Après avoir déjà largement exposés leur point de vue dans les médias sur le scandale du Mediator, Bernard Debré et Philippe Even ont remis officiellement à Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand, leur rapport sur la refonte indispensable du système français de pharmacovigilance. Très critiques, ils dénoncent notamment la « totale faillite » de l’Afssaps.
Mandaté par le Président de la République pour faire un état des lieux du système français de contrôle de l’efficacité et de la sécurité des médicaments, et proposer des pistes pour le réformer, l’urologue Bernard Debré a rédigé avec son ami pneumologue Philippe Even un rapport extrêmement critique notamment vis-à-vis de l’Agence française de sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé «une agence sans pilotes expérimentés, encore aujourd’hui, à 100 lieues de mesurer son échec ». Pour les deux médecins, la récente publication en catastrophe d’une liste brute de 77 médicaments « sous surveillance renforcée » loin de faire la preuve de sa prise de conscience, représente « un terrible aveu involontaire et pathétique d’incompétence (?) révélateur de son inaptitude générale à gérer la sécurité sanitaire ».
Décrivant l’Afssaps comme « un monde clos, fermé sur lui-même, sans contact avec les instances professionnelles et universitaires médicales et pharmaceutiques et avec les praticiens, les pharmaciens d’officine et les patients », le rapport souligne « la trop fréquente dépendance » de cette agence, et « le manque de qualification scientifique et clinique » de ses milliers experts internes et externes. Car au-delà de l’organisme lui-même, c’est la notion même d’expertise que le député Debré et le président de l’Institut Necker remettent en question.
« On n’est pas expert sous prétexte qu’on reçoit un dossier à expertiser, mais on reçoit un dossier parce qu’on est un expert reconnu, pharmacologue ou clinicien » rappellent les deux médecins. « Il vaut mieux peu d’experts indépendants, compétents, décisionnels et responsables, qu’une armée des ombres d’experts qui n’en sont pas et ne prennent de décisions que collectives, anonymes, peu motivées, mal diffusées et parfois sous influence » affirme le rapport.
Un projet de loi « avant l’été »
Considérant comme essentielle la mission d’évaluer et surveiller les médicaments pris par 65 millions de Français, le rapport Debré-Even considère que cette mission doit être reconnue au même titre que les soins, la recherche et l’enseignement, comme l’une des quatre missions essentielles des universitaires. Les médecins préconise « un véritable statut et une reconnaissance particulière des experts » qui pourraient être détachés à plein temps ou à mi-temps pour garder le contact avec les malades, pour des périodes de 3 ans renouvelables, avec garantie de retour et protection des carrières.
Plus qu’une réforme de l’Afssaps créée en 1998, le rapport propose plutôt la création d’une nouvelle agence du médicament en charge de l’évaluation et de la surveillance des produits de santé. Mais au-delà de cette refonte organisationnelle indispensable, dans la droite ligne avec les récentes propositions du magazine indépendant Prescrire, le rapport estime qu’il est urgent « changer d’état d’esprit » en remettant notamment le patient au c?ur des enjeux des politique de santé publique.
Promettant que ce rapport ne restera pas « lettre morte », le ministre de la Santé Xavier Bertrand a annoncé un projet de loi espéré « avant l’été ».
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