Au lendemain de l’ouverture d’un grand parapluie gouvernemental sur la question sensible du gaz de schiste, un premier rapport d’étape de la mission conjointe du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) vient d’être remis au gouvernement. Plutôt favorable, il souligne notamment que la France serait « parmi les pays les plus prometteurs au niveau européen » en la matière.
Dans l’état actuel de nos connaissances, les ressources en gaz et huiles de roche-mère de notre pays restent « largement inconnues », faute d’avoir réalisé les travaux de recherches nécessaires à leur estimation souligne le rapport provisoire dans ses conclusions. Néanmoins, si ces ressources ne sont pas définitivement prouvées, la comparaison avec les formations géologiques comparables laisse à penser que notre pays est « parmi les pays les plus prometteurs au niveau européen en huiles dans le bassin parisien (100 millions de m3 techniquement exploitables) et en gaz dans le sud du pays (500 milliards de m3) » précise les experts.
Techniquement, le rapport reconnaît qu’il reste « encore des marges de progrès à réaliser et des approches innovantes à susciter », aussi bien en termes d’optimisation des forages pour accéder au maximum des ressources que pour rendre ces forages compatibles avec la protection de l’environnement. Les experts missionnés font état des « fortes préoccupations » d’élus et d’associations en matière de prélèvement sur la ressource en eau et de risques de pollution, considérant que la compatibilité d’une exploitation d’hydrocarbures non conventionnels apparaît « problématique dans certains territoires » dont l’économie repose sur l’image de marque, l’agriculture et l’activité touristique.
Ne pas rester dans l’ignorance
Favorable à la poursuite des recherches, le rapport préconise de respecter 4 conditions pour maîtriser techniquement les risques et limiter l’impact de l’activité industrielle. Le CGIET et le CGEDD recommandent une bonne connaissance de la géologie et de l’hydrogéologie locales, que les meilleures technologies disponibles soient utilisées, que les travaux de recherches d’hydrocarbures soient strictement encadrés d’un point de vue technique et juridique, et enfin que l’autorité en charge de la police des mines exerce ses contrôles avec rigueur.
Au-delà ces recommandations somme toute logique, le rapport considère surtout qu’il serait « dommageable », pour l’économie nationale et pour l’emploi, que notre pays aille jusqu’à s’interdire l’exploitation de ces gaz non conventionnels. Pour le CGIET et le CGEDD, « rester dans l’ignorance d’un éventuel potentiel ne serait cohérent ni avec les objectifs de la loi POPE, ni avec le principe de précaution ». Mais, pour ce faire, il est indispensable de réaliser des travaux de recherche et des tests d’exploration conclut le rapport.
Parmi les conseils des experts comme une consultation préalable du public, le document remis au gouvernement préconise également une révision fiscale afin d’intéresser financièrement les collectivités territoriales à cette exploitation. De manière surprenante, le rapport oublie d’intéresser également financièrement les propriétaires privés qui se verraient tout bonnement expropriés.
Forte mobilisation des opposants
Si le rapport donne des arguments aux défenseurs de recherches plus poussées en la matière, il devrait nourrir la polémique entre un gouvernement prudent et marchant sur des ?ufs dans cette affaire, et les écologistes et élus locaux, opposés à toute exploitation, soit par principe, soit par intérêts particuliers. Car en Ardèche, en Seine-et-Marne ou dans le Larzac, la mobilisation déjà forte risque de se poursuivre.
Pour le collectif 07 Stop au gaz de schiste, « la ficelle est trop grosse ». Considérant ce rapport comme une commande favorable à ces gaz non conventionnels, le mouvement ardéchois craint qu’il accélère l’exploitation et les forages notamment en Ardèche.
Il faut dire que ce rapport tombe mal, remis quelques jours seulement après la publication d’une étude alarmante de la Commission de l’Energie et du Commerce de la Chambre des représentants américaine, qui a révélé l’utilisation de produits cancérigènes dans l’exploitation de cette source d’énergie. Pour en rajouter, un accident avec déversement de liquide de forage s’est par ailleurs produit mardi en Pennsylvanie polluant la rivière voisine. La question du gaz de schiste en France est décidément loin d’être réglée.
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