Thierry Charles, directeur de la sûreté des installations nucléaires, et porte-parole de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, a commenté mercredi après-midi la situation à Fukushima et ses conséquences techniques, sanitaires et environnementales.
Comment évolue la situation à Fukushima ?
Elle reste grave. Les combustibles des 3 réacteurs fortement endommagés ont certainement fondus. S’agissant du réacteur n° 1, le combustible partiellement fondu est toujours dans la cuve du réacteur. Pour les réacteurs n° 2 et 3, nous n’avons pas eu confirmation qu’il n’y a pas déjà eu une dégradation de la cuve par ce c?ur fondu.
Le pire est-il encore à venir ?
Si la situation est toujours sérieuse à Fukushima, elle semble cependant stabilisée. Les réacteurs sont désormais refroidis régulièrement par de l’eau projetée en masse, mais cette eau contaminée s’est écoulée sur le site et dans l’océan.
Justement, cette eau contaminée se répand partout sur le site et dans la mer?
Tepco veut aujourd’hui réduire au maximum les rejets sur le site et en mer, en pompant l’eau pour la mettre dans des réservoirs. Le groupe privilégie la mise en cuve de cette eau, ce qui sera plus efficace. Il faudra par la suite réfléchir aux meilleures solutions pour traiter cette eau contaminée.
Pourquoi avoir inondé à ce point le site, au point de contaminer aussi l’océan ?
Lors de l’accident, les exploitants ont été confrontés d’un coup à des incidents majeurs dans les 6 réacteurs et les 7 piscines d’entreposage de combustibles usés. Tepco a réagi dans l’urgence pour refroidir coûte que coûte les c?urs des réacteurs et remettre de l’eau dans les piscines. L’objectif était alors d’éviter à tout prix un accident encore plus grave.
Si l’eau a permis de contenir une situation critique, elle est devenue aujourd’hui un problème aux salariés de Tepco dans leurs opérations. L’objectif est désormais de recueillir cette eau contaminée.
Combien de temps faudra-il pour que cette catastrophe soit totalement sous contrôle ?
Encore plusieurs semaines. Tepco parvient aujourd’hui à injecter de l’eau pour refroidir la fusion actuelle des réacteurs, afin d’éviter qu’elle ne perce la cuve et atteindre le béton de l’enceinte de confinement. Mais la situation sera vraiment maîtrisée lorsque Tepco pourra conserver l’eau dans la cuve des réacteurs en les refroidissant de manière permanente.
Pour revenir en France, l’IRSN a publié des relevés très rassurants sur les niveaux de radioactivité relevés dans l’hexagone, comme outre-mer, à la suite du premier panache issu du Japon, en attendez-vous d’autres ?
Oui, il y en aura d’autres, même si on s’attend à recueillir des niveaux de radioactivité aussi faibles que ceux relevés jusqu’à présent.
Même différente, cette catastrophe est-elle finalement aussi grave qu’à Tchernobyl ?
Malgré sa gravité et ses rejets déjà importants, l’accident de Fukushima n’aurait rejeté qu’environ 10% des radioéléments les plus volatils (iodes, césiums, et tellures) libérés à Tchernobyl, selon les calculs de l’IRSN. Par ailleurs, les zones concernées au Japon sont plus faibles que celles de Tchernobyl, tout simplement parce qu’une partie des rejets atmosphériques a été diffusée au-dessus de l’océan, et non pas au sol.
Pour finir, la zone actuelle d’évacuation des 20 km autour de la centrale sous semble-t-elle suffisante ?
Il faut distinguer les périmètres d’évacuation avant qu’il n’y ait de rejet, l’objectif étant de soustraire les populations à l’impact du rejet qui va arriver, des zones de protection post-accidentelles qui, elles, sont définies sur la base de mesures faites sur le terrain.
S’agissant des périmètres d’évacuation, de mise à l’abri ou de prise d’iode, ils sont en principe définis à partir d’une estimation des rejets futurs, et non sur la réalité des dépôts sur les zones concernées par les rejets. Ces périmètres d’évacuation s’expriment en cercles ou en portions de cercles, selon les prévisions météo notamment.
Mais il y a déjà plus de 15 jours que cette catastrophe s’est déclenchée et cette zone n’a pas évoluée…
Les zones de protection post-accidentelles sont définies à partir des mesures relevées sur le terrain. Suite à l’accident, une cartographie des contaminations des sols sera réalisée, qui sera fonction des directions des vents et des pluies qui ont touché ces régions. On obtient des contaminations dites « en taches de léopard ». Ainsi, selon la météo réellement enregistrée, on constatera des dépôts localisés plus ou moins importants selon les zones concernés.
Il faut maintenant faire des mesures précises de la contamination réelle pour évaluer les actions à mener qui peuvent être l’éloignement ou des restrictions quand à la consommation des productions agricoles locales.
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