Si les autorités nippones ont minoré pendant plusieurs semaines l’impact radioactif de la catastrophe de Fukushima, elles ont annoncé lundi l’extension de la zone d’évacuation des populations autour de la centrale en crise, sans toutefois en préciser encore les contours. A en croire les mesures radioactives relevées à plusieurs dizaines de kilomètres de Fukushima, il est plus que temps d’évacuer, et sans doute même déjà trop tard pour des milliers de japonais.
« C’est une chose très difficile, mais nous allons demander aux populations concernées de partir dans le mois à venir », a annoncé Yukio Edano, le porte-parole du gouvernement nippon. Un mois après le début de la catastrophe nucléaire toujours en cours au Japon, Tokyo semble seulement prendre aujourd’hui la mesure de l’impact de cet accident sur les populations, avec beaucoup de retard.
Si les informations chiffrées ont manquée les premiers jours, les mesures de la radioactivité relevées depuis à différents endroits autour de la centrale de Fukushima laisse désormais peu de place au doute. Après avoir tout d’abord classé l’accident au niveau 4 de l’échelle de l’INES le 12 mars dernier, passé ensuite à 5, l’autorité de sûreté nucléaire japonaise (NISA) vient finalement de relever considérablement l’impact de cet accident pour le porter désormais à 7.
Rejet majeur
Le niveau 7 sur l’échelle de l’INES confirme désormais que la catastrophe de Fukushima a généré un « rejet majeur » de matières radioactives en dehors de la centrale, comme le souligne la CRIIRAD. Le reclassement est basé sur les évaluations de rejets atmosphériques effectuées par l’agence japonaise de sûreté nucléaire (NISA, Nuclear and Industrial Safety Agency) et par la Commission de sûreté nucléaire japonaise (NSC, nuclear safety commission) rappelle le laboratoire indépendant.
L’évaluation du NISA donne pour Fukushima Daiichi « un rejet 7 fois supérieur au seuil de classement au niveau 7 », alors que celle du NSC (basée elle aussi sur un calcul expérimental) aboutit à une valeur près de 13 fois supérieure révèle la CRIIRAD. Il s’agit des rejets effectués à ce jour. Cela ne préjuge pas des évolutions à venir et ne prend ni en compte les rejets de produits radioactifs dans l’atmosphère, ni les rejets dans l’Océan Pacifique (massifs mais non documentés) souligne le laboratoire de Valence.
Dans la lignée de la positon de la CRIIRAD, l’ACRO, créé également après la catastrophe de Tchernobyl, tire la sonnette d’alarme. Le laboratoire associatif d’analyse de la radioactivité a analysé des échantillons de terre et d’eau en provenance des municipalités de Iitate, de Kawamata et de Fukushima, situées entre 40 km et 50 km au Nord Ouest de la centrale accidentée. Et la situation est « alarmante ».
1,9 millions de becquerels par m2
Le sol des fermes et des champs de riz est « fortement contaminé » en tous les points où des prélèvements ont été faits. De l’iode 131, des césiums 134, 136 et 137? et de nombreux autres radioéléments ont été détectés souligne l’ACRO. La contamination par l’iode 131 est « prépondérante » affirme la laboratoire français. Les niveaux sont tels qu’ « il serait prudent d’évacuer le village d’Iitate : au lieu dit Maeda » pour l’ACRO qui a détecté 1,9 millions de becquerels par mètre carré.
L’addition des relevés et mesures et l’accumulation des doses dans le temps depuis maintenant un mois conduit à « un tableau particulièrement préoccupant » souligne la CRIIRAD, et bien au-delà des 30 km retenus par les autorités pour la mise en ?uvre des actions d’évacuation, de confinement et de distribution d’iode stable. Pour les deux laboratoires français experts en radioactivité, l’urgence au Japon est plus que jamais de protéger les milliers de japonais exposés chaque jour, depuis maintenant 4 semaines à des doses de radioactivité très inquiétantes.
Pour l’institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN, qui a établi une carte estimant les doses de radiation reçues au Japon et celles prévisibles pendant 1 an, les rejets font apparaître « une bande orientée vers le nord-ouest, de quelques dizaines de kilomètres de long, où les dépôts semblent avoir été nettement plus importants qu’ailleurs », sans doute à cause de la pluie ou de la neige qui est tombée sur cette zone au moment de la dispersion du panache radioactif.
Très forte radioactivité en dehors de la zone de protection
Rappelant que la dose corps entier reçue annuellement par les français est en moyenne de 3,7 mSv, résultant essentiellement de l’exposition à la radioactivité naturelle ou à usage médical, l’IRSN a révélé hier que les doses évaluées au Japon, sont supérieures à 18 mSv à 30 km autour de la centrale et même supérieurs à 30 mSV dans certaines villages situés à une quarantaine de kilomètres de la centrale de Fukushima, en dehors de la zone de protection.
L’institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire souligne qu’il existe deux voies principales de contamination : la contamination interne par ingestion de denrées issues de cultures locales, principalement les légumes à feuilles et le lait frais ; et l’exposition externe au rayonnement émis par le dépôt. Secondairement, il existe un risque d’ingestion involontaire de particules radioactives non fixées sur les surfaces (dépôt labile) précise l’IRSN.
Commentaires récents