Malgré les scandales, les français demeurent les premiers consommateurs au monde de santé. Commandé par Xavier Bertrand pour proposer une réforme efficace du système de santé suite au scandale du Mediator, le rapport publié hier par l’Inspection des affaires sociales prône la « reconstruction » totale de notre politique du médicament.
« La pharmacopée française est surabondante. Il est temps de remédier à cette situation ». Avec le rapport sans concession d’Anne-Carole Bensadon, Etienne Marie et Aquilino Morelle, le ministre de la Santé dispose de propositions concrètes et souvent radicales pour réformer profondément la politique française du médicament, dont les faiblesses sont criantes depuis plusieurs années. Cela tombe bien, Xavier Bertrand doit justement présenter demain les grandes lignes de la réforme qu’il entend mettre en place.
Suppression des visiteurs médicaux
Ambitieux, le texte conseille de réévaluer l’ensemble des médicaments actuellement en vente d’ici 1 à 2 ans pour ne retenir que les produits « essentiels » et retirés tous les autres. Par la suite, le processus de réévaluation devrait être permanent. S’agissant des nouvelles molécules, les laboratoires devront prouver leur « valeur ajoutée thérapeutique » par rapport aux traitements existants.
Dans cette même logique, l’IGAS prône tout simplement « l’interdiction de la visite médicale ». Pour les auteurs du rapport, « il n’y a pas d’alternative », car les « tentatives de régulation menées depuis quelques années » ont échoué selon le rapport.
Au-delà des « anomalies particulières » relevées, l’IGAS pointe du doigt dans son rapport publié hier, les « graves défaillances globales des politiques et autorités publiques du médicament au général, du système français de pharmacovigilance au particulier révélées par l’affaire du Mediator ». Pour les inspecteurs publics, cette situation résulte « à la fois d’un affaiblissement du rôle de l’Etat depuis la fin des années 90, et d’un retard pris par rapport aux pays comparables ».
Une réforme d’envergure
L’article R 5121-150 du code de la santé publique précise que « la pharmacovigilance a pour objet la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain ». L’IGAS souligne que l’acceptation originelle a évolué vers une pharmacovigilance plus large, qui apparait dans une récente directive européenne qui précise l’objectif du système de pharmacovigilance mis en oeuvre par les Etats membres.
Il s’agit de recueillir des informations utiles pour la surveillance des médicaments, y compris des informations sur les effets indésirables présumés, en cas d’utilisation d’un médicament conformément aux termes de son autorisation de mise sur le marché, mais aussi lors de toute autre utilisation (surdosage, mésusage, abus de médicaments, erreurs de médication). Elle comporte également les effets indésirables présumés survenant après une exposition sur le lieu de travail.
Comme le note l’IGAS, ces évolutions de la notion de pharmacovigilance laissent « une place importante à la démarche de prévention », qui doit appréhender une surveillance « tout au long de la vie du médicament ». Dans ce cadre, l’Inspection des affaires sociales propose « une réforme d’envergure de la pharmacovigilance » française.
Faiblesse politique, institutionnelle et sanitaire
Sur le modèle anglo-saxon, le rapport propose notamment de « favoriser, simplifier, centraliser la notification des cas et élargir le champ des notificateurs » pour permettre de faire remonter rapidement, facilement et complètement les informations sur les effets indésirables des médicaments. Par ailleurs, plus technique, le document préconise de supprimer l’usage de l’imputabilité clinique pour éviter de « de museler leur fonction d’alerte et de rendre les estimations de risque faussement rassurante », comme le note le Pr Bégaud.
Au-delà des mesures techniques et pratiques à mettre en ?uvre selon l’Inspection des affaires sociales, c’est le politique qui doit se remettre au c?ur de la politique du médicament. « Notre pays ne dispose pas d’une politique du médicament globale ». Constatant « l’absence de chaîne du médicament organisée » et « une situation de faiblesse politique, institutionnelle et sanitaire », l’IGAS propose que le politique reprenne la main.
« L’Etat doit retrouver une responsabilité qui ne peut être que la sienne, tant dans le pilotage du secteur du médicament – crucial du point de vue de la santé publique – que dans la nécessaire redéfinition d’une politique du médicament européenne qui a gravement dérivé dans une forme d’opacité et d’absence de contrôle démocratique » affirme le document rappelant que « la sécurité sanitaire est une prérogative régalienne de l’Etat ». C’est désormais au gouvernement et à Xavier Bertrand en particulier de faire preuve de volontarisme dans cette affaire.
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