Par Martine Carret, auteur de « Cancer ? Même pas peur ! », éditions l’Archipel. 4 mai 2011. Préface de Gérard Holtz. www.editionsarchipel.com.
C’est un livre écrit comme un roman, avec du suspense, de l’angoisse et des micro-bulles de respiration, apportées par des voyages aux quatre coins du monde. Au menu ? Un drame familial, une malédiction génétique, une passion pour la plongée sous-marine, une bagarre contre un alien invisible qui a déjà tué quatre femmes et qui cherche à dévorer la cinquième, une histoire d’amour qui se déclare. Cela pourrait être un roman, mais ce n’est qu’une tranche de vie et de mort. La mienne.
Je donne à mon ultra-agressif cancer du sein un faux nom latin : Krabus vulgarus. Mépriser son ennemi, le déshumaniser, ce sont des techniques de guerre. Là, c’est bien la guerre que je déclare. Un combat sanglant. Je l’insulte tout haut. Je lui crache mon venin.
Tu as tué ma jolie et jeune maman. Tu as eu la peau de ma grand-mère. Celle de sa s?ur et de sa fille. Tu veux la mienne ? Et pourquoi pas celle des petites filles qui m’entourent de leurs câlins ? Je peux t’assurer que moi tu ne m’auras pas, ou du moins pas tout de suite.
Au sein de l’Institut Curie, je trouve une équipe rassurante, qui me propose une chimio-thérapie néoadjuvante qui préserve mon intégrité physique. Tout se déroule parfaitement, les soins, les conseils. Je pars plonger entre deux cures de chimio. Je continue de vivre normalement, de travailler.
J’attends les résultats d’une étude sur mon ADN. Le séquençage de l’ADN dure un an. Et puis, le résultat tombe. Je suis porteuse d’une mutation appelée BRCA (1). Ce gène d’ordinaire banal et dont le rôle est de supprimer les tumeurs est déficient dans mon organisme. Il ne remplit plus son rôle. Et le cancer peut proliférer.
J’avertis aussitôt mes six cousines. Agées d’une quarantaine d’années, elles doivent être surveillées. Commence alors un autre combat, que je trouve ubuesque.
Inepties dangereuses
Leurs gynécologues sont dépourvus de toute réaction à l’annonce de l’existence de cette mutation. Supposés détenir la Science et censés être des « spécialistes », ces médecins leur racontent même des inepties : « Vous ne risquez rien. Il n’y a pas de transmission possible par le père. Partez tranquille, madame. Retournez chez vous. Revenez me voir à 50 ans ! »
Pas un médecin n’a l’humilité de dire : « Je ne connais pas bien cette mutation. Je vais me renseigner. » Certaines changent de gynécologue. Même topo. Zéro pointé. Avec mes cousines, nous avions lu des fascicules médicaux qui contredisent totalement leurs propos. En fait, nous étions plus informées que ces « spécialistes », mais nous n’étions rien, nous, que de pauvres anxieuses qu’il fallait rassurer ?
Femmes averties, nous en savions finalement plus qu’eux. Un cancer du sein d’origine génétique survient en moyenne aux alentours de 43 ans. On ne peut donc pas attendre et se contenter des examens préconisés à 50 ans ! Mais nous n’avions pas de Doctorat, alors… il fallait se taire. Qui étais-je moi, pour oser remettre en cause leur parole ? Qui mes cousines allaient-elles croire ? Leur médecin de famille ? Ou moi, simple journaliste dépourvue de tout diplôme médical ?
Etions-nous cependant censées croire aveuglément ces gynécologues? Considérer que la Bonne Parole qu’ils énonçaient doctement était forcément la Parole Juste ? Loin de là ! Tout journaliste croise ses sources et ne gobe pas béatement ce que lui certifient, la main sur le c?ur, les hommes et femmes de l’univers politique. Pourquoi aurions-nous fait de même avec ces médecins ?
Cela faisait un an que j’étais soignée dans un univers spécialisé où mon risque génétique était parfaitement pris en compte et je me sentais en sécurité maximum… Mais à l’extérieur ? J’ai commencé à enquêter, à discuter avec d’autres femmes. Je voulais savoir si ce qui arrivait à mes cousines était atypique. C’était, hélas, loin d’être un cas isolé…
Je me suis alors rendu compte que les témoignages qui affluaient de tous les coins de la France montraient de nombreuses failles dans le système médical NON SPECIALISE. Combien de femmes à risque familial non surveillées ? Mal protégées ? Mal orientées ? Même sans risque familial d’ailleurs !
Trop. Beaucoup trop… Et le prix à payer est cher. Car au bout d’un chemin mal balisé, il y a la MORT ! Alors que dans des centres spécialisés, pourvus d’une structure d’oncogénétique, il y a la VIE !
Informer les médecins
Ce livre est né d’une révolte. De ma colère, non pas contre le cancer qui avait déjà décimé ma famille et qui me happait également, mais de ma colère dirigée contre certains médecins. Laisser partir mes cousines d’une consultation médicale en leur certifiant que le gène muté ne pouvait pas leur avoir été fourni par leur père était carrément irresponsable. C’est une aberration scientifique absolument impardonnable. Et dangereuse au plus haut point. Pour moi, cela relève purement et simplement de la mise en danger de la vie d’autrui ! Alors que les médecins sont supposés protéger nos vies !
Ignorer ou sous-estimer le BRCA, c’est mettre des patientes en danger. J’ai saisi mon bâton de journaliste et j’ai amassé le plus d’informations possible sur le BRCA. J’ai tenu à écrire cette histoire (2), car elle dépasse largement le cadre d’un témoignage familial. Pour que des alertes se créent chez ceux ou celles qui liront cet ouvrage. Une petite lueur qui permettrait une réaction et aiderait à une meilleure prise en charge de quelques dizaines de femmes dans ma situation.
Devant des cas complexes : maladies orphelines ou mutations génétiques mal connues… si un seul médecin pouvait éprouver un peu de modestie intellectuelle… et oser avouer « Je sais que je ne sais pas tout. », j’avoue que j’en serai ravie ! Surtout s’il se plonge ensuite dans des revues médicales pour se tenir au courant des dernières trouvailles de la Science. Pourquoi les médecins ne sont-ils pas soumis à des remises à niveau obligatoires ?
Comme beaucoup d’autres mutations, le BRCA est un gène de destruction massive, une arme insidieuse. Mais comme pour les missiles à tête nucléaire, il existe des contre-mesures efficaces qui peuvent être mises en place pour l’empêcher d’exploser et de tuer.
A l’unique condition qu’on ait su le débusquer à temps…
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A lire également :
http://www.viva.presse.fr/Cancer-les-medecins-doivent-faire_15335.html
http://www.jemesensbien.fr/2011/soin/cancer-du-sein-hereditaire/
(1) Breast Cancer (anglais) = cancer du sein
(2) Une partie du produit de la vente de ce livre sera versée au service d’oncogénétique de l’Institut Curie. www.cancerdusein.curie.fr
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