Après avoir dénoncé il y a déjà 5 ans les graves anomalies de gestion des institutions sociales du personnel des industries électriques et gazières (IEG), ainsi qu’un mode de financement « opaque », la Cour de comptes publie aujourd’hui un nouveau rapport accablant en dressant le constat d’une « situation aggravée ».
Le comité d’entreprise d’EDF et de GDF Suez est décidément incorrigible. Après avoir été fait sérieusement épinglées en 2007, les instituions sociales des IEG s’étaient engagés à réformer son mode de gestion vers plus de transparence. Après avoir enregistré un déficit record de plus de 60 millions d’euros en 2008, la caisse centrale des activités sociales (CCAS) était sous pression.
A en croire le rapport des magistrats de la Cour des comptes, qui vient d’être publié aujourd’hui, la situation ne s’est pas améliorée, mais elle s’est au contraire « aggravée ». Après un an et demi de travail, la haute juridiction juge très sévèrement la « réforme de façade » du comité d’entreprise des salariés d’EDF et GDF Suez, un paquebot à la dérive depuis de nombreuses années qui peine à redresser la barre.
Il faut dire que cette question concerne 652 000 personnes (actifs, retraités et ayants droit) travaillant dans les industries électrique et gazière. Issu de l’après-guerre, le dispositif social de ce secteur bénéficie de véritables « privilèges » d’un autre temps. La caisse centrale des activités sociales (CCAS), les 69 caisses mutuelles complémentaires d’action sociale (CMCAS), les 600 sections locales de vie et le comité de coordination employaient 4 800 agents en 2009, pour un budget de 710 millions d’euros.
Dossier sensible et politique
Si la question demeure sensible, dans un secteur énergétique syndiqué et politisé, elle reste pour l’heure sans réponse. Car si le rapport précédent de la Cour des comptes était déjà très critique, le constat de 2011 est tout aussi accablant, malgré la réforme annoncée par le comité d’entreprise des IEG.
Constatant que dans les faits, l’Etat n’exerce pas son pouvoir de contrôle, les magistrats soulignent que les institutions sociales des IEG disposent d’une autonomie complète de gestion. Elles n’en sont que plus responsables de leur situation financière estime la Cour des comptes.
La haute juridiction rappelle que qu’elle avait relevé dans son rapport de 2007, non seulement « l’inadaptation du droit en vigueur », mais aussi « la lourdeur excessive » de l’organisation des institutions sociales du personnel des IEG, « l’opacité de leur gestion » et l’existence de « multiples atteintes aux droits fiscal, du travail et de la concurrence ». La Cour avait souligné le « caractère hypertrophié, coûteux et propice à une mauvaise gestion » de l’organisation des institutions sociales.
Gestion « dégradée »
La Cour constate que la gestion s’est « dégradée ». L’abondance des recettes n’a permis ni le développement de nouvelles activités sociales, ni la remise à niveau du parc immobilier des centres de vacances souligne les magistrats. Faute de projection, une réserve de trésorerie de court terme a été constituée et utilisée à des objets étrangers aux missions confiées aux institutions sociales par le statut de 1946 note la Cour des comptes.
Mais ce n’est pas tout. Les magistrats relèvent également des « acquisitions externes coûteuses » qui ont entraîné un « gâchis financier ». La Cour évoque notamment que la CCAS a dispersé sa trésorerie dans des acquisitions externes alors que la fréquentation de ses centres diminuait du fait d’un manque de rénovation et d’entretien. La CCAS est ainsi devenue une holding à la tête de 35 sociétés civiles, d’un GIE et d’une société par action simplifiée achetée en bourse, la Compagnie Internationale André Trigano (CIAT).
La Cour relève que la trésorerie du comité, abondante en 2007 (+115,8 millions d’euros) a été dispersée à hauteur de 108 millions en trois années, principalement pour combler des déficits, procéder à des acquisitions ou verser des avances de trésorerie aux SCI déficitaires. Compte tenu de la situation financière de la CCAS, la Cour considère que les profonds changements qu’elle recommandait il y a quatre ans doivent désormais être mis en oeuvre au plus vite.
En finir avec le 1% sur le CA
Le rapport recommande à l’Etat, aux fédérations syndicales des salariés et aux fédérations d’employeurs de « travailler de concert » à transposer aux institutions sociales les dispositions du droit du travail applicables aux comités d’entreprises. Par ailleurs, la Cour des comptes demande de nouveau d’asseoir le financement des institutions sociales désormais sur la masse salariale de toutes les IEG et non plus sur le 1% du chiffre d’affaires des ventes d’électricité et de gaz, comme actuellement.
Pour la Cour, il incombe aux institutions sociales de « réduire drastiquement » leur réseau territorial (CMCAS, SLV, réseau déconcentré de la CCAS) pour diminuer le poids des frais de structure, et en particulier les dépenses de personnel ; de supprimer l’IFOREP ; de mettre un terme aux dépenses éloignées de l’objet même des institutions sociales, et enfin de mettre en place un plan de redressement pluriannuel des finances de la CCAS.
Michael Fieschi, président de la CCAS se défend dans un vidéo. La Cour des comptes sert le même parti pris qu’en 2007 affirme le responsable du comité d’entreprise des IEG qui considère qu’elle « dépasse le cadre de ses prérogatives ». Ne répondant aux critiques précises de la Cour des comptes, Michael Fieschi considère que la Cour « s’immisce dans les négociations qui doivent avoir lieu entre employeurs et les organisations syndicales ».
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