de schiste, on englobe également les huiles de schiste, qui sont des hydrocarbures comme le pétrole, mais qui n’ont pas fini leur maturation.
Le gaz de schiste représente-t-on un enjeu considérable, surtout pour des pays comme la France, jusqu’à présent pauvre en ressources énergétiques ?
C’est l’un des principaux arguments du gouvernement, qui a accordé des permis dans le Sud. L’Etat évoque l’indépendance énergétique de la France.
On a pas de pétrole, mais on a du gaz de schiste ?
C’est tourner le dos à une nouvelle politique de l’énergie vers un monde décarboné et aux énergies renouvelables.
Ce gaz de schiste pourrait représenter un complément à ces énergies ?
Oui, mais cela va à l’encontre de nos engagements de réduction des émissions de CO2. Sur le plan environnemental, c’est catastrophique.
Justement, pourquoi l’exploitation du gaz de schiste vous fait peur ?
L’exploitation de gaz de schiste représente un risque principalement pour les nappes phréatiques. Le liquide de fracturation est constituée d’eau et d’un cocktail de produits chimiques, évalué à près de 500 aux Etats-Unis.
Ce mélange chimique est tenu secret par les sociétés qui exploitent ces forages mais des analyses ont été effectuées dans les nappes polluées. On a retrouvé des produits cancérigènes, mutagènes, etc… dans les nappes phréatiques au-dessus des forages, des polluants qui sont remontés notamment par des failles issus de la fracturation.
Selon l’IFP, les accidents américains survenus lors d’exploitation de ces gaz de schiste s’expliqueraient essentiellement par un manque de sécurisation du process et non par l’exploitation elle-même ?
Nous considérons que l’exploitation du gaz de schiste représente un risque réel de contamination.
Que pensez-vous du moratoire décidé par le ministère de l’Ecologie pour quelques mois ?
FNE a demandé la suspension des travaux de recherche et un débat public sur cette question des gaz de schiste et plus largement sur l’exploitation des gaz non conventionnels. Le ministère de l’Ecologie a commandé une mission interministérielle qui auditionnera uniquement les industriels concernés. De notre côté, nous demandons que l’ensemble des parties prenantes soient auditionnées.
Pour conclure, vous êtes contre toute exploitation de ces gaz, même sécurisée et contrôlée ?
FNE s’oppose clairement à ce type d’exploitation.
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