Par Patrick Grosse, directeur de la publication d’Enviro2B, éditeur de sites internet et professionnel de la veille stratégique.
Dans la cacophonie ambiante en matière de sécurité routière, il serait temps de faire toute la lumière sur les chiffres complets de l’accidentologie routière en France, et ne pas se limiter aux seuls chiffres glaçants mais insuffisants des blessés et morts, victimes de la route. Où risque-t-on le plus un accident ? En ville, en campagne, au Nord, au Sud, sur les routes nationales, sur autoroute?
Qui sont les principaux responsables de ces accidents ? Les jeunes, les vieux, les femmes, les commerciaux? Pourquoi ? Est-ce l’alcool qui est en cause, la vitesse, le téléphone portable, le GPS, une mauvaise visibilité, une route dégradée, un axe dangereux… Quand ? Le lundi matin ou le samedi soir ? Autant d’informations qui permettraient de nourrir intelligemment le débat sur la question, et légitimer des mesures ciblées et efficaces pour réduire au maximum les victimes de la route.
Suite aux mauvais chiffres de la sécurité routière début 2011, le gouvernement peine à clarifier sa nouvelle stratégie. Lorsque les uns disent noir, les autres disent blanc, voir gris, difficile d’y voir clair dans les déclarations contradictoires du ministère de l’Intérieur, de François Fillon, des députés UMP.
Après plusieurs années de dynamique vertueuse sur les routes françaises, la sécurité routière a enregistré de mauvais chiffres début 2011 au point de contraindre le gouvernement à remettre en cause sa stratégie mixant prévention et répression. Provoquant la levée de boucliers des députés UMP, l’annonce de la suppression des panneaux avertisseurs de radars, comme celui des avertisseurs GPS, fait polémique.
Après avoir annoncé la suppression de ces panneaux préventifs, Claude Guéant est revenu hier sur ces propos devant les députés frondeurs, pour finalement assuré le soir sur France 2 qu’ « il n’y a aucun changement de cap », évoquant une nouvelle fois, comme devant les députés de la majorité, la mise en place de « radars pédagogiques ». S’il y a consensus pour poursuivre la politique volontariste engagée par Chirac pour faire baisser le nombre de morts et de blessés sur les routes françaises, le moyen d’y parvenir fait de plus en plus débat.
Qui croire ?
Qui faut-il croire ? Lorsque François Fillon affirme que son gouvernement « ne reviendra pas sur la fin de la signalisation systématique des radars. », son ministre de l’Intérieur modère le propos en annonçant la mise en place de « radars pédagogiques ». Difficile d’y voir clair. Claude Guéant est même allé plus loin : chaque panneau avertisseur sera, à terme, remplacé par un radar pédagogique qui indique à l’automobiliste sa vitesse, sans le verbaliser.
« Il y aura toujours un radar pédagogique avant un radar fixe mais il y a aura aussi des radars pédagogiques qui ne seront pas suivis de radars fixes », a précisé hier l’ancien secrétaire général de l’Elysée. Revenant sur une précédente annonce, Claude Guéant a donc affirmé qu’aucun automobiliste ne pourra donc pas être flashé par surprise avant un radar fixe, sans être prévenu.
« Il y a eu un problème de communication » a reconnu ce matin Christian Jacob aux micros de RMC. Le chef de file des députés UMP a précisé, en brouillant encore un peu plus les cartes sur la mesure précise gouvernementale, qu’il y aura bien des radars pédagogiques, mais aussi des radars sans qu’il y ait systématiquement des panneaux avertisseurs. Bref, difficile de faire moins clair.
Où, quand, comment ?
Au final, il faudrait rappeler que les radars fixes sont installés en principe dans des zones accidentogènes, ce qui justifiait l’installation de panneaux préventifs avertissant ces contrôles. La suppression systématique de ces panneaux préventifs pourrait avoir une conséquence directe et concrète : une augmentation immédiate des accidents dans ces zones dangereuses, précisément le contraire de l’objectif poursuivi !
Au-delà de la simple question des radars, des panneaux préventifs, des avertisseurs de radars, il est surprenant que personne ou presque ne s’interroge que la nature précise des chiffres de l’accidentologie sur les routes françaises. Pourquoi la sécurité routière communique facilement sur les chiffres bruts des morts et des blessés à déplorer sur les routes de France, sans préciser où, comment, quand ?
Pour être efficace sans donner l’impression de taper systématiquement au porte-monnaie des automobilistes français, qui dans leur grande majorité ne sont pas des criminels de la route, la sécurité routière doit jouer la transparence. Même drastiques et contraignantes, les mesures à venir n’en seront que mieux comprises et acceptées si elles apparaissent comme justes et légitimes.
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